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Selon Edmond Vandermeersch, l'excellence se définit aujourd'hui en termes de records.

Publié le 21/12/2021

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« L'excellence, est selon la définition du dictionnaire (Le Petit Robert) : un « degré éminent de perfection qu'une personne, une chose a en son genre ».

Définir l'excellence, c'est donc définir une valeur (« la perfection »).

Or, cette évaluation apparaît d'emblée difficile.

En effet, doit-on et peut-on juger de la valeur de quelque chose ou de quelqu'un selon des critères objectifs ? Selon Edmond Vandermeersch, l'excellence se définit aujourd'hui en termes de records.

Etre excellent, ce serait être le plus rapide ou le plus fort dans une échelle qui n'est plus celle de la valeur mais celle du nombre.

Ainsi, l'évaluation de l'excellence pourrait se faire en termes quantitatifs, mesurables et ne serait plus soumise au qualitatif (difficilement mesurable).

Mais alors s'opère un étonnant glissement de sens : en envisageant le record comme le critère, la preuve et la manifestation de l'excellence, on confond le « mieux » (la perfection) et le « plus » (sur une échelle numérique).

Cette évolution s'explique certainement par le développement d'une culture de masse et par les caractères de la civilisation technique.

Mais ne peut-on proposer une nouvelle définition de l'excellence à partir d'autres critères ? Accomplir un record suffit aujourd'hui à donner le « label d'excellence ».

Dans le domaine sportif auquel était réservé autrefois le mot « record », le résultat, l'évaluation chiffrée de la performance sont aujourd'hui déterminants.

Lorsqu'un athlète « de haut niveau » entre sur le stade, l' œil du public (et des commentateurs) est parfois plus attentif, au chronomètre et au « tableau d'affichage » qu'à la beauté du geste et de l'effort sportifs accomplis. Dans un autre domaine comme celui de la chanson de variétés, l' « excellence » de l'interprète est également mesurée.

Ce n'est pas la qualité mais le volume de son succès qui permet de parler de sa valeur.

Volume de vente, indice d'écoute deviennent des critères déterminants. Il en va de même en ce qui concerne la valeur accordée aux émissions de télévision ou de radio : la qualité (on parle aujourd'hui de « mieux disant culturel ») est souvent jugée en fonction de la quantité (le taux d'audience).

Une émission recueillant une importante écoute devient dès lors « excellente ».

Si le phénomène se prolonge pendant dix ans (encore un chiffre), cette excellence tient presque du miracle. En effet, le propre des records est d'être battus, c'est-à-dire dépassés par une nouvelle performance.

L'excellence doit ainsi en permanence faire ses preuves et se trouve perpétuellement menacée.

Un « excellent sportif » peut ainsi du jour au lendemain perdre son excellence parce que le record qu'il détenait a été battu.

Peu importe qu'il continue à exercer son activité à la perfection, qu'il soit capable de susciter encore l'admiration par sa technique, son « style », il n'est plus le champion, il rentre dans le rang sinon dans l'anonymat. L'excellence est ainsi sommée de faire ses preuves, ce que la médiatisation (le passage par le canal des médias) amplifie.

La perfection est soumise au jugement de la foule, donc nécessairement du nombre. Mais le nombre peut-il juger de l'excellence ? le quantitatif du qualitatif? Rien n'est moins sûr.

Si un produit atteint « des records de vente », ce n'est pas forcément parce qu'il est bon, a fortiori excellent.

On peut objecter que si le produit obtient un tel succès, c'est que du moins son vendeur est « excellent ».

Mais on n'aura fait que substituer un critère commercial à un critère de nombre.

Jean Giono voyait dans ce glissement des critères d'évaluation de l'excellence le signe même du déclin de notre civilisation; il en trouvait l'illustration dans la comparaison de deux catégories d'hommes, les inventeurs géniaux et les marchands de chewing gum et décrivait ainsi la prééminence actuelle des seconds sur les premiers : « Ceux qui, il y a cinquante ans, ont cherché à voler avec des machines de toile collée sur du bambou se sont ruinés (quand ils ne se sont pas tués).

À la même époque, un tel a fait une fortune colossale avec des morceaux de caoutchouc parfumés à la menthe ; des centaines de millions d'individus se sont volontiers transformés en ruminants avec cette gomme à mâcher et ont volontiers payé fort cher pour avoir cet air idiot de la vache qui « repense » son herbe de la veille. Le génie n'est à conseiller à personne ; enfin à personne de ceux qui veulent la fortune et la gloire.

On n'atteint à l'unanimité, à l'adhésion des foules et aux sommets des honneurs que par la médiocrité.

». »

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