Primus in orbe deos fecit timor

« Primus in orbe deos fecit timor La peur fut la première à créer les dieux dans le monde Cette affir 1114tion, empruntée à Pétrone (27 Bücheler) et reprise par Stace (Thébaïde.

3, 661) ne ressemble qu'en apparence aux aff.11111- tions de la tradition judéo-chrétienne sur la crainte de Dieu (cf.

n.

552): elle signifie en effet que la foi religieuse nait du sentiment d'impuis­ sance, de fragilité et de peur que l'individu ressentirait face à l'immen­ sité de l'inconnu (cf.

aussi Horace, Carm., 3, 5, l sq., où le tonnerre fait naître la foi en Jupiter) ; Pétrone sera ensuite explicitement cité par Fulgence (Mythologies ..

l, l ).

Certains auteurs chrétiens contesteront l'idée que la religion serait née de la peur des hommes ( cf.

Tertullien, Ad naliones., PL 1, 588a), et d'autres donneront une interprétation étrange de cette notion, en l'expliquant par l'assonance entre les tt1111es Deus et 6éos, : cf.

surtout Cassiodore (Expositio in Psalterium, Pl 70, 153b); Bruno de Würtzburg (Expositio Psalmorum, PL 142, 107b), Rupert de Deutz (De Trinitate, Pl 167, 218c); Abélard ( Theologica Christiana, PL 178, 1128b) ; Alain de Lille (Distinctiones Vic·tionum Theologicarum, Pl 21 O.

777b) ; Honoré d 'Autun (l:Ï11cidarium ..

PL 172, 115 lc), pour lequel la peur que la religion païenne fait naître démontre son aspect négatif, et enfin Pierre le Chantre (Verbum abbreviatum, PL 205, 271b).

qui cite l'expression pour affi,11,~r que dans les moments difficiles il faut croire et non dou­ ter.

Dans notre culture européenne moderne, cette phrase, répertoriée panni les sentences médiévales par Walther (22405), fut reprise par de nombreux penseurs (l'hypothèse que la religion puisse être née de la peur est en fait étudiée par la plupart d'entre eux.

qu'ils l'acceptent ou qu' i 1s la contestent), notamment par Vico (La science nouvelle, 1, l, 191 ), Th.

Hobbes (Léviathan, 12, qui la traduit et l'ampli fie mais ne la cite pas en latin), E.

Burke (Sur le sublime et le beau), J.

Stuart Mill ( Utilité de la religion), A.

Schopenhauer (dans l'appendice du Monde c·omme volonlé et comme représentation ..

consacré à la critique de Kant), H.

J.

Coke (Trac/es of a Rolling Stone, 6) et A.

Labriola (S. »