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Lettre 161, Les Liaisons Dangereuses, Laclos.

Publié le 17/05/2020

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« Lettre 161, Les Liaisons Dangereuses, Laclos. I.

Une lettre d'adieu, destinée à différents destinatairesLa lettre 161, la dernière du recueil à être envoyée par la Présidente de Tourvel, se distingue des autres textes en raison de son originalité formelle :dans cette page, Laclos contourne, en partie, les codes traditionnels de l'écriture épistolaire.a) Le brouillage de l'émetteurDans cette page, l'identité de l'émetteur peut sembler, à première lecture, inhabituellement flou.

Comme l'indiquent l'entête incomplète (« La Présidentede Tourvel à… »), et les précisions mises en italique et entre parenthèses, il y a ici une dissociation nette entre l'énonciateur (celui qui est à l'origine dumessage, celui dont on entend la « voix », c'est-à-dire madame de Tourvel) et le scripteur (celui qui couche les mots sur le papier).

La parenthèseintroductive le précise : si les mots sont bien ceux de la Présidente, l'écriture est celle « de sa femme de chambre ».

Avant même de débuter la lecturedu texte, cette séparation des rôles met en évidence la faiblesse extrême de la victime de Valmont, trop affectée par les événements pour prendre laplume.b) Une diversité de destinatairesAutre originalité, la lettre n'est pas adressée à un seul, mais à plusieurs destinataires.

La disposition en paragraphes isole nettement les différentsallocutaires du discours de la Présidente.

Le vicomte de Valmont est le premier destinataire de ce courrier.

Quoique jamais explicitement nommé, il estrégulièrement désigné, à l'aide de périphrases, dans les § 1, 4 et 5, comme la source des malheurs de la Présidente (« être cruel et malfaisant » ligne 1,« auteur de mes fautes » ligne 13, « c'est à la fois pour lui et par lui que je souffre » ligne 31).

Le Président de Tourvel apparaît lui aussi de manièreindirecte, au travers du thème du mari trompé (« femme infidèle » ligne 22, « ta vengeance » ligne 23, « ta honte » ligne 24).

On notera une oppositionimportante entre ces deux figures masculines : si le vicomte incarne, dans ces lignes, le Mal absolu, la présidente met en valeur, a contrario, la bonté del'époux (« l'estime » ligne 20, « tu me remisses une faute » ligne 28, « indulgence » ligne 29), qui pardonnerait les infidélités de sa femme.

Enfin, cettelettre 161 est également adressée au groupe des « amis » (ligne 14) de la Présidente, groupe d'amis que la marquise de Merteuil surnommeironiquement, dans une lettre précédente, « le parti prude ».

La référence aux proches se fait plus précise au fil de la lettre puisque la présidente vient ànommer deux de ses « amies » (ligne 47), qui renverraient ici à madame de Volanges et à madame de Rosemonde.

La profonde tendresse qui liel'énonciatrice à ces deux femmes est soulignée au travers du champ lexical de la bonté («indulgente », « diminuer mes peines » ligne 49, « venezauprès de moi » ligne 50, « vous m'aimez encore » ligne 52).

En plaçant son héroïne face à différents allocutaires, Laclos crée l'illusion d'un dialogue àplusieurs voix : le texte est ainsi ponctué de nombreuses apostrophes à la deuxième personne du singulier et du pluriel (« ne te lasseras-tu point de mepersécuter ? » ligne 2 ; « toi dont l'estime » ligne 20 ; « ne m'abandonnez pas » ligne 48).

Grâce aux différentes phrases interrogatives et aux verbes àl'impératif (« « ne rends pas mes tourments insupportables » ; « viens punir » ; « reçois-moi dans tes bras » ; « répondez au moins à cette lettre »), lerythme de la lettre est particulièrement haletant et met en lumière les angoisses de l'émetteur.

Au regard de cette multitude de destinataires, on voitque la lettre 161 exerce différentes fonctions : elle blâme le comportement cruel de Valmont, elle fait office de confession ultime auprès du Président,elle cherche à émouvoir le cercle amical de la Présidente, elle met en évidence la culpabilité de madame de Tourvel, coupable d'avoir cédé aux avancesdu vicomte.c) Le bilan pathétique d'une fin de vieSi la lettre délivre un portrait, rapide, des différents destinataires, le texte est également centré sur la personnalité de la Présidente.

En adressant sesdernières paroles à ses proches, le personnage dresse le bilan de la fin de sa vie, marquée par les douleurs de l'amour.

L'écriture devient alors l'occasionde s'épancher sur les malheurs de son existence.

On notera, tout d'abord, la fréquence des verbes au passé composé, qui relate des événements passésdont le souvenir est encore présent dans l'esprit de la Présidente au moment où elle écrit (« des biens que j'ai perdus » ligne 9, « j'ai perdu le repos »ligne 12, « toi que j'ai outragé » ligne 20, « celui-là même qui m'a perdue » ligne 31).

Comme le montre le sémantisme de ces verbes, c'est l'idée de laperte de l'honneur, le thème de la déchéance morale qui caractérisent la fin de la vie de la Présidente.

Les différents verbes au présent d'énonciationrenvoient, quant à eux, au moment de l'écriture.

Là encore, c'est l'idée de souffrance qui prévaut (« je suis opprimée » ligne 15, « toute consolationm'est refusée » ligne 17, « « je frémis » ligne 47).

L'avenir de la Présidente s'annonce, lui aussi extrêmement sombre : les références à la mort sontfréquentes (« « la paix du tombeau » ligne 3, « cet appareil de mort » ligne 46 »), la paix et le repos semblent impossibles (« « ne te lasseras-tu pointde me persécuter ? » ligne 2).

La rencontre avec Valmont est donc décrite comme une malédiction, qui isole la Présidente de ses amis, qui fait d'elle unefemme infidèle et tourmentée. II.

Les ravages de la passionEn dépeignant les dangers de la passion amoureuse, la lettre 161 sert les intentions morales de l'auteur : au travers du personnage de la Présidente,c'est toute la perversité et la cruauté des jeux libertins qui semble pointée du doigt.a) Un amour pathétiquePrésentée comme une victime de l'amour, débordée par l'émotion, la Présidente est présentée comme une héroïne pathétique.1) La violence de l'amourDans ces lignes, l'amour est constamment décrit comme une force négative, qui fait souffrit celui en est la victime.

Les références à la douleur, aussibien physique que morale, sont constantes dans cet extrait (« tourmentée » ligne 2 ; « peines sans relâche » ligne 5 ; « souffrir » ligne 6 ; « douleurs »ligne 9 ; « je souffre » ligne 31 etc.).

Les marques de l'émotion sont particulièrement nombreuses dans ce passage : les phrases à la modalitéexclamative soulignent le désarroi de la présidente (« Quoi ! ils me laissent sans secours ! ligne 16 ; « ses cris ne sont pas entendus ! » ligne 19) ;purement rhétoriques, les interrogatives donnent l'impression d'un dialogue de sourds puisque les questions du personnage ne trouvent pas de réponse(« où sont les amis qui me chérissaient ? » ligne 14 : « Que fais-tu loin de moi ? » ligne 22).2) Une solitude extrêmeCe thème de la solitude face à l'amour est régulièrement développé tout au long de la lettre.

Comme le montrent les différentes tournures négatives etl'usage des déterminants indéfinis « aucun » (ligne 15), « personne » (ligne 16) (« aucun n'ose m'approcher », « ils me laissent sans secours »,« personne ne pleure sur moi », « ne m'abandonnez pas » ligne 48), la passion amoureuse est décrite comme un élément qui isole du monde.

Personnene peut comprendre la passion qu'éprouve la Présidente pour le vicomte, personne ne peut la soutenir dans ce choix, et la Présidente ne peut en parlerà personne.

Cette solitude exacerbée confère, elle aussi, au passage une dimension pathétique.b) Une passion tragiqueLa passion qu'éprouve la Présidente de Tourvel pour le vicomte est également décrite comme une force tragique, à laquelle on ne peut résister.

Commele montrent aussi les différentes tournures grammaticales, madame de Tourvel est décrite comme une victime, subissant malgré elle cet amourravageur.

C'est ainsi que, dans de nombreux groupes verbaux, l'émetteur se désigne elle-même à l'aide du pronom complément « me » ou « moi », unpronom qui révèle que la Présidente subit de plein fouet ces violences amoureuses (« m'avoir tourmentée » ligne 2 ; « tu me les as ravis » ligne 10 ; « ilme suit, il m'obsède » ligne 32).

D'autres éléments nous indiquent la présence d'un fatum [1] tragique : les références à la divinité (« une grâce » ligne6 ; « le ciel » ligne 26 ; « une faute » ligne 28), le mot « pitié » (ligne 17) qui est, avec la « terreur », l'un des deux ressorts du tragique, la thématiquede la mort («tombeau » ligne 3 ; « m'ensevelir » ligne 4).

Si les propos de la Présidente sont tragiques, c'est également parce que tout espoir depouvoir lutter contre cet amour semble vain.

Le personnage est face à une force destructrice, l'amour, contre laquelle il ne peut lutter et, par voie defaits, la Présidente analyse avec lucidité sa culpabilité (« je suis devenue criminelle » ligne 13 ; « toute consolation m'est refusée » ligne 17 ; « la pitiés'arête » ligne 17, « ses cris ne sont pas entendus » ligne 19 ; « je veux le fuir, en vain » ligne 32).

L'amour est donc décrit comme une fatalité, uneforce à laquelle l'Homme ne peut résister.

On retrouve ici les accents, tragiques, du second aveu de Phèdre à Hippolyte.c) Un texte basculant vers la folieAu fil de la lettre, les propos de la Présidente se font de moins en moins cohérents ; le texte bascule vers la folie.1) Valmont : amant ou bourreau ?Le portrait du Libertin est ambigu, voire incohérent.

Dans les quatre premiers § de l'extrait, le portrait du séducteur est largement négatif.

Madame deTourvel n'a de cesse de mettre en valeur les dangers qu'il représente pour elle.

Dans le premier §, un adjectif, deux fois répété (« cruel ») souligne toutparticulièrement l'insensibilité du vicomte : l'adjectif « cruel », qui ouvre la lettre, a encore son sens classique de « barbare », « sanguinaire » puisqu'ilrenvoie à l'idée du sang qui coule.

Cette même idée de cruauté, de violence sanguinaire, est régulièrement développée dans la lettre : Valmont est décritcomme un monstre agressif, incarnation du Mal (« « ses yeux n'expriment plus que de la haine et le mépris » ligne 34 ; « me déchirer » ligne 35 ;« barbare fureur » ligne 36).

Pourtant, un véritable changement de ton se produit dans le dernier paragraphe.

La figure inquiétante du monstre setransforme en entité positive.

La description de Valmont devient lyrique (« mon aimable ami » ligne 37 ; « sens mon cœur » ligne 42 ; « douceémotion » 43), le sang laisse la place à la tendresse et à la douceur (« cache-moi dans ton sein » ligne 39), avant un nouveau revirement.

Cettedescription, contradictoire, est le premier signe de la folie de la Présidente.

Tout au long du portrait de Valmont, on notera l'alliance, particulièrementflorissante en littérature, de l'eros et de thanatos.

Figure complexe, ambivalente, Valmont finit par incarner à la fois l'amour (eros) et la mort (thanatos),la pulsion de vie, positive, et la pulsion de mort, négative, l'amour qui réjouit et qui fait souffrir.2) Des confusions verbales aux hallucinations visuellesLe propos de la présidente devient également de plus en plus obscur.

On remarquera tout d'abord que les phrases sont de plus en plus déconstruites :l'organisation syntaxique rigoureuse du début de la lettre cède la place à des phrases averbales (« Mais quoi ! c'est lui… « ligne 37) et minimales(« Oh » ! « Dieu !»).

La ponctuation, abondante dans le dernier paragraphe et les très nombreuses phrases exclamatives mettent en évidence le trouble. »

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