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perlocutoire. Alors que la valeur illocutoire d’un énoncé est définie par son statut principal, généralement explicite (un énoncé est une question, une promesse, un conseil, une menace...), on appelle perlocutoires l’ensemble des valeurs dérivées de l’énoncé, l’ensemble des effets secondaires qu’il vise : « Couvre-toi bien ! » est un conseil (valeur illocutoire), mais peut aussi être une façon d’exprimer son affection, de marquer son désir de réconciliation après une dispute, etc. (valeurs perlocutoires). Les valeurs perlocutoires d’un énoncé s’apprécient en contexte. Dans L'Usage de la parole (1980), N. Sarraute a montré ainsi comment un simple « mon petit » dans une conversation entre amis peut être perçu comme la pire marque d’humiliation.

péroraison (n. f.). C’est la dernière des cinq parties du discours. Elle conclut en résumant les principaux points de l’argumentation {enumeratio, récapitulation), pour bien mettre en évidence ce qui a été confirmé et ce qui a été réfuté ; c’est aussi le moment où l’orateur peut utiliser l’amplification afin d’exciter l’indignation ou la colère chez les auditeurs. Il s’agit en effet de bien faire ressortir, grâce au déploiement d’une rhétorique spectaculaire, tout ce que le crime a d’odieux, en faisant appel aux autorités qui le condamnent, en mettant en lumière ses conséquences, et celles qu’aurait un éventuel acquittement ; selon Quintilien {Institution oratoire, Ier siècle ap. J.-C.), c’est le moment où il faut faire preuve de tout son art pour émouvoir les passions de l’auditoire. Les principales figures sont donc utilisées dans ce but afin de mettre sous les yeux, avec vivacité, toutes les circonstances de l’action condamnable ; Quintilien recommande notamment l’usage de la prosopopée (en faisant parler la victime), ce qui rapproche l’orateur de l’action théâtrale. L’autre voie possible est celle de la compassion {commiseratio) qui joue elle aussi sur les sentiments, et vise le troisième but de la rhétorique, l’émotion {movere). Cette partie est donc, avec la narration, une des parties les plus littéraires du discours, c’est-à-dire celle qui a sans doute eu une influence déterminante sur certains genres, comme le théâtre tragique.


persiflage. Forme de langage mondain qui associe l’ironie, souvent l’antiphrase et la moquerie agressive. Persifler consiste par exemple à louer quelqu’un ironiquement, à « Tendre quelqu’un instrument et victime de la plaisanterie par les choses qu’on lui fait dire ingénument » (Féraud). Le persiflage fut à la mode au XVIIIe siècle dans les milieux mondains et dans la littérature.

Personnage. Etre de fiction, créé par le romancier ou le dramaturge, que l’illusion nous porte abusivement à considérer comme une personne réelle. On parle de héros pour désigner le ou les personnages dotés du rôle majeur. Celui-ci n’est pas nécessairement « héroïque » (c’est-à-dire digne d’admiration pour ses qualités physiques et morales) comme c’était toujours le cas aux origines de la littérature, dans l’épopée notamment. Il peut être faible et méprisable : on parle, dans la littérature contemporaine, d’anti-héros pour désigner un tel personnage. Ex : Vladimir et Estragon, les deux protagonistes de En attendant Godot de Beckett (1953), clochards qui n’ont d’autre perspective dans leur existence qu’une attente vaine, sont deux anti-héros. Au théâtre, il ne faut pas confondre le personnage et l’acteur (le comédien qui le représente, dans le théâtre antique, ou l’incarne dans le théâtre occidental). L’acteur, dans l’Antiquité grecque, était le protagoniste (premier acteur). C’est lui qui tenait le rôle principal et dirigeait les deux autres acteurs appelés le deutéragoniste (deuxième acteur) ou le tritagoniste (troisième acteur). Le sens actuel de protagoniste est devenu synonyme de personnage principal. Il faut distinguer également au théâtre, face aux personnages incarnés par les acteurs, des personnages au second degré évoqués seulement dans le dialogue, par le biais du récit. Grâce à eux la scène se peuple d’ombres immatérielles. Ils diffèrent peu des personnages romanesques. Ils introduisent des éléments diégétiques dans un univers qui est celui de la mimésis.

Ex : les marquis évoqués par Célimène et ses amis dans la fameuse scène des portraits {Le Misanthrope, II, 4).

personnage de roman. Il est différentes façons d’appréhender le personnage de roman. D’un point de vue sémiotique, le personnage est un nom qui permet une représentation mentale que le lecteur construit à partir d’une série d’informations éparses dans le texte. D’un point de vue actanciel, le personnage est défini comme un agent du récit, il assume une fonction donnée dans la diégèse (obstacle, aide...) et n’existe que par rapport aux autres personnages, en système. Mais le personnage n’est pas seulement une catégorie formelle du récit ; parce qu’il est une représentation de la personne humaine, son analyse mobilise l’ensemble des sciences de l’homme et il est un objet sensiblement différent selon qu’on l’envisage d’un point de vue psychanalytique, sociologique, philosophique... Aussi toutes les théories du roman sont-elles, d’une façon ou d’une autre, d’abord des théories du personnage romanesque.


personnage de théâtre. Notion extrêmement complexe. L’origine latine du mot, persona, le masque, nous invite à mettre en avant la dissociation entre la personne de l’acteur et le personnage joué, alors même que l’évolution du théâtre occidental a longtemps été caractérisée par leur confusion progressive. Aristote, mettant l’accent sur l’action, désignait les personnages comme « ceux qui agissent » et «ceux qui parlent ». Le «caractère» leur est donné par surcroît. A l’époque classique et romantique, cette position est plus ou moins nettement remise en cause par un mode d’élaboration du personnage qui privilégie le caractère, la condition, la fiction d’une individualité subjective, psychologiquement définie, responsable de l’action. L’approche actancielle du personnage entre ainsi en tension avec une approche traditionnelle psychologique. Le personnage se caractérise à l’époque classique par une sur-dimension théâtralisante : héros dans la tragédie, caractères dans la comédie. Ce phénomène, bien perçu par Marmontel et par Diderot, est pourtant pratiquement de plus en plus souvent dénié, à partir du XVIIIe siècle, à mesure que s’impose une esthétique théâtrale plus réaliste. Le personnage est pris dans une tension d’un autre genre encore : tantôt sa définition tend vers l’individualité, comme c’est le cas pour des héros tragiques connus dans l’Histoire (Titus ou Néron) ou dans la fable (Phèdre), tantôt elle tend vers la généralisation (l’avare, le bourgeois gentilhomme). Cette tension figure évidemment l’opposition de la tragédie et de la comédie. Dès le XVIIIe siècle, elle a pourtant fait l’objet de vives critiques idéologiques, poétiques et politiques de la part de Diderot et de Lessing, au nom de la représentation de l’homme, universel à travers sa nature particulière. Le théâtre du XXe siècle a fait voler en éclats ces clivages en pluralisant et en contestant de toutes les façons le personnage, dont l’incarnation peut être limitée à une voix dans l’obscurité, se démultiplier, être partagée entre plusieurs acteurs, réduite à l’état de marionnette ou de fantoche. Parfois son incarnation est refusée, il est alors mis à distance. Ses rapports avec le comédien sont remis en cause, tantôt dans la direction représentée par le travail de Léo Strasberg et de son célèbre Actors studio ou, en France, par Tania Balachova, tantôt dans celle de Diderot ou de Brecht.