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On a dit que Polyeucte était la moins cornélienne des tragédies de Corneille. Dans quelle mesure pouvez-vous souscrire à ce jugement ?

Publié le 09/12/2021

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Parmi les grandes tragédies cornéliennes, Polyeucte occupe une place à part et les contemporains pouvaient à bon droit se trouver déroutés par une oeuvre où l'auteur renouvelait aussi largement sa manière. Sans doute le roman de Pauline et de Sévère offrait-il à nouveau aux dévots de Corneille, après celui de Rodrigue et de Chimène, un exemple de ces intrigues d'amour chevaleresque et malheureux où se complaisaient, à l'époque, tant d'imaginations. Mais ni le style, ni l'évocation du cadre, ni même la psychologie des personnages ne réunissaient ces «mérites éclatants» qui avaient d'emblée consacré la gloire de l'auteur du Ciel.

« INTRODUCTION Parmi les grandes tragédies cornéliennes, Polyeucte occupe une place à part et les contemporains pouvaient à bondroit se trouver déroutés par une œuvre où l'auteur renouvelait aussi largement sa manière.

Sans doute le roman dePauline et de Sévère offrait-il à nouveau aux dévots de Corneille, après celui de Rodrigue et de Chimène, un exemplede ces intrigues d'amour chevaleresque et malheureux où se complaisaient, à l'époque, tant d'imaginations.

Mais nile style, ni l'évocation du cadre, ni même la psychologie des personnages ne réunissaient ces «mérites éclatants»qui avaient d'emblée consacré la gloire de l'auteur du Ciel. I.

«POLYEUCTE», TRAGÉDIE CORNÉLIENNE C'est assurément dans le roman de Pauline et de Sévère que l'on peut découvrir l'élément le plus « cornélien » de lapièce, et le jeu des sentiments qu'il met en œuvre ne laisse à cet égard aucun doute : la nature en partie idéale decette inclination qui les porte l'un vers l'autre repose sur l'attrait mutuel de deux nobles âmes.

Ni l'un ni l'autre nesauraient se résoudre à accepter le déshonneur qu'il leur faudrait encourir Dour céder à leur passion, et chacun aimeet reste aimé en renonçant à l'autre d'un effort raisonné et volontaire.

Tel est bien en effet d'un bout à l'autre lesentiment de Sévère quand il renonce une première fois à Pauline sans faire le moindre effort pour l'entraîner à fuiravec lui, quand il se refuse à profiter de sa faveur nouvelle pour rompre le mariage de Pauline ou seulement pourhumilier son rival, quand enfin il intervient personnellement pour sauver cet homme dont l'existence a opposé à sonamour un second obstacle alors que le premier disparaissait.

Telle apparaît aussi Pauline dans la sincérité desconfidences qu'au début de la pièce elle fait à sa suivante Stratonice, et dans la franchise de son attitude à l'égardde Sévère lorsqu'elle le retrouve après une longue séparation.

Comme il est naturel, le style est à l'unisson dessentiments : les scènes consacrées à l'intrigue Sévère-Pauline sont les seules où les personnages s'expriment avecune certaine recherche qui donne une impression de réserve décente, d'idéalisme sentimental, parfois même depréciosité.

Le « grand Corneille » se retrouve ici tout entier. II.

«POLYEUCTE», LA MOINS CORNÉLIENNE DES TRAGÉDIES DE CORNEILLE Le style Mais le roman de Pauline et de Sévère ne figure dans la pièce qu'au second plan et partout ailleurs latragédie manifeste un renouvellement dans la manière de Corneille.

Cette impression se confirme d'abord parl'élément le plus extérieur mais aussi le plus éclatant et le plus caractéristique peut-être d'une tragédie cornélienne :la forme.

Le style de Polyeucte, certes, garde les principaux traits où se révèle l'écrivain de race : propriété destermes, vigueur concentrée de la proposition, enchaînement puissamment logique des propositions en phrases,plénitude mate des rimes.

Néanmoins, dans Polyeucte, la forme cornélienne a perdu la plupart des éléments qui luidonnaient, dans les grandes tragédies antérieures, son extraordinaire éclat héroïque et romanesque au point de lafaire tomber parfois dans l'emphase et la préciosité.

Plus ou presque plus de jeux d'antithèses, de vers frappés enmédaille, de vers-sentences, de dialogues où d'un vers à l'autre surgissent l'attaque et la riposte ; plus de longsdébats où s'affrontent des périodes se répondant point par point, comme de véritables plaidoyers.

Du même coup, laforme de Polyeucte, dans les passages éclatants, ne se distingue du langage courant que par la fermeté del'expression.

elle prend à mainte occasion une allure familière ; sans tomber dans la platitude, elle rase presque laprose.

Il n'est pour s'en rendre compte que d'écouter Félix s'entretenant avec Pauline ou avec Albin, son confident.Le cadre Mais ce changement extérieur et immédiatement apparent n'est que l'indice d'un changement intérieur etqui tient au fond même du sujet.

L'étude du cadre de la pièce nous le confirme.

Le cadre, mieux encore, le fondnaturel et nécessaire d'une tragédie cornélienne, c'est une grande intrigue d'une répercussion historique où semêlent le romanesque et la politique.

Or nous avons déjà vu que si l'élément romanesque existe dans Polyeucte, il secantonne à l'arrière-plan ; quant à l'élément politique, il est autant dire absent.

Corneille a sans doute puisé le sujetde sa pièce dans le cycle d'événements qui, du point de vue de l'histoire et de la politique, a le plus souvent et leplus heureusement inspiré sa verve, l'histoire romaine.

Mais l'action se déroule dans une marche de l'Empire romain,et à une époque où l'esprit romain ne se survit même plus à Rome.

Aucun personnage, pas même Sévère, ne seprésente comme le représentant qualifié de Rome.

A aucun moment, les destinées de Rome ne sont engagées.

Plusde grandes joutes oratoires où des souverains et des ministres cristallisent en des dissertations antithétiques lemachiavélisme politique de tous les temps et où, avec l'attaque et la riposte, surgissent sous nos regards les raisonsde la grandeur et de la décadence d'un potentat, d'un régime, d'un empire.

Le seul morceau qui, dans Polyeucte,rappelle des dissertations de cet ordre, c'est la tirade où Sévère exprime sur les chrétiens et le Christianismel'opinion en cours chez les païens cultivés du me siècle.

Et qu'est-ce que cette unique tirade en comparaison desfresques qui remplissent Horace, Cinna, Pompée, Nieomède, Sertorius ?On a donc eu tort, croyons-nous, de vouloir trouver dans cette tragédie le tableau de la naissance d'un monde etde la fin d'un autre monde, et des convulsions qui résultent de leur conflit.

Un tableau d'histoire, c'est uneexplication d'histoire, ou une peinture d'histoire.

L'explication d'histoire, nous venons de voir que Polyeucte ne lacontient pas.

Quant à la peinture d'histoire, elle en est absente tout simplement, parce que Corneille n'a jamais étéun peintre d'histoire.

Les deux facultés maîtresses du peintre d'histoire, la vision concrète et l'émotion sympathique,répugnent à son génie.

Il n'a jamais cherché à appréhender, il n'a peut-être jamais senti les deux réalités dontl'évocation ressuscite une époque: les milieux historiques et les âmes historiques.

Il n'a jamais sans doute pensé àfaire pressentir le murmure et le grouillement des foules autour des individus qu'il met en scène.

L'intervention de lamultitude n'est qu'une force mécanique dans l'action de son drame.

Polyeucte ne nous offre pas le tableau de deuxmondes en conflit, parce que ni de l'un ni de l'autre de ces deux mondes nous ne voyons les mœurs, parce que nipour l'un ni pour l'autre de ces deux mondes, nous ne respirons l'atmosphère d'idées, de sentiments où leur viefermente.

Il faut avouer du reste que le cadre étroit, rigoureux, abstrait de la tragédie classique rendait pareille. »

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