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Rutebeuf

Publié le 09/12/2021

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L’un des points culminants de notre Histoire : tandis que nos architectes répandent d'une extrémité à l'autre du monde connu, d'Upsal en Suède à Famagouste en Chypre, l'art opus francigenum, que l'on parle notre langue sur les marchés de Nijni-Novgorod comme sur les rives de la Tamise, un prince de France se prépare à ceindre la couronne de roi de Jérusalem : Il a nom le roi Charles, il faut des Rolands. C'est encore l'époque des grands passages outre-mer, où retentissent les appels à la croisade : Voici le temps, Dieu vous vient guerre,/Bras étendus, de son sang teint. D'autres appétits se sont éveillés avec le temps ; la bourgeoisie, maîtresse des cités, ne pense qu'au gain d'argent : Riches bourgeois d'autrui substance,/Qui faites Dieu de votre panse... / Du blé aimez la grand vendue... / Vil acheter et vendre cher/Et usurer et gens tricher. Que servira à ces commerçants rapaces leur fièvre de spéculation ? Je vois aucun riche homme faire maisonnement :/Quand il l'a achevé du tout entièrement,/ Lui en fait-on un autre, de petit coûtement. Le mal a gagné jusqu'à l'Eglise : Plus est bon clerc qui plus est riche/Et qui plus a est le plus chiche... Une exception pourtant, parmi les clercs : les "écoliers" : Hors écoliers, autre clergé/Sont tous d'avarice vergés. Ces "écoliers" ne sont pas les moins agités dans un monde en effervescence. Moines et séculiers se disputent l'enseignement, et toute l'Université prend fait et cause pour les uns ou pour les autres ; en 1250, grèves et troubles éclatent ; ils dureront sept ans. Rimer me faut d'une discorde/Qu'à Paris a semé Envie/Entre gens qui miséricorde/Sermonnent et honnête vie.

« Rutebeuf L'un des points culminants de notre Histoire : tandis que nos architectes répandent d'une extrémité à l'autre du monde connu, d'Upsal en Suède àFamagous te en Chypre, l'art opus francigenum, que l'on parle notre langue sur les marchés de Nijni-Novgorod comme sur les rives de la Tamise, un princede France se prépare à ceindre la couronne de roi de Jérus alem : Il a nom le roi Charles, il faut des Rolands. C'est enc ore l'époque des grands passages outre-mer, où retentissent les appels à la croisade : V oici le temps, Dieu vous vient guerre,/Bras étendus, deson sang teint.

D'autres appétits se sont éveillés avec le temps ; la bourgeoisie, maîtresse des cités, ne pense qu'au gain d'argent : Riches bourgeoisd'autrui substance,/Q ui faites Dieu de votre panse...

/ Du blé aimez la grand vendue...

/ V il acheter et vendre cher/Et usurer et gens tricher. Que servira à ces commerçants rapaces leur fièvre de spéculation ? Je vois aucun riche homme faire maisonnement :/Quand il l'a achevé du toutentièrement,/ Lui en fait-on un autre, de petit coûtement. Le mal a gagné jusqu'à l'Eglise : P lus est bon clerc qui plus est riche/Et qui plus a est le plus chiche... Une exception pourtant, parmi les clerc s : les "écoliers" : Hors écoliers, autre clergé/Sont tous d'avarice vergés. Ces "écoliers" ne s ont pas les moins agités dans un monde en effervescenc e.

Moines et séculiers s e disputent l'enseignement, et toute l'Université prendfait et cause pour les uns ou pour les autres ; en 1250, grèves et troubles éclatent ; ils dureront sept ans .

Rimer me faut d'une discorde/Qu'à Paris a seméEnvie/Entre gens qui miséricorde/Sermonnent et honnête vie. L'un pourtant de ces Jac obins cause du dés ordre, maître T homas, d'Aquino en Italie, fera parler de lui, et c ette époque qui voit foisonner les ordres religieuxest aussi celle des grandes cathédrales : sur le portail de Reims, pour la première fois, apparaît la V ierge couronnée, vers laquelle se tourne la piété desfoules : Violette non violée/C ourtil tout enceint à clôture...

/ Tu es ancre, nef et rivage/T u es fleur de l'humain lignage... Ce XIIIe siècle gonflé de vie, l'oeuvre d'un seul poète suffit à l'évoquer pour nous.

Et jamais sans doute poète n'aura mieux incarné son temps : le tempsdes Sommes et des cathédrales, c elui qui voit à la fois l'apogée de la chevalerie et la montée de l'esprit bourgeois, on pourrait le reconstituer avec les seulspoèmes de Rutebeuf, avec ses chansons de croisade, avec ses dits et ses fabliaux, ses vies de saints et son M iracle de Théophile. Et cette oeuvre nous apporte de plus ce qu'on trouve si rarement dans une oeuvre littéraire, soit, dépouillé de toute littérature, un contact direct avec lepeuple : avec les petites gens qui se bousculent, dans la cohue des foires, pour écouter le Dit de l'Herberie, les boniments des bateleurs, avec tous ceux quiaiment rire aux fabliaux et s 'émerveiller des récits de miracles avec les va- nu-pieds qu'épouvante la venue de l'hiver, les pauvres hères qui hantenttavernes et tripots et que le jeu défeuille comme l'ente au premier gel. S'il nous en apprend beaucoup sur son siècle, Rutebeuf ne nous en dit guère sur sa vie.

Des événements qui le conc ernent, il ne nous livre qu'une seule date: 2 janvier 1261 - celle de son mariage.

Rien à voir avec les romans d'amour et autres fleurs de "courtoisie" : Tel (le) femme ai prise/Q ue nul hors moin'aime ni prise.../ Et si n'est pas gente ni belle/c inquante ans a en son écuelle/Est maigre et sèche... Mais ce que Rutebeuf lui offre en partage ne vaut guère mieux : C ar ma maison est trop déserte/Et pauvre et gâte/Souvent n'y a ni pain ni pâte. Besogneux, famélique, il connaît l'amertume du retour les mains vides : C 'est ce qui plus me déconforte/Que je n'ose entrer en ma porte/A vides mains. Il est joueur (Les dés m'occient/Les dés m'aguettent et épient), coureur (J'ai fait au corps sa volonté), voué à la misère : Pauvreté est sur moirevête/Toujours m'en es t la porte ouverte/Toujours y suis,/Par pluie mouille, par c haud essuie. Le mariage ne lui porte pas bonheur ; il perd un oeil (dont mieux voyais ), son cheval se brise la jambe, lui-même tombe malade et sa femme lui donne unenfant (Les maux ne savent seuls venir).

Ce sont des mois de détresse : la maladie, la faim, le froid, les créanc iers.

Où sont alors ses amis ? Rutebeuf nousa laissé, sur l'amitié déçue, les vers les plus cruels de notre littérature : L'amour est morte ;/C e sont amis que vent emporte/Et il ventait devant ma porte :Les emporta. Ce n'est pas encore la vie du truand, que c onnaîtra Villon deux siècles plus tard, mais c'est la vie du jongleur, avec ses hasards, ses malchances et sesrares aubaines.

P our vivre il faut se trouver des protecteurs, c e qui ne va pas sans quelques bassesses (J'ai fait rimes et j'ai chanté/Sur les uns pour auxautres plaire).

Rutebeuf a eu des protecteurs puissants : parmi eux "le bon c omte de Poitiers et de T oulouse", Alphonse, frère du roi, et le roi lui-même qui,après dîner, trouve bon de faire taire les théologiens pour écouter les ménestrels.

Sans doute est-ce à ces illustres patronages qu'il doit d'avoir été mêlé,tout au moins par la rime, aux grands événements du siècle ; lorsqu'ils ne lui étaient pas expressément commandés, ses poèmes s'inspiraient descirconstances, et il aura vécu, à la lettre, de l'air du temps .

Mais sa position est toujours bien personnelle : c'est en toute sincérité qu'il dit sa dévotion à laVierge, qu'il lance ses appels à la croisade ; et il sait au besoin s'exposer en prenant, contre les autorités ecclésiastiques, la défense, de Guillaume deSaint-Amour. A quelque occ asion qu'il prenne la parole, Rutebeuf le fait toujours avec la même verve : c'est sa qualité maîtresse.

Les mots, comme les rimes,s'enchaînent et s'appellent avec tant de fougue que l'on coupe malaisément dans cette poésie drue, pleine de sève et de souffle.

Q uel que soit le genre,lyrique, satirique, dramatique, narratif (il les a tous abordés), on a toujours l'impression d'une s ource intarissable, où déborde l'ironie (Je crois que Dieu ledébonnaire/M'aime de loin), où se pres sent les images (Mon pot est brisé et cassé/Et j'ai tous mes bons jours passés).

Langage conc ret, savoureux s'il enfut. Mais on se tromperait fort en y voyant pure faconde.

En réalité, la technique en es t savante.

Pour s'en tenir à un exemple, citons ces poésies danslesquelles à deux octosyllabes, succède un vers de quatre syllabes : ce petit vers, par le sens, se rattache à ceux qui précèdent, et, par la rime, à ceux quisuivent : ainsi se c rée une continuité qui n'est pourtant jamais monotone ; les vers semblent s'engendrer l'un l'autre, mais leur cadence est fortementmarquée.

Et ne parlons pas de certains tours de forc e, comme cette chanson de Pouille, où les strophes s'alignent avec ais ance sur deux rimes : é et ent,distribuées dans un ordre subtil et rigoureux à la fois .

Comme beaucoup de poètes de son temps, Rutebeuf ne paraît facile que parce qu'il est parfaitementmaître de son métier.

Et son rythme se renouvelle avec chaque genre abordé, du quadrisyllabe à l'alexandrin. Une s eule note manque à son registre : la poés ie amoureuse.

Rutebeuf c'est en son temps une originalité ne nous a pas laissé une seule de ces strophespassionnées qui compos ent, avec le répertoire de nos troubadours languedociens, celui d'un Thibaut de Champagne, d'un Guiot de Dijon ou d'un C hâtelainde Coucy.

Est-ce une déficience ? N'a-t-il pas plutôt voulu, ce grand ironiste, éviter l'un des lieux-communs de son époque, un genre en passe de tourner àla mièvrerie, dont se serait mal ac commodée sa robustesse d'homme du peuple ? Au reste, la passion dont il déborde, on ne peut que lui être reconnaissant de l'avoir cons acrée aux événements quotidiens, et de nous avoir, ce faisant,légué une oeuvre où triomphe l'amour de la vie.. »

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