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PÉCHÉ / PÉCHÉ ORIGINEL

PÉCHÉ, n.m. Terme appartenant à la théologie et devant être distingué de la faute (qui appartient à la morale). Ce qui est essentiel dans le péché, c'est qu'il implique la privation de la vie divine donnée par la grâce sanctifiante. Le péché ne se comprend donc que dans le rapport de l'homme à Dieu. Il peut être un acte ou un état. (V. «Péché originel».)

PÉCHÉ ORIGINEL. (Concept qui fait partie de la foi chrétienne, et qui ne peut pas avoir de sens en dehors de cette foi, mais qui, dans cette foi, est essentiel.) L'étude attentive de la condition morale de l'être humain a conduit les philosophes tels que Platon, Aristote, Descartes, Kant, Bergson, un psychologue tel que Pradines, et bien d'autres, par exemple Baudelaire en poésie, à poser le mystère du mal moral chez l’homme, qui a cependant un certain fond d’aspiration à la bonté et à la justice. Aucune spéculation purement humaine n'a pu résoudre ce mystère. Chacun de nous, en s’examinant soi-même, constate qu’il y a en lui deux sortes de tendances qui vont dans deux sens opposés, qui parfois le déchirent : a) S'ouvrir à la compréhension, à l’amour d’autrui, à la justice, jusqu’à envisager parfois le sacrifice de soi ; b) Au contraire, se fermer, désirer se suffire à soi-même, s’estimer le centre du monde, le point de référence obligatoire des autres, jusqu’à envisager parfois de sacrifier les autres à son propre agrément. Ni la psychologie, ni la morale, ni la métaphysique n'ont compris ce mystère, qu'elles constatent simplement. — La foi chrétienne tout entière repose essentiellement sur la révélation faite par Dieu lui-même de l’origine de cette situation malheureuse, et du salut qui lui est offert : c’est ce que l’on exprime par les dogmes du Péché originel et de la Rédemption (PASCAL, Br. 523 : «Toute la foi consiste en Jésus-Christ et en Adam» ; dans cette phrase, Pascal reprend une proposition de saint Augustin : «Toute la foi chrétienne se résume exactement dans la cause de deux hommes [Adam, Jésus-Christ]»). Il est donc impossible d’être chrétien en dehors de l’acceptation, dans la foi, des deux dogmes de la Rédemption et du Péché originel (dogmes intimement liés) et des faits réels qu'ils contiennent : ces dogmes ne sont pas des mythes, mais des vérités révélées par Dieu lui-même (il est impossible à la science humaine de remonter à ces origines ; toutes les spéculations sur la préhistoire sont de pures hypothèses, parfois absurdes — «Préhistoire»). I. Le dogme du péché originel enseigne que : a) Le couple primitif, d’où descend toute l'humanité, a commis un péché gravissime qui entraîne des conséquences pour l’humanité entière, dont ce couple est l’origine. Dieu leur avait donné, outre une nature humaine, une vie surnaturelle qui les unissait à lui, et il avait joint à ce don des privilèges gratuits, préternaturels ; leur condition était exempte de souffrance et de mort. Ils ont commis un acte de refus volontaire de cet amour de Dieu, en se laissant entraîner, librement, à la séduction du tentateur, Satan («Vous serez comme Dieu, insinua-t-il, avec le pouvoir de décider par vous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal» — c’est le «fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal», qui n’a rien à voir avec une pomme !) ; par cet acte, ils ont refusé la vie divine donnée par Dieu (et non acquise par leur force, ce qui serait absurde) et se sont privés de tous les dons surnaturels et préternaturels. Désormais, ils ne peuvent plus transmettre ce qu’ils n’ont plus, et ils ne donnent à leurs descendants, avec la nature humaine, que cette condition devenue misérable (pécheresse, moralement faible, mortelle, soumise à la souffrance et à la peine) : C'est leur acte réel et historique qui est le péché originel originant (péché effectif et volontaire de nos premiers parents) ; b) La condition de leurs descendants (la nôtre) est le péché originel originé, c’est-à-dire non pas volontairement et personnellement commis, mais reçu comme l'état transmis par les premiers parents, état dans lequel naissent tous les êtres humains. II. Ce dogme est lié à celui de la Rédemption, qui est le centre de la révélation de l’amour de Dieu (v. saint Paul, Épître aux Romains, ch. 5, et l'ensemble du Nouveau Testament). Dieu est venu nous offrir un salut (une vie dans son amour), don plus sublime encore que celui qui avait été fait à l'origine, car il manifeste que «Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique [Jésus-Christ, le Verbe incarné] afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle ; car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui» (SAINT Jean, ch. 3, v. 16-7 ; v. «Logos» 3°). Ce don de la Rédemption est fait d’abord dans le sacrement de baptême, qui fait disparaître le péché originel «originé» ; puis il est encore renouvelé dans les autres sacrements et dans la grâce sous ses diverses formes. (Traité § 270.) On peut résumer tout ce qui précède en quelques propositions qui sont empruntées à une étude de M. l'abbé Michel Sinoir (Sedes Sapientiae, 1990, n° 3) : a) «Le péché originel, en son origine comme en ses conséquences, est le refus et comme l'envers de l'Amour originel, c'est-à-dire l'Amour qui a son origine, son principe éternel en Dieu Amour, et qui s'est fait connaître à l’origine, au commencement de l'Histoire Sainte » {arche signifie «principe» et «commencement», «Principe») ; b) Le chrétien doit comprendre «aujourd'hui surtout, la place considérable que tient le péché originel dans l'ensemble du Nouveau Testament, parce que, dans le Nouveau Testament, l'univers de la Rédemption, inséparable de l'univers de la Création et de la chute, cet univers de la Rédemption est tout» ; c) «Dans la synthèse mystérieuse qui englobe tout, Dieu a toujours en vue le meilleur dès l'origine. La faute d'Adam est permise en vue du nouvel Adam, le Rédempteur...» L'auteur ajoute cette remarque profonde, déjà faite par plusieurs Pères : on voit, en considérant la sculpture de la création à la cathédrale de Chartres, que «le Père crée Adam avec le même visage que Jésus». — Il faut écarter un contresens absurde, et préciser que le Sacrifice rédempteur n’a rien à voir avec une prétendue contrainte exercée par un Père cruel contre son Fils divin : celui-ci, dans son acte même d’Amour parfait, laisse les tribunaux (juif et romain) prendre sa propre vie, jusqu’à retenir sa Toute-Puissance devant ceux qui se moquent et lui crient : «Si tu es Dieu, descends donc de ta croix, et nous croirons» ; la Croix est ainsi, pour qui comprend, la révélation parfaite de l'Amour divin ; en elle-même elle est Rédemption parce que Jésus-Christ, étant Homme-Dieu (voir «Logos») accomplit le seul Acte d’amour absolument parfait, divinement parfait («il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime»).

ORIGINEL, adj. Qui remonte à l’origine, qui vient de l’origine. Les causes originelles du conflit. La nature originelle de l'homme. Le péché originel (voir ce mot). N.B. Ne pas confondre avec l’adjectif originaire (qui se rapporte plutôt au pays d’origine) : «originel» a une connotation plus temporelle et même causale. Ne pas confondre non plus avec original (même si l’étymologie est la même), dans les différents sens de ce mot : qui provient de l’auteur (manuscrit original), qui est absolument nouveau, personnel (des idées, une personne originale), au point d’en être bizarre (un mode de vie, un individu original ; un original).

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