Lettres à sa mère (fragments)Charles BaudelaireBruxelles, vendredi 3 novembre 1865.
Publié le 22/05/2020
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Lettres à sa mère (fragments)
Charles Baudelaire
Bruxelles, vendredi 3 novembre 1865.
… Victor Hugo qui a résidé quelque temps à Bruxelles et qui veut que j'aille passer
quelque temps dans son île, m'a bien ennuyé, bien fatigué.
Je n'accepterais jamais sa
gloire, ni sa fortune, s'il me fallait en même temps posséder ses énormes ridicules.
Mme Hugo est à moitié idiote, et ses deux fils sont de grands sots.
Si tu avais envie de
lire son dernier volume (Chanson des rues et des bois), je te l'enverrais tout de suite.
Comme d'habitude, énorme succès, comme vente.
— Désappointement de tous les gens
d'esprit après qu'ils l'ont lu.
— Il a voulu, cette fois, être joyeux et léger, et amoureux, et
de se refaire jeune.
C'est horriblement lourd.
Je ne vois dans ces choses-là, comme en
beaucoup d'autres, qu'une nouvelle occasion de remercier Dieu, qui ne m'a pas donné
tant de bêtise.
Je fais sans cesse la prière du Pharisien…
Bruxelles, vendredi 22 décembre 1865
… J'ai été pris d'une névralgie ou d'un rhumatisme aigu à la tête, comme celui de l'an
passé, mais qui dure plus longtemps, puisque voilà déjà quatorze jours que ce supplice
continue.
Il est vrai qu'il y a des intermittences, puisque je t'écris, mais je ne suis jamais
sûr d'un repos de deux heures.
J'ai pris des purgations ; je me suis enveloppé la tête de
linges imbibés d'eau sédative.
J'ai obtenu des soulagements momentanés ; mais le mal
ne veut pas partir.
Je ne suis plus maître de mon temps.
C'est alors qu'on regrette
vivement de n'avoir pas travaillé dans les jours de santé (…) Il existe contre les
névralgies des pilules composées, je crois, de quinine, de codéine et de morphine.
L'horreur que j'ai depuis longtemps à l'endroit de l'opium m'a empêché d'en faire
usage.
Mais dans deux ou trois jours, si cela continue, j'en essaierai.
Bruxelles, mardi 6 février 1866
Il n'a pas confiance en son médecin et demande à sa mère de consulter pour lui le médecin
d'Honfleur… Il se mettra peut-être à rire.
Mon médecin, lui aussi, ne prenait pas trop la
chose au sérieux, excepté depuis que j'ai eu une crise sous ses yeux.
D'ailleurs, il est
passablement absurde de vivre couché, et de ne plus pouvoir travailler.
Je suis
maintenant une huître.
Peut-être M.
Lacroix connaît-il ce genre d'infirmité ?
Suit cette note destinée au médecin, où il analyse son mal :
En février 1865, névralgie (?) ou rhumatisme lancinant à la tête (?) — aucun remède.
Diète.
Il y avait des intermittences et des reprises.
Dix jours.
En décembre 1865,
nouvelle névralgie ou rhumatisme à la tête (?), avec intermittences et reprises ; ça a été
très long, quinze jours peut-être (pilules composées de quinine, de digitale, de
belladone et de morphine.).
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