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Pierre Gascar

Pierre Fournier est né en 1916. Ce n ’est que plus tard qu ’il prendra le nom de Pierre Gascar. Il a collaboré à France-Soir et au Monde et a beaucoup voyagé. Pierre Gascar a écrit près d’une trentaine d’ouvrages, dont plusieurs ont été brillamment couronnés par des prix littéraires. Pourtant, Gascar n’est pas de ces écrivains qu’on nommerait « célèbres ». Cela tient sans doute au fait que son œuvre est, d’une certaine manière, marquée par une époque, gardant ses racines accrochées à un moment précis de l’histoire dont elle n’arrive pas à se démarquer : la grande Guerre. On sait que l’auteur a été emprisonné par les Allemands dans le camp de Rawa-Ruska. De ce long séjour au contact de la mort, de la souffrance et de l’angoisse, Pierre Gascar est revenu avec des nouvelles, les Bêtes, et un récit, le Temps des morts, qui évoque douloureusement sa captivité. Attentif à peindre le réel, creusant la vérité avec l’œil perspicace du journaliste, en un mot : témoignant d’une époque noire, Pierre Gascar est devenu peu à peu un écrivain à la langue froide et dure (mais toujours pure), scrupuleux analyste de la solitude, de la haine et du combat des hommes.
C’est en quittant son pays pour d’autres contrées que Pierre Gascar a levé son regard vers un monde nouveau, peut-être moins sombre. De beaux livres clairs témoignent des ses intelligentes pérégrinations — essentiellement asiatiques — Chine ouverte, Voyage chez les vivants et Aujoud’hui la Chine. Depuis, Pierre Gascar a publié de nombreux récits où l’homme, enfant ou adulte, se cherche dans un univers confus, comme ces garçons de la Graine et de l’Herbe des rues; comme le Fugitif, évadé d’un camp de concentration. Mais derrière le pessimisme apparent des textes de Gaspar, il y a l’étincelle d’une attente et la lumière, même voilée, d’un espoir — celui qu’on pourrait retrouver en ces mots du Voyage chez les vivants : «Il faut que nous les (les hommes) délivrions de l’ombre pour qu’enfin batte, en eux, jusqu 'au bout, ce cœur fragile et clair. » ► Principaux titres
Romans : les Meubles, Gallimard, 1949 ; les Bêtes, Gallimard, 1953 ; le Temps des morts, Gallimard, 1953 ; la Graine, Gallimard, 1955 ; l'Herbe des rues, Gallimard, 1957 ; le Fugitif, Gallimard, 1961 ; les Chimères, Gallimard, 1969 ; Essais : Chine ouverte, Gallimard, 1955 ; Aujourd'hui la Chine, Clairefontaine, 1956 ; Voyage chez les vivants, Gallimard, 1958 ; Histoire de ia captivité du Français en Allemagne, Gallimard, 1967. Théâtre : les Pas perdus, Gallimard, 1958.


Romancier, né à Paris. Tenir une rubrique dans un quotidien aussi notoirement, destiné au «grand public» que France-Soir risquait, auprès des délicats, de disqualifier Gascar. Et il lui a fallu une double ration de talent pour s’imposer auprès du public cultivé : d’abord, avec Les Bêtes (prix des Critiques 1953) et, la même année, avec Le Temps des morts (prix Goncourt, qui couronnait également Les Bêtes). Ancien prisonnier deux fois évadé et replacé en « camp disciplinaire », il sera longtemps marqué par les horreurs dont il a été témoin. Le recueil de nouvelles des Bêtes nous révèle d’ailleurs une vision du monde, de la vie quelle qu’elle soit, tout aussi cruelle. Mais le monde animal n’est pas traité en passant par Pierre Gascar. Nous le retrouvons un peu partout : ainsi dans La Graine, 1955 (la scène du porc qu’on égorge), dans Les Chevaux (« imagé » par l'ORTF en 1970), dans un essai de 1964 : L’Expression des sentiments chez les animaux. Comme pour Konrad Lorenz, l’attention tout ensemble patiente et passionnée qu’il porte aux bêtes l’aide à la compréhension - au sens « humain » du terme - de nos propres comportements. Qui n’a remarqué, d’autre part, que Gascar se réconcilie peu à peu avec l’homme? Avec la nature; avec la vie tout entière. Et croit (plus qu’au temps de Rawa-Ruska) que la solidarité a ici-bas ses chances : Les Sources (1975), Dans la forêt humaine (1976), Pour le dire avec des fleurs (1989).