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PLATON: L'allégorie de la caverne

[caption id="attachment_1155" align="alignleft" width="199"]Platon Platon[/caption]
Dans ce passage célèbre du livre VII de La République, Platon imagine une allégorie qui montre des prisonniers enchaînés depuis leur naissance au seul monde qu'ils connaissent, la caverne. Or, ces prisonniers symbolisent la situation de la plupart des hommes qui vivent dans l'ignorance et ne le savent pas. Dans la conception platonicienne, la caverne représente le monde sensible, illusoire, tandis que le monde extérieur représente le monde intelligible, éclairé par le soleil de la vérité.
Problématique
La connaissance est symbolisée par la vision et la lumière. De même que les yeux s'accoutument à une faible lumière, de même l'esprit qui n'a pas le souci de la vérité ne se rend pas compte qu'il est dans l'erreur. On ne peut découvrir la nécessité de la recherche qu'en étant d'abord délivré malgré soi à travers un cheminement qu'on ne pourra comprendre qu'à la fin.
Enjeux
Les enjeux de ce texte sont d'une grande richesse. Les deux mondes platoniciens : pour Platon, le monde est divisé en deux domaines, le monde sensible, représenté ici par la caverne, et le monde intelligible, domaine de la vérité. Le destin du philosophe : il est celui qui a vu le monde intelligible, qui a contemplé la vérité. Or, la suite du texte montrera qu a son retour dans la caverne, où ses yeux ont bien du mal à se réaccoutumer à l'obscurité, il risque d'être méprisé et même tué par les autres prisonniers. Il faut songer ici au destin de Socrate lui-même, condamné à mort par les Athéniens.
L'allégorie de la caverne
Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne [...] ; ils sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée que longe un petit mur [...]. Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur [...]. Penses-tu que dans une telle situation, ces prisonniers aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?[...] Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même ?[...] Si donc ils pouvaient s'entretenir ensemble, ne penses-tu pas qu'ils prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient ? [...] Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui passerait devant eux ? [...] Assurément, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués. Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu'on les guérisse de leur ignorance. Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements, il souffrira, et l'éblouissement l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu'il répondra si quelqu'un lui vient dire qu'il n'a vu jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ? [...] Ne penses-tu pas [...] que les ombres qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant ?
Garnier, 1966, trad. Baccou.

« Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée. Imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles. » C’est ainsi que débute le plus célèbre des apologues philosophiques, destinés à faire connaître au plus large auditoire le cœur même de la représentation platonicienne du monde. Les hommes sont enchaînés à leurs sensations qui ne leur transmettent de la réalité que des ombres. S’ils veulent se retourner vers la vérité, se « convertir », cela réclamera efforts pénibles et persévérance : sortir de la caverne sensible n’est pas chose aisée (il faut même de la chance, puisque celui qui s’échappe ne peut le faire que parce qu’il constate qu’il est libre de toute entrave), et l’entreprise est d’autant plus étonnante que vivre en dehors de cette même caverne, sous le soleil aveuglant des idées, n’est pas possible : il faudra revenir ensuite parmi les autres hommes, les prisonniers, pour tenter de les délivrer ou de leur dire la vérité. La tâche du philosophe s’annonce ingrate...