On ne badine pas avec l'amourActe Premier, scène premièreAlfred de MussetUne place devant le château.
Publié le 23/05/2020
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«
On ne badine pas avec l'amour
Alfred de Musset
Acte Premier, scène première
Une place devant le château.
LE CH Œ UR
Doucement bercé sur sa mule fringante, messer Blazius s'avance dans les bluets fleuris,
vêtu de neuf, l'écritoire au côté.
Comme un poupon sur l'oreiller, il se ballotte sur son
ventre rebondi, et, les yeux à demi fermé, il marmotte un Pater Noster dans son triple
menton.
Salut, maître Blazius, vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une
amphore antique.
MAITRE BLAZIUS
Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d'importance m'apportent ici
premièrement un verre de vin frais.
LE CH Œ UR
Voilà notre plus grande écuelle ; buvez maître Blazius ; le vin est bon ; vous parlerez
après.
MAITRE BLAZIUS
Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur, vient d'atteindre
à sa majorité, et qu'il est reçu docteur à Paris.
Il revient aujourd'hui même au château, la
bouche toute pleine de façons de parler si belles et si fleuries qu'on ne sait que lui
répondre les trois quarts du temps.
Toute sa gracieuse personne est un livre d'or ; il ne
voit pas un brin d'herbe à terre, qu'il ne vous dise comment cela s'appelle en latin ; et
quand il fait du vent ou qu'il pleut, il vous dit tout clairement pourquoi.
Vous ouvririez
des yeux grands comme la porte que voilà, de le voir dérouler un des parchemins qu'il
a coloriés d'encres de toutes couleurs, de ses propres mains et sans en rien dire à
personne.
Enfin c'est un diamant fin des pieds à la tête, et voilà ce que je viens annoncer
à M.
le baron.
Vous sentez que cela me fait quelque honneur, à moi, qui suis son
gouverneur depuis l'âge de quatre ans ; ainsi donc, mes bons amis, apportez une chaise
que je descende un peu de cette mule-ci sans me casser le cou : la bête est tant soit peu
rétive, et je ne serais pas fâché de boire encore une gorgée avant d'entrer.
LE CH Œ UR
Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits.
Nous avons vu naître le petit Perdican, et
il n'était pas besoin, du moment qu'il arrive, de nous en dire si long.
Puissions-nous
retrouver l'enfant dans le c œur de l'homme !
MAITRE BLAZIUS.
»
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