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Première partie La France d'avant la France 1 Les Gaulois Des ancêtres très récents Reprenons donc là où nous avions commencé, chez « nos ancêtres les Gaulois ».

Publié le 08/12/2021

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Première partie
La France
d'avant
la France

1
Les Gaulois
Des ancêtres très récents
Reprenons donc là où nous avions commencé, chez « nos ancêtres les Gaulois ». Pourquoi diable négligerions-nous
d'entamer notre périple avec ce bon vieux stéréotype ?
D'abord, il est tellement ancré dans les esprits qu'il est difficile de ne pas l'évoquer. C'est paradoxal, mais c'est
ainsi. N'importe qui, face à cet « incipit » fameux des manuels d'antan, sait à quoi s'en tenir : la formule sent la
salle de classe d'avant guerre, les bêtises que l'on inculquait aux têtes blondes de la métropole, et aussi, tant qu'à
faire, aux têtes brunes des colonies lointaines. Pour autant, aujourd'hui encore, dès lors qu'il nous faut trouver des
images de l'origine de notre pays dans la suite obscure des siècles, on a bien du mal à en faire surgir une autre.
Faites l'expérience. Remontez le plus que vous pouvez dans le temps. Loin, loin en arrière dans la nuit des premiers
âges, vous discernerez sans doute des images de guerriers à demi sauvages, vêtus de peaux de bête, armés de
massues, chassant des animaux disparus, dormant dans des cavernes, les fameux « hommes préhistoriques ».
Vous savez que certains vécurent en France - notre pays ne s'enorgueillit-il pas des magnifiques peintures des
grottes de Lascaux ? -, mais vous n'auriez pas l'idée pour autant de les relier à aucune nation en particulier. Arrive
alors le chapitre suivant, qui vous apparaît plus clairement. Après les mammouths et les silex, voici les sangliers, les
rudes banquets, la cervoise et les druides cueillant le gui dans les chênes millénaires. Astérix est passé par là. Les
noms des héros et les grands rebondissements de l'épisode vous reviennent : en 52 avant Jésus-Christ, Jules César
et ses légions envahissent ce pays qui serait l'ancêtre du nôtre, la Gaule. Un brave parmi les braves, Vercingétorix,
sorte de Jean Moulin chevelu, tente de fédérer les tribus pour résister à l'envahisseur. Il gagne une victoire
brillante, Gergovie, mais se laisse enfermer dans Alésia et, héros déchu, après un siège terrible, finit enchaîné
derrière le char d'un César triomphant. Les Romains dominent donc. Voilà le temps des belles villas, des voies
pavées qui sillonnent le pays, des monuments antiques, du pont du Gard, des arènes de Nîmes et de Lyon, « la
capitale des Gaules », comme l'appellent encore aujourd'hui les journalistes en mal de périphrases. On a parfois de
la chance de perdre les guerres, noterez-vous au souvenir de tant de merveilles. Certes, mais c'est une autre
histoire.
Repères
- Dernier tiers du

iie siècle av. J.-C. : conquête par Rome de tout le littoral méditerranéen, la « Gaule narbonnaise »

- 58 à 51 av. J.-C. : Jules César envahit la Gaule ; battu à Gergovie et vainqueur à Alésia
- Vers 260 apr. J.-C. : Postumus, général romain factieux, proclamé « empereur des Gaules » à Cologne

Tout cela est ancré dans les esprits, donc, et nous convient parfaitement pour commencer cette nouvelle histoire
de France telle que nous entendons la raconter. On verra ainsi dès ce premier chapitre qu'on apprend beaucoup
en essayant de démonter les idées préconçues, et que l'on s'instruit plus encore en cherchant ce que l'on peut
bâtir à la place.

Il existe une façon simple de remettre en cause ce point de départ des vieux manuels qui nous semble éternel. Il
suffit de poser la question que nous avons glissée déjà dans l'introduction : nos ancêtres sont donc les Gaulois,
mais depuis combien de temps le sont-ils ? Saint Louis ou Louis XIV pensaient-ils eux aussi descendre des mêmes
moustachus dépoitraillés ? Allons ! On est certain, bien au contraire, qu'ils n'en avaient même jamais entendu
parler.
À dire vrai, les intérêts de ces temps étaient autres. Dans un système monarchique qui se veut d'essence divine, la
seule filiation qui compte - outre la filiation directe, qui lie le souverain à son prédécesseur - est celle qui
s'accroche aux plans supposés de Dieu. Pour les rois de France, à ce titre, un seul grand ancêtre compte : Clovis, le
chef barbare qui, au ve siècle, a réussi avec ses Francs à balayer les décombres de l'Empire romain et à dominer la
moitié de l'Europe occidentale. On le verra plus loin, la plupart des rois de France sont des Capétiens - c'est-à-dire
qu'ils appartiennent à la descendance d'Hugues Capet -, ils n'ont aucun lien de sang avec la dynastie fondée par le
roi franc, les Mérovingiens. On verra aussi bientôt que Clovis était un roi franc, et contrairement à ce que l'on
pense trop souvent encore, cela n'en fait pas pour autant un roi de France. Peu importe, dans la symbolique du
pouvoir, il a un intérêt majeur : il est le premier des envahisseurs barbares à avoir été baptisé selon le rite
catholique, c'est bien la preuve que Dieu l'a choisi, non ? Il l'a été à Reims, et c'est en souvenir de ce baptême que
la plupart de nos rois iront s'y faire sacrer.
Au moment de la Révolution française, par réaction en quelque sorte à cette vision de l'origine du pays, une autre
va prendre de l'ampleur. Les rois continuent à se prévaloir du Mérovingien et les aristocrates qui les entourent en

viennent à justifier leur domination sur le pays en se présentant comme les descendants de ses guerriers. Les
Francs, disent-ils en substance, ont conquis ce pays mille quatre cents ans plus tôt, c'est au nom de leur victoire
que nous avons le droit éternel de régner sur cette terre. Le raisonnement est absurde : personne n'est en mesure
de faire remonter si loin un arbre généalogique. Il est surtout devenu moralement insupportable. Et cela les
perdra : vous êtes les descendants de guerriers qui ont envahi ce pays, disent bientôt les partisans du tiers état, eh
bien nous, nous sommes les descendants du peuple qui était là alors, et cette fois, vous verrez de quel bois on se
chauffe. À propos, qui était sur notre territoire lorsque les fameux Francs sont arrivés ? Les Gaulois ? Et comment
s'appelait le pays en ces temps-là ? La Gaule. Eh bien, les voilà enfin les ancêtres qu'il nous fallait.
Le retour du héros oublié
Je simplifie, mais à peine. Cherchez dans les bibliothèques et vous le constaterez. Bien peu de gens, avant le
xixe siècle, avaient eu l'idée de s'intéresser à un peuple dont la plus grande masse n'avait jusque-là pas la moindre
idée. Au moment de la Renaissance, l'Europe entière s'était prise de passion pour l'antiquité gréco-latine. Partout
en France, comme ailleurs, des érudits avaient cherché à étudier, à exhumer les traces du passé romain de notre
pays, et le roi François Ier lui-même, dit-on, était tombé en extase devant les ruines romaines de Nîmes et avait
exigé qu'elles fussent préservées. Mais seuls quelques rares savants avaient cherché à connaître les peuplades
présentes sur notre sol avant la conquête par les glorieuses légions de César. Au xviiie siècle encore, quand les
encyclopédistes parlent des Gaulois, ils les peignent toujours comme d'exotiques Barbares avec lesquels il est hors
de question de se sentir une quelconque filiation. Quand on se vit en successeur de Rome et d'Athènes, comment
accepterait-on de remonter à ces chevelus coupeurs de gui ?

Le siècle romantique, lui, en tombe fou. À partir des années 1830, quelques historiens sortent de maigres
paragraphes de La Guerre des Gaules de César un personnage dont personne n'avait retenu le nom :
Vercingétorix. Vingt ans plus tard, Napoléon III fait creuser toute la Bourgogne pour qu'on trouve enfin le site où a
pu se dérouler ce siège d'Alésia devenu si célèbre, et le grand blond à moustache devient l'incarnation même de la
France. Il ne faut jamais désespérer de la postérité.
Cela va de soi, cette gallomanie tardive ne se développe pas uniquement en réaction à la mythologie qui précédait.
Elle prend de telles proportions parce qu'elle épouse à merveille une nouvelle idéologie qui va bientôt dominer
l'époque : le nationalisme. Dans un système monarchique, on l'a dit, seule la généalogie du monarque - fût-elle
légendaire - comptait vraiment. Depuis la Révolution, le peuple, ce nouvel acteur, a fait sa grande entrée sur la
scène de l'histoire. À lui aussi il a donc fallu trouver un aïeul, tout aussi fabriqué mais tout aussi opportun : le
peuple gaulois. Il consolide le patriotisme naissant avec son idole nouvelle, telle que personne ne l'avait jamais
considérée auparavant : la France. Hier, elle était un royaume, ce patrimoine lentement constitué par les rois. Elle
est devenue une créature éternelle, capable de traverser les âges, les régimes, les gloires et les malheurs, toujours
elle-même, toujours grande, pure, intacte. Tant qu'à faire, on n'hésitait d'ailleurs pas à remonter bien avant Jules
César pour asseoir cette digne croyance. Je retrouve cette merveille dans un manuel d'avant la guerre de 14 (le
manuel Segond1). Au chapitre expliquant l'évolution géologique de la terre à l'ère quaternaire, ce qui n'est pas
d'hier, on lit : « À cette époque, l'Europe a à peu près sa forme actuelle, et la France est sortie tout entière
des eaux. » On voit l'image : mon pays, c'est encore mieux qu'un pays, c'est carrément Vénus.
La plupart du temps, les Gaulois suffirent, ils disposaient d'un avantage certain : ils plaisaient à tout le monde. La
droite nationaliste était contente de voir ainsi la « race française », comme on disait encore, assise sur cette
souche issue du fond des âges. La gauche anticléricale voyait dans ces ancêtres un atout majeur : ils permettaient
de commencer l'histoire de France avant l'arrivée du christianisme. C'était bien la preuve qu'elle pourrait
éventuellement se perpétuer après sa disparition. Les historiens, puis les romanciers, les dramaturges ou même
les chansonniers, en touillant tant et plus les rares sources dont ils disposaient dans les casseroles de leurs
fantasmes, réussirent peu à peu à forger une idée des Gaulois correspondant opportunément à l'image que les
Français voulaient bien avoir d'eux-mêmes : querelleurs, un peu grossiers parfois, mais au grand coeur et si braves.
Et les Français, ravis, adorèrent d'autant plus leurs nouveaux grands-pères : comment ne pas les aimer ? Ils nous
ressemblent tellement !
Faut-il, décidément, en vouloir aux Gaulois ? Ce serait injuste. Vous l'aurez compris en lisant ce qui précède, plus
d'un siècle plus tard ils servent toujours. Ils viennent de nous permettre d'ouvrir ce livre avec une leçon que tous
les grands historiens connaissent et que l'on aimerait faire nôtre tout au long des pages qui vont suivre : rien n'est
plus trompeur que l'histoire comme on la raconte, rien n'est plus prudent que de s'interroger face à n'importe
quel récit pour savoir qui l'a exhumé, et pourquoi.
Germains, Celtes, Romains

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