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Personnage

Personnage
Individu qui joue un rôle plus ou moins important dans un récit.
Commentaire Le personnage est une notion difficile à cerner. Dans le roman traditionnel, il est assimilé à une personne : ses traits naissent de l'imagination d'un écrivain (personnage fictif, ex. : Meursault dans l'Etranger, d'Albert Camus) ou sont empruntés à l'histoire (personnage historique, ex. : Richelieu dans les Trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas). Souvent, il présente une nature mixte, lorsque l'auteur, s'inspirant d'un personnage ayant véritablement existé, romance plus ou moins consciemment les données de l'histoire à des fins dramatiques (ex. : d'Artagnan). Dans le roman moderne et contemporain, le personnage est devenu une conscience qui construit le récit à partir de sa propre expérience du monde. Le « il » du roman traditionnel a laissé place au « je », qui est à la fois le narrateur et le personnage (ex. : Marcel dans A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust). Dans une œuvre, il n'est pas toujours aisé de distinguer le personnage principal des personnages secondaires. En effet, l'importance d'un personnage ne se mesure pas à ses fréquences d'apparition, mais à sa fonction dans le texte — c'est-à-dire à la mission qui lui revient dans la construction du récit. C'est ici que la notion d'« actant », empruntée à l'analyse structurale du récit, peut être d'un grand secours.
Citations
Mes personnages imaginaires m'affectent, me poursuivent, ou plutôt c'est moi qui suis en eux. Quand j'écrivais l'empoisonnement d'Emma Bovary, j'avais si bien le goût d'arsenic dans la bouche, j'étais si bien empoisonné moi-même, que je me suis donné deux indigestions coup sur coup, deux indigestions très réelles, car j'ai vomi tout mon dîner. (Flaubert, Correspondance.)
Les romanciers, par la description trop exacte de leurs personnages, gênent plutôt l'imagination qu'ils ne la servent, et ils devraient laisser chaque lecteur se représenter chacun de ceux-ci comme il lui plaît. (André Gide, les Faux-Monnayeurs.)
Décrire des meubles, des objets, c'est une façon de décrire des personnages [...] ; il y a des choses que l'on ne peut faire sentir ou comprendre que si l'on met sous l'œil du lecteur le décor et les accessoires de l'action. (Michel Butor, Essais sur le roman.)
[...] ils [les personnages secondaires] sont privés de toute existence autonome et ne sont que des excroissances, modalités, expériences ou rêves de ce « je », auquel l'auteur s'identifie [...]. (Nathalie Sarraute, l'Ère du soupçon.)
PERSONNAGE, n. m. (du latin persona, «masque de théâtre; rôle; personnalité»).
1° Sens littéraire. Être de fiction dans une œuvre théâtrale, épique, romanesque, et bien sûr, de nos jours, dans les films. Au théâtre, il importe de distinguer l’acteur (la personne qui joue le rôle) du personnage (le héros, le rôle joué). Le personnage de théâtre tend souvent à devenir un type, un caractère social marqué, qui le rend à la fois représentatif d’une catégorie d’hommes, et irréductible à tout individu particulier. Dans le roman réaliste, le personnage tend à ressembler le plus possible à un individu existant : l’intention de Balzac est de «faire concurrence à l'état civil». Mais il garde tout de même un statut de héros (voir ce mot, au sens n° 3), avec ses caractères propres. Il ne peut donc être confondu avec une personne réelle, malgré l’objectif central de l’écrivain, qui est d’en donner l’illusion.
2° Sens courant. Être humain considéré du point de vue de sa position sociale ou de son comportement dans la vie collective : — Il peut s’agir, classiquement, d’un personnage important. Une personnalité en vue, un notable, un dignitaire, une «figure» historique pouvait être appelé simplement personnage à l’époque classique. On dit encore de certains : Ça, c 'est un personnage. — Il peut s’agir, plus couramment, du rôle que chacun joue en société, par analogie avec les rôles joués au théâtre. Ce rôle est parfois spontané (Quel curieux personnage!)'. l’individu ne connaît guère la différence entre son caractère profond et la réalité de ce qu’il est socialement. Mais ce rôle est le plus souvent conscient, qu’on s’y donne («on soigne son personnage ») ou qu’on le déplore (on sent que la personne que l’on est vaut mieux que l’image que l’on donne de soi). Ce qu’il faut retenir ici, c’est la connotation sociale, extérieure, liée au «théâtre de la vie», que conserve le mot personnage par opposition au mot personne.
PERSONNAGE nom masc. - Être de fiction que met en scène une oeuvre littéraire.
ÉTYM. : du latin persona.
On a longtemps vu dans la description des personnages, dans la peinture des caractères l’un des principaux intérêts de la littérature, et tout particulièrement du roman. Un livre ou une pièce n’avaient de valeur que s’ils donnaient naissance à un « être de fiction » qui serait construit avec tellement d’art qu’il nous permettrait de mieux comprendre la nature humaine. Dans cette perspective, un grand personnage était un type (Tartuffe, Harpagon, Goriot, etc.), et la littérature avait pour mission de constituer à l’intention du lecteur cultivé une galerie de portraits éternels. L’œuvre de Balzac est particulièrement représentative de cette conception de la littérature. Dans son « Avant-propos » à La Comédie humaine, le romancier déclare son intention de « faire concurrence à l'état civil». C’est là, selon lui, une entreprise plus difficile que « de mettre en ordre les faits à peu près les mêmes chez toutes les nations, de rechercher l'esprit des lois tombées en désuétude, de rédiger des théories qui égarent les peuples, ou comme certains métaphysiciens, d'expliquer ce qui est ». Inventeur d’êtres de fiction, le romancier se pose en rival de Dieu, créateur d’êtres de chair et de sang. L’œuvre de Balzac nous propose ainsi une série de figures qui dominent de toute leur stature les titres de La Comédie humaine. En général, le romancier nous présente chacun de ses personnages, ne nous laissant rien ignorer de leur apparence physique, du milieu dans lequel ils évoluent, de la classe sociale à laquelle ils appartiennent, des traits principaux de leur caractère. Le roman gravite autour du personnage. C’est largement à rebours de cette conception du personnage que le roman contemporain s’est constitué : au héros se substitue lentement l’antihéros ; de l’être doué de traits caractéristiques qui font de lui le représentant d’une forme significative de l’humanité, on passe à l’individu sans nom et sans visage. La littérature contemporaine est pleine ainsi de personnages médiocres, de héros sans noms ou d’hommes sans qualités. Dans un passage célèbre de son Pour un nouveau roman, Alain Robbe-Grillet analyse de la manière suivante la métamorphose du personnage romanesque : « Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de l'individu.
Peut-être n’est-ce pas un progrès, mais il est certain que l’époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule. »