Databac

Pensez-vous que le biographique n'est qu'un tas de misérables petits secrets ?

Publié le 09/12/2021

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Pensez-vous que le biographique n'est qu'un tas de misérables petits secrets ?. Ce document contient 1292 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
De même on a cherché dans A la recherche du temps perdu des clés (comme on l'avait fait pour La Bruyère), qui mettaient derrière les noms de Mme de Guermantes, de Swann, d'Albertine ou de Charlus des noms réels de personnages connus par Proust : il est bien évident que ces recherches touchaient à la vie privée de l'écrivain, et pouvaient apporter beaucoup quant à la connaissance du roman. Dante offre par ses ouvrages d'autres cas d'oeuvres dont la compréhension est rendue réellement impossible si l'on ne possède pas de connaissances suffisamment étendues sur la vie privée de l'auteur (pour La vita nuova) ou sur sa vie politique (La divine comédie). Malgré ces atouts, qui restent indéniables dans bien des cas, la connaissance de la vie privée d'un créateur s'avère parfois (souvent, diraient d'autres) inutile, et même, à la limite, gênante. Elle est inutile pour la compréhension lorsqu'on a affaire à l'oeuvre d'un artiste qui établit une nette distinction entre l'homme et l'écrivain. Il faut toutefois noter que cette démarche n'arrive jamais à son but, et reste presque toujours une volonté seulement : le cas est dont rare. Elle l'est en revanche beaucoup plus souvent (pour ne pas dire toujours) lorsqu'il s'agit de goûter la beauté, la force esthétique d'un texte : peu importe que ce soit Marie Daubrun qui ait inspiré à Baudelaire la correspondance entre ses yeux et un paysage dans « L'invitation au voyage », la musique des sonorités, du rythme impair (« De la musique avant toute chose... », écrivait Verlaine), le caractère immatériel et par là poétique du monde imaginaire, le jeu des correspondances suffisent à nous faire ressentir la beauté du poème (but suprême de l'artiste). Un autre exemple montre qu'une oeuvre peut être appréciée pleinement sans qu'on sache rien de la vie de son créateur : celui de Lautréamont : nous ne savons rien de sa vie, et cette lacune n'empêche pas son oeuvre d'avoir eu une influence considérable sur la littérature moderne et le surréalisme en particulier. Elle est donc souvent inutile, elle est parfois même gênante et hélas, source d'erreur pour deux raisons majeures. La vie extérieure, même privée, n'est que rarement à l'image de la personnalité profonde de l'homme : s'il est un artiste, elle pourra se révéler dans son oeuvre : c'est la distinction fondamentale entre l'être et le paraître, exploitée par Pirandello (dans ses nouvelles plus particulièrement).

« Texte de la copie Les biographies, d'une, utilité longtemps irréfutable, se sont vues quelque peu dépréciées depuis peu, notammentpar les adeptes de la « nouvelle critique ».

Beaucoup pourtant y restent attachés, et il n'est d'édition scolaire ouérudite qui ne présente de notice biographique, même succincte : un tel débat, qui remet en question les méthodestraditionnelles de critique littéraire, et par là l'intelligence de notre patrimoine culturel, mérite notre attention parl'importance de l'enjeu.

Il convient donc d'étudier ce qui fait pour certains la valeur des biographies, et d'un autrecôté, ce qui fait dire que la vie privée des grands créateurs n'est qu'un « misérable tas de petits secrets » inutile aulecteur.Ce type de recherches biographiques peut nous fournir des éléments intéressants à différents niveaux : sur un plangénéral, elle nous renseigne sur le milieu (au sens général) d'où est issu le futur artiste, sur les facteurs extérieursqui ont pu être à l'origine de sa destinée littéraire, et ont imprimé à son oeuvre un certain nombre de caractèresconstants : on rejoint ici la théorie du milieu, le déterminisme dont Hippolyte Taine fit une méthode de critiquelittéraire et qu'il appliqua en particulier dans son La Fontaine : le fait que celui-ci fût à la fois français, champenois,courtisan de Louis XIV, que sa faculté maîtresse ait été l'imagination, permet l'intelligence générale et particulière deson oeuvre.

Cette théorie, en fait héritage de la théorie des climats de Montesquieu, se retrouve dans une lettre deDiderot à Sophie Volland où il explique son caractère et ses goûts (donc son oeuvre) par son origine langroise qui luia donné la vivacité d'esprit et l'inconstance : de fait l'oeuvre de Diderot est un foisonnement qui peut même allerjusqu'à l'incohérence : ce caractère a subi des modifications où interviennent encore des facteurs liés à sa vieprivée (son séjour à Paris, la vie de bohème), ou à sa personnalité (amour du bon, de l'unité).

Plus récemment,Sartre a intitulé son essai sur Flaubert L'idiot de la famille, donnant à sa vocation littéraire des sources profondes etancrées dans la vie privée de Flaubert, ses complexes vis-à-vis de sa famille par exemple.La vie privée de l'artiste (toujours en vue d'une compréhension générale de l'homme et à travers lui de son oeuvre)est intéressante parce qu'elle est souvent le reflet d'une personnalité« profonde, des combats qui s'y jouent, des changements qui s'y opèrent et que l'on pourra retrouver,, sousdiverses formes, dans l'oeuvre : Rimbaud d'abord enfant pieux, brillant, sage, docile, puis révolté, passionné,transmettra à son oeuvre la révolte contre la bourgeoisie, la religion (« La première communion »), la guerre et ceuxqui la font faire (« Le dormeur du val »), et qui l'avaient rendu tel qu'il était enfant.Mais elle permet aussi une intelligence plus directe de l'oeuvre, cette fois sur un plan particulier, précis : parfoispour des détails, ou un mouvement de poème : il est difficile de ne pas rapprocher la malédiction maternelle de «Bénédiction » de ce qu'a vécu Baudelaire enfant, ou du moins de ce qu'il a ressenti des événements (sa mère ne lecomprenait pas, mais allait-elle jusqu'à le haïr à ce point ?) et de comprendre bien ce passage.

Toutefois, elle ouvresouvent la voie à un niveau d'interprétation important : la pièce des Châtiments dont l'incipit est «Sonnez, sonneztoujours, clairons de la pensée», offre ainsi une stratification de trois interprétations : le sens littéral (l'épisodebiblique), le sens général (Josué est le penseur, le poète, le roi est le despote, la cité, l'Etat despotique) et enfin lesens autobiographique (derrière Josué il faut voir Victor Hugo, derrière la cité le Second Empire, derrière le roi «Napoléon le petit »).

« A Villequier » tire aussi son origine d'un fait de la vie privée de Victor Hugo.

De même on acherché dans A la recherche du temps perdu des clés (comme on l'avait fait pour La Bruyère), qui mettaient derrièreles noms de Mme de Guermantes, de Swann, d'Albertine ou de Charlus des noms réels de personnages connus parProust : il est bien évident que ces recherches touchaient à la vie privée de l'écrivain, et pouvaient apporterbeaucoup quant à la connaissance du roman.

Dante offre par ses ouvrages d'autres cas d'oeuvres dont lacompréhension est rendue réellement impossible si l'on ne possède pas de connaissances suffisamment étendues surla vie privée de l'auteur (pour La vita nuova) ou sur sa vie politique (La divine comédie).Malgré ces atouts, qui restent indéniables dans bien des cas, la connaissance de la vie privée d'un créateur s'avèreparfois (souvent, diraient d'autres) inutile, et même, à la limite, gênante.Elle est inutile pour la compréhension lorsqu'on a affaire à l'oeuvre d'un artiste qui établit une nette distinction entrel'homme et l'écrivain.

Il faut toutefois noter que cette démarche n'arrive jamais à son but, et reste presque toujoursune volonté seulement : le cas est dont rare.Elle l'est en revanche beaucoup plus souvent (pour ne pas dire toujours) lorsqu'il s'agit de goûter la beauté, la forceesthétique d'un texte : peu importe que ce soit Marie Daubrun qui ait inspiré à Baudelaire la correspondance entreses yeux et un paysage dans « L'invitation au voyage », la musique des sonorités, du rythme impair (« De lamusique avant toute chose...

», écrivait Verlaine), le caractère immatériel et par là poétique du monde imaginaire, lejeu des correspondances suffisent à nous faire ressentir la beauté du poème (but suprême de l'artiste).

Un autreexemple montre qu'une oeuvre peut être appréciée pleinement sans qu'on sache rien de la vie de son créateur :celui de Lautréamont : nous ne savons rien de sa vie, et cette lacune n'empêche pas son oeuvre d'avoir eu uneinfluence considérable sur la littérature moderne et le surréalisme en particulier.Elle est donc souvent inutile, elle est parfois même gênante et hélas, source d'erreur pour deux raisons majeures.

Lavie extérieure, même privée, n'est que rarement à l'image de la personnalité profonde de l'homme : s'il est un artiste,elle pourra se révéler dans son oeuvre : c'est la distinction fondamentale entre l'être et le paraître, exploitée parPirandello (dans ses nouvelles plus particulièrement).

D'autre part, notre vie, tout en étant éphémère, est unesource d'incompréhension et prend un temps le pas sur l'oeuvre : c'est l'idée initiale du «Tombeau d'Edgar Poe ».

Lescontemporains de Poe n'ont pas su reconnaître le génie de Poe parce qu'ils voyaient « le sortilège bu dans quelquenoir mélange », si bien qu'au lieu d'admirer, ce monstre aux mille têtes s'est dressé en « un vil sursaut d'hydre »contre le poète ; l'éternité, en apportant l'oubli de la vie terrestre, rendra à Poe la gloire méritée : seule l'oeuvrerestera. La connaissance de la vie privée d'un créateur, tout en facilitant souvent la compréhension de son oeuvre,n'intervient pratiquent ment pas dans la perception de sa beauté.

Elle peut même être « maîtresse d'erreur et defausseté » : aussi ne faut-il pas en être l'esclave, et bien voir que l'oeuvre passe avant toute chose : cetteconnaissance doit la servir quand elle le peut, jamais la desservir.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles