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raillerie

La raillerie est un élément important de la rhétorique. Elle constitue un moyen à la fois fin et puissant de toucher et de plaire. Elle est liée au rire ; sans doute parlerait-on aussi de sourire. On peut lui donner un sens particulier et restreint, comme fait Quintilien : une parole mordante accompagnée d’un rire malin; il s’agit bien sûr du rire de celui qui prononce la parole et se moque de celui dont il parle. Mais on peut aussi entendre la raillerie dans un sens plus large : plaisanterie élégante prononcée au détriment de quelqu’un ou de quelque chose, sans méchanceté. En cette seconde acception, la raillerie peut jouer aussi bien le rôle d’un ornement que d’un moyen de se défendre ou tout simplement d’asseoir sa position à l’égard des auditeurs. La raillerie doit être honnête et douce, même s’il arrive que l’on puisse se livrer à une raillerie dure et piquante : mais il faut se méfier de cette seconde tendance, car on risquerait alors d’offenser des malheureux, oubliant que le malheur peut toujours tomber sur l’orateur. Elle doit être aussi fine et délicate, jaillir à propos, n’être point affectée ni surtout envahissante. On ne raille pas davantage les puissants, les corps, les groupes, les gens qui souffrent, les amis. On raille donc sous la forme de bons mots, ce qui relève à la fois de l’invention et de l’élocution. La matière de la raillerie est immense. D’après Quintilien, cette matière naît ou des défauts corporels de celui dont nous nous moquons, ou des défauts de son esprit, dont on juge par ses paroles et par ses actions, ou de choses qui sont hors de sa personne mais qui ont rapport à lui. On tourne ces défauts en ridicule tantôt en les montrant à découvert, tantôt par un conte ou un récit agréable que l’on en fait, souvent aussi par un seul trait qui les marque. Le récit est en effet un bon moyen de railler : encore faut-il y mettre beaucoup de talent, pour faire bien ressortir le ridicule que l’on veut dénoncer. La raillerie réduite à un mot d’esprit, un bon mot, un trait, est sans doute la plus légère, matériellement, et la plus efficace : on s’en sert aussi plutôt dans les altercations ; mais rien n’empêche d’en émailler tout le discours, à condition de toujours garder la mesure. On peut se servir de mots équivoques, avec la plus extrême prudence ; on peut ridiculiser en rabaissant l’objet de ses propos ; on peut jouer de divers rapprochements, entre la forme des noms propres des personnes visées et la désignation de réalités inintéressantes, entre plusieurs thèmes recevant de manière surprenante des appellations apparentées complètement facétieuses; on peut exploiter différents lieux et manier toutes sortes de figures, comme l’hyperbole ou l’ironie (par exemple); on peut changer le sens de paroles prononcées par d’autres. D’une façon générale, tous ces amusements verbaux reposent sur une attitude de feinte : on fait semblant (jusqu’à feindre d’être soi-même faible ou ridicule). C’est tout un art que de railler à la fois avec convenance et avec esprit, c’est-à-dire justement. Il convient en effet toujours d’avoir en vue l’intérêt de son discours, le respect humain en général, la dignité des propos dans la situation, la qualité véritable du plaisir que l’on doit ressentir et surtout donner à l’auditoire : raffinement et bonté doivent présider à la difficile vertu sociale que représente l’exercice raffiné de la raillerie.

=> Éloquence, oratoire, orateur; invention, élocution; plaire, toucher, ornements; altercation; élégance, qualités, dignité, convenant, bienséances, honnête; figure, ironie, hyperbole, lieu; équivoque, affecté; rire, urbanité.