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pédérastie, amour d’un adulte pour un jeune garçon mais qui peut rester pur, encore qu’il implique un sentiment plus fort que l’amitié (philia).

pédérastie, amour d’un adulte pour un jeune garçon mais qui peut rester pur, encore qu’il implique un sentiment plus fort que l’amitié (philia).

Selon que les Etats fussent doriens ou ioniens, la pédérastie était érigée en institution comme à Sparte et surtout en Crète, ou sévèrement condamnée comme à Athènes ; mais dans ce dernier cas les lois restaient lettre morte et la pédérastie était généralisée en Grèce. Il est certain que cette pureté, que dans le principe les Grecs désiraient voir triompher dans leurs relations pédérastiques, restait souvent un vœu pieux; c'est la raison pour laquelle à Athènes l’entrée des gymnases était interdite aux adultes de mœurs dépravées, et qu’à Sparte les éphores veillaient à ce que la jeunesse ne fût pas corrompue par des adultes peu scrupuleux. Cependant les institutions antiques, qui reléguaient les femmes dans les gynécées, favorisèrent les relations entre les hommes, d’autant plus qu’ils passaient une grande partie de leur temps à s’exercer nus dans les gymnases. Aristote pensait d'ailleurs que c’était pour éviter la surpopulation que les législateurs avaient légalisé la pédérastie. En réalité c’est un état de fait largement répandu dans toutes les sociétés et, à la différence de la majorité des autres peuples, les Grecs l’acceptaient comme une chose naturelle qu’on pouvait révéler au grand jour; elle n’était sans doute pas plus répandue que dans les autres nations. Et c’est parce que nulle contrainte sociale ne les forçait à l’hypocrisie que les Grecs ont montré leurs amours avec tant de naturel. C’est à de jeunes garçons qu’Anacréon consacre une partie de ses Odes, Pindare ne chante que les vainqueurs aux jeux et meurt la tête appuyée sur l’épaule de son ami en écoutant ses propres poèmes; quelques-uns des plus beaux poèmes de Théocrite sont pédérastiques. Il est vrai que les dieux ont donné l’exemple : Zeus enlève Ganymède; Apollon aime Hyacinthe, et même le puissant Héraclès s’éprend du bel Hyllos. Les hommes les imitent. La révolution d’Harmodios et Aristogiton part d’une amitié passionnée et c’est sur une amitié semblable qu’est fondée l’idée du bataillon sacré des Thébains. Même les hommes qui nous paraissent les plus graves n’ont pas ignoré les grâces de l’amitié et il semble que ce ne soit pas une calomnie lorsque les Anciens eux-mêmes ont accusé Aristote d’avoir été le « giton » d’Hermias d’Atarnée. Le modèle des institutions pédérastiques nous est donné par la Crète. Lorsqu’un homme avait choisi un adolescent, il en avertissait les parents et un enlèvement était simulé; les parents défendaient leur enfant avec plus ou moins de véhémence, mais ils le laissaient emporter. Avec ceux qui avaient participé au rapt, l’amant vivait alors pendant deux mois dans les plaisirs et la chasse ; le jeune garçon était ensuite ramené chez lui avec des présents et un anneau qui était consacré à Zeus. Suivait un banquet accompagné de sacrifices puis on demandait à l’aimé s’il avait à se plaindre de l’amant; en cas de réponse positive, les relations étaient rompues entre eux. Il paraît que c’étaient les qualités morales plus que physiques qui dirigeaient le choix de l’amant. Les jeunes garçons ainsi élus étaient honorés, les meilleures places leur étaient réservées dans les gymnases et les repas publics et ils portaient les habits qui leur avaient été donnés par leur amant afin de se distinguer. Devenus adultes, ils continuaient à jouir d’honneurs et étaient appelés kleinos, ce qui signifie « illustre », « glorieux ». Ces jeunes gens aimés s’appelaient aussi « érastes » et leurs amants recevaient le nom de philètêr, peut-être pour marquer que, dans le principe, leur lien devait être plus fait d’amitié que d’amour. Sans avoir à porter un jugement, il ressort que ces institutions n’ont jamais conduit à un efféminement des mœurs. Les Lacédémoniens de Léonidas avant la bataille des Thermopyles passaient leur temps à chanter, à coiffer longuement leur chevelure, à s’oindre de parfums. Averti, le roi des Perses s’étonna et pensa ne trouver devant lui que des lâches ; on sait que cette poignée d’hommes ne put être entamée par les assauts répétés des Perses et que Xerxès perdit dans ces combats l’élite de sa garde d’immortels. Les jeunes Thébains qui constituaient le bataillon sacré périrent aussi tous à Chéronée sans qu’un seul ait reçu une blessure dans le dos. Alexandre le Grand, qui par ses exploits individuels voulait égaler Achille et qui ignorait la peur dans les combats, était lié de la plus profonde amitié avec Héphestion et on sait que ses rudes compagnons ne dédaignaient pas les agréments de certaines amitiés. On pourrait même dire sans paradoxe, avec certain personnage du Banquet de Platon, que, chez les Grecs, cet amour fortifia les âmes et qu’une armée formée de couples serait invincible, ce qu’a, peu après, démontré le bataillon sacré, l’un des principaux artisans de la grandeur de Thèbes.

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