Pourquoi parvient-on à s'attacher au destin de Félicité ?
Publié le 24/04/2024
Extrait du document
«
Travail Français
Introduction
«Un cœur simple» est un roman de poche imprégné d'une douceur
triste.
A demi-mot, Flaubert (Gustave Flaubert (né à Rouen le 12
décembre 1821 et mort à Croisset, lieu-dit de la commune de Canteleu,
le 8 mai 1880) est un romancier français, auteur de Madame Bovary,
l’un des maîtres du roman réaliste.Considéré, avec Stendhal, Balzac et
Zola, comme un des grands romanciers du XIXe siècle ), impose son
univers avec une froideur ironique.
Il signe une fable cruelle et absurde.
La lecture avance au rythme d'une ronde de nuit entre les débris d'une
vie crasseuse, celle de Félicité.
Tenaillés par un sentiment mêlé
d'angoisse et de compassion, qui s'accroît régulièrement tout au long de
l'intrigue, nous achevons la lecture la gorge serrée.
Et nous allons nous
intéresser a ce personnage ci singulier qui est Félicité.
Pourquoi
parvient-on à s'attacher au destin de Félicité ?
I.Félicité, un personnage attachant
A.
Un personnage si peu romanesque mais émouvant
Le lecteur suit pas à pas les mésaventures d'une servante, astreinte aux
petites préoccupations domestiques comme un animal d'abattoir.
D'habitude, il se met dans la peau des gens qu'il admire.
Ici, pas une
femme de génie, mais une «fille de basse-cour» (chapitre II) tout juste
bonne à passer la serpillière, cherchant du réconfort auprès d'une
famille bourgeoise.
Flaubert entraîne le lecteur dans sa ronde où la violence sociale
familiale (elle a été battue) s'enchaîne à l'innocence désarmée.
Et à
chaque fois, c'est le diable qui tient la main de l'ange.
Le récit se
déroule, le temps s'écoule, sans aucun rebondissement, ou si peu.
L'auteur traîne son lecteur dans l'errance au cœur des oripeaux d'une
vie misérable.
Dans les eaux sales de la pauvreté.
Toujours prête à se
sacrifier, incomprise par sa maîtresse,Félicité ne correspond en rien au
cliché héroïque qu'un lecteur de roman pourrait attendre.
Sa petite vie
est tout d'un coup traversée par un amour.
Elle a dix-huit ans.
A la fête
paroissiale de Colleville, «un jeune homme d'apparence cossue», du
genre à s'intéresser à la première boulotte venue, l'invite à danser.
Et
puis, grisé par l'alcool, la renverse brutalement «au bord d'un champ
d'avoine».
Elle lui échappe.
Le roman échappe à l'indécence.
Ils se
revoient.
Théodore l'embrasse, lui propose même le mariage.
Il lui fixe
un rendez-vous le dimanche suivant.
Sûre de son fait jusqu'à
l'aveuglement, elle se jette en avant, elle s'y rend.
Un ami de Théodore
lui apprend qu'il vient d'épouser une certaine dame Lehoussais, une
rombière de Toucques, une vieille femme sur le retour qui le soustrait du
service militaire.
Congédiée par son jeune amoureux, l'avenir que
Félicité se promettait est réduit d'un coup en poussière.
Ici se ferme la
page du bonheur.
Elle quitte la ferme du métayer, et entre au service de
Mme Aubain, domiciliée à Pont-l'Evêque, qui «cherchait une cuisinière».
Solitaire,Félicité partage ses journées entre la cuisine et sa chambre,
passant des journées entières à attendre qu'on la sonne.
Une vie
cadrée, cloisonnée, parce qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'être ailleurs.
Elle se laisse atteler, sans broncher, aux corvées ménagères.
Elle se
prend d'affection pour Paul et Virginie.
Elle se laisse aller à la sincérité
de ses sentiments.
Une tendresse qu'elle greffe sur Théodore, sur les
deux enfants de Madame Aubain, sur son neveu Victor, sur la maîtresse
de maison.
Et ceci, jusqu'à ce qu'ils disparaissent, tous, les uns après
les autres.
Et quand tout lui manque, elle finit par s'attacher à un
perroquet, puis aux reliques qui meublent sa chambre: son animal
empaillé et le Saint-Esprit.
B.
Un personnage toutefois inquiétant et mystérieux: de battre mon
cœur s'est arrêté?
La vie de Félicité n'est pas sans zone d'ombre.
Elle s'amourache de
Loulou, un perroquet que la baronne de Larsonnière (son époux a été
nommé Préfet) offre à Madame Aubain « en témoignage de ses
respects».
Le volatile meurt, «un terrible hiver de 1837 », et une fois
empaillé,Félicité continue de lui parler, comme s'il était toujours vivant.
Son fétichisme mystique et morbide l'amène à demander que la
dépouille de Loulou soit placée sur le reposoir de la fête Dieu.
Dans sa
chambre, elle « contract(e) l'habitude idolâtre de dire ses oraisons
agenouillée devant le perroquet».
Le soleil qui pénètre par la lucarne de
cette pièce frappe l'œil de verre du perroquet «en faisant jaillir un grand
rayon lumineux qui la mettait en extase».
Félicité qui n'évite pas les
déboires, se laisse aller à un lent dépérissement.
A l'image du volatile
empaillé, dévoré par les asticots et la vermine.
Une dégradation qui
touche aussi la maison de Madame Aubain qui «ne se louait pas, et ne
se vendait pas»: «les lattes du toit pourrissaient» au point que traversin
et oreiller sont détrempés, ce qui n'améliore pas l'état de santé
deFélicité, «se couchant dès le crépuscule» pour économiser
l'éclairage.
Cette bonne paroissienne plonge dans les délires d'une
fièvre religieuse, comme une illuminée en quête de l'amour total:«Elle
n'a plus sa tête, vous voyez bien!» laisse entendre Fabu arrivé «en
toilette des dimanches», soupçonné jadis d'avoir empoisonné Loulou
par le persil.Félicité, «dans cette atmosphère lugubre», parle à des
ombres.
Sa solitude subsiste d'un bout à l'autre de son existence.
Mais
Félicité n'est pas qu'une héroïne de l'absurde...
[phrase de transition vers la seconde partie de son propos]
Tout démontre que le lecteur est intéressé par un personnage doux,
aimable, capable de faire battre son cœur plus fort.
II.Un roman aux confins du tragique
Les événements ont pris de tels accents dramatiques et tragiques que
cette histoire poignante accapare le lecteur.
A.Un saisissement rare
Gustave Flaubert imprime dans nos rétines une vision désenchantée de
l'héroïne.
Il se tient loin du pathos et des conventions.
A coups de traits
mordants et caustiques, le romancier met à distance le pathos outré à
l'égard de son héroïne.
Rien à voir avec la transformation d'une petite
souillon en une merveilleuse Cendrillon, comme chez Charles Perrault.
Ou avec la petite Cosette de Victor Hugo qui trouvera, elle, la main de
Jean Valjean.
Flaubert donne vie, chair et émotion à un personnage
insignifiant, sans jouer sur la corde du sensible.
Suscitant notre curiosité
désabusée, mais aussi notre apitoiement.
On reste interdit parce que la
douleur de Félicité est muette.
Le lecteur va se projeter par empathie
dans le récit pour prévoir ou anticiper le destin ultérieur de cette femme
à la silhouette opaque.
Sans rien perdre ni de sa force d'émotion et
d'empathie, le récit s'emploie à tracer, à pas lents, les contours d'une
âme aimante au cœur inassouvi.
Avec une lucidité âpre, l'auteur dépeint
le quotidien glacé d'une employée domestique.
Et le lecteur finit par
accéder à l'intériorité de ce personnage: il peut désormais réagir à la
souffrance de Félicité, un personnage avec....
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