Renard (Jules)
Publié le 18/05/2020
Extrait du document
«
RENARD
(Jules), écrivain français
(Châlons-sur-Mayenne, 1864-
Paris
191 0).
Son enfance est malheureuse, et
ses parents le sont autant que lui (ils se
suicideront l'un et l'autre : le père en
1897, la mère en 1909).
Son regard sur
le monde et sur la nature se fixe pour
toujours : ce sera un regard de muet, partagé
entre l'amour de la littérature
et celui du silence, la surprise et la
jalousie, le bucolisme et la furie, « la
chair de l'être et l'os du cadavre �
(G.
Perros).
Dans toute son œuvre, il
scrute le même point, comme lorsque sa
famille, « pour savoir qui se taira le
mieux, faisait, sans bruit, sa quoditienne
partie de silence � (les Cloportes, 1888).
Il publie Crime de village ( 1888) et
Sourires pincés (1890), titre révélateur.
Il poursuit avec l'Écornifleur (1891), où
la bêtise du couple, qui va jusqu'à la
nausée, fait presque du pique-assiette un
justicier.
Après Coquecigrues (1893), la
Lanterne sourde (1893), le Vigneron
dans sa vigne ( 1894), Poil de carotte
( 1894) déroulent une succession de scè
nes brèves, méticuleuses, aux phrases
dressées comme autant de mèches
rebelles et vengeresses.
Viennent ensuite
la Maîtresse (1896), Bucoliques (1898),
les Philippe ( 1907) ...
Au théâtre, il donne
le Plaisir de rompre ( 1897), le Pain de
ménage ( 1899), Monsieur Vernet ( 1903),
Huit Jours à la campagne (1906) et la
Bigote ( 1909) : « la tragédie du minus
cule � De même que dans ses romans,
il y enserre tout dans ces phrases courtes
et drues, qui isolent, étouffent et presque
momifient.
La façon dont il décrit et
définit les anim aux dans ses Histoires
naturelles (1894) montre bien l'espèce
de cruauté avec laquelle ce « chasseur
d'images � enchâsse le réel dans sa
phrase.
Son écriture, ou plutôt son rêve
d'écriture ( « écrire comme Rodin
sculpte � se fait curieusement idéo
gr amm atique : « Je n'ai plus besoin de
décrire un arbre, il me suffit d'écrire son
nom.
� Quant au sentiment qu'il prête
au pigeon, on peut le lui retourner : « Et
c'est insupportable à la longue, cette
manie héréditaire d'avoir toujours dans
la gorge quelque chose qui ne passe
pas.
� Son Journal, qui couvre la période
1887-1910, a paru en 1927.
C'est un
remarquable document, à la fois sur
l'actualité littéraire et politique et sur
l'auteur lui-même : on y découvre à la
fois un homme de lettres bien parisien,
cofondateur du Mercure de France, ami
de Daudet, Barrès, Huysmans, Tristan
Bernard, Verlaine, Claudel, un écrivain engagé
qui sera dreyfusard, maire de
Chitry et qui publiera la Vieille dans le
premier numéro de l'Humanité, un être
tout en blocages et en rejets (ainsi de la
musique : il dira de Pelléas : «le bruit
du vent.
J'aime mieux le vent� et
refusera de rencontrer Ravel qui veut
mettre en musique les Histoires natu
relles).
On y lit aussi cet aveu flauber
tien, juste retour pour celui qui voulait
« faire saigner les choses � (Sartre) :
« Mon style m'étrangle.
� Renard était
atteint de répulsion généralisée ( « J'ai
le dégoût très sûr �
ce qui lui permit
de saisir « l'universelle loi d'éparpille
ment� du monde moderne, l'inadapta
tion de la littérature bien lissée à dire
le fragmentaire et le discontinu.
Travail
lant dans le détail, le gris, le nauséeux,
le « vespasien � ( « nettoyer les écuries
d'Augias avec un cure-dents � Renard
trouva sa méthode dans la dissociation
des idées qui «décompose et découvre
des affinités latentes � Si Renard « s'est
manqué � comme le pensait Sartre,
c'était son but.
Et le Journal n'est
qu'« un avortement heureux des mau
vaises choses � qu'il aurait pu écrire..
»
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