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« Le théâtre peut apparaître comme un genre littéraire inférieur, un genre mineur. Il fait toujours un peu gros. C'est un art à effets sans doutes. On a l'impression que les choses s'y alourdissent. Les nuances des textes de littérature l'éclipsent. Un théâtre de subtilité littéraire s'épuise vite. » Commentez cette citation de Ionesco.

Publié le 09/12/2021

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : « Le théâtre peut apparaître comme un genre littéraire inférieur, un genre mineur. Il fait toujours un peu gros. C'est un art à effets sans doutes. On a l'impression que les choses s'y alourdissent. Les nuances des textes de littérature l'éclipsent. Un théâtre de subtilité littéraire s'épuise vite. » Commentez cette citation de Ionesco.. Ce document contient 1268 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
Dans une pièce, chaque personnage, pour imposer sa logique, s'obstine jusqu'à l'extrême : chaque personnage de la pièce Andromaque poursuit son but (épouser Pyrrhus pour Hermione, séduire Hermione pour Oreste)  jusqu'à atteindre la mort ou la folie. Grossissement psychologique qui conduit à un grossissement des situations : la dynamique du théâtre exige de mettre en scène des situations contrastées, pour toucher le spectateur. Le drame romantique, tel que Hugo le définit dans sa préface à Hernani, revendique une esthétique contrastée, pouvant aller jusqu'au grotesque : dans sa pièce Ruy Blas, le héros éponyme promet à Don Salluste d'accourir dès que celui-ci sonnera du cor, en échange de quoi il parvient jusqu'à la reine d'Espagne, et l'épouse; juste après la scène du mariage, alors que le couple savoure ce moment de bonheur, on entend sonner le cor : la dynamique de la pièce repose sur le contraste brutal entre l'idylle amoureuse et le rappel de l'accord passé, qui suggère aussi des intrigues politiques et un danger mortel.     II. Le texte poétique est possible, mais pas systématique au théâtre    Que les caractères soient schématiques et les effets visibles n'empêche pas une forte valeur littéraire du théâtre : Les trois auteurs tragiques du Ve siècle avant JC parvenus jusqu'à nous (Eschyle, Sophocle, Euripide) font preuve d'une très belle écriture poétique, à forte valeur littéraire. Plusieurs textes de théâtre peuvent être pris séparément comme des poèmes, par exemple les Stances très connues du Cid dans la pièce du même nom, ou la narration par Néron, dans l'acte I de Britannicus de Racine, de sa rencontre nocturne avec Junie, dont il tombe alors amoureux. Paul Claudel, auteur plus récent, affirme aussi la possibilité d'une poésie au théâtre, par exemple en écrivant L'annonce faite à Marie, en vers libres. L'exigence de simplicité et de schématisation extrême pose tout de même la question de la valeur d'un texte littéraire au théâtre : Anne Ubersfeld, dans Lire le théâtre, souligne le danger qu'il y aurait à figer le texte, à le sacraliser en le mettant au centre de la mise en scène : il faut au contraire l'écarter, le rendre "mineur" pour augmenter la part de théâtralité. Plusieurs auteurs de théâtre se caractérisent par une écriture dépourvue de recherche : les dialogues en prose chez Molière sont écrits dans un style simple,clair, assez courant, sauf lorsqu'il imite par contraste le langage des "précieuses". Le dépouillement, la pauvreté syntaxique sont permis et créent même des effets intéressants, chez Ionesco par exemple, qui, dans le début de la Cantatrice chauve, fait répéter à ses personnages des phrases qu'il a tirées d'un manuel pour apprendre l'anglais.

« Ionesco, dans Notes et contre-notes , avoue l'horreur qu'il éprouve à aller au théâtre.

Il explique ce dégoût par l'hypocrisie qui lui semble régner dans le jeu des acteurs, justement parce qu'ils veulent "faire vrai" et sembler naturels.

Il donne en effet commespécifiques au théâtre un grossissement des effets, un jeu qui doit aller jusqu'à la caricature, et des "ficelles" bien visibles.

Mais cette ilvoit aussi dans cette spécificité ce qui rend si difficile l'écriture théâtrale : la psychologie est primaire, l'idéologie et la philosophie ydeviennent dogmatiques.

Ce sont les dangers que lui-même cherche à éviter, mais auxquels il semble estimer que des auteurscomme Victor Hugo, Labiche, Corneille et Marivaux n'ont pas échapper : Hugo devient burlesque, Labiche n'est plus drôle, Corneille estennuyeux et Marivaux futile.

Le grossissement fait prendre le risque de tuer le texte, mais parallèlement, une trop grande subtilité dansles caractères lui enlève la dynamique nécessaire.On peut se demander pourquoi le théâtre devrait être un "art à effets"; et si c'est seulement dans ce cas sa littérarité propre quidétermine la valeur d'un texte de théâtre.

I.

Un genre qui doit "faire un peu gros" Pierre-Aimé Touchard, dans L'amateur de théâtre ou la règle du jeu , indique comme caractéristique des personnages de théâtre qu'ils ont une psychologie réduite, un caractère très délimité et qui change peu du début à la fin de la pièce : l'intérêt du théâtre réside nondans l'analyse psychologique, mais dans la confrontation violente de caractères contrastés.

L'exemple le plus évident est celui d'Harpagon, plus connu sous le nom d'"Avare" : il se définit par l'avarice.

Touchard compare en cela les personnages de théâtre auxfigurines d'un jeu de carte: leur nature est définie d'avance, tout ce qui compte est de savoir qui gagnera.

Dans une pièce, chaquepersonnage, pour imposer sa logique, s'obstine jusqu'à l'extrême : chaque personnage de la pièce Andromaque poursuit son but (épouser Pyrrhus pour Hermione, séduire Hermione pour Oreste) jusqu'à atteindre la mort ou la folie. Grossissement psychologique qui conduit à un grossissement des situations : la dynamique du théâtre exige demettre en scène des situations contrastées, pour toucher le spectateur.

Le drame romantique, tel que Hugo ledéfinit dans sa préface à Hernani , revendique une esthétique contrastée, pouvant aller jusqu'au grotesque : dans sa pièce Ruy Blas, le héros éponyme promet à Don Salluste d'accourir dès que celui-ci sonnera du cor, en échange de quoi il parvient jusqu'à la reine d'Espagne, et l'épouse; juste après la scène du mariage, alors quele couple savoure ce moment de bonheur, on entend sonner le cor : la dynamique de la pièce repose sur lecontraste brutal entre l'idylle amoureuse et le rappel de l'accord passé, qui suggère aussi des intriguespolitiques et un danger mortel.

II.

Le texte poétique est possible, mais pas systématique au théâtre Que les caractères soient schématiques et les effets visibles n'empêche pas une forte valeur littéraire du théâtre : Les trois auteurs tragiques du Ve siècle avant JC parvenus jusqu'à nous (Eschyle, Sophocle, Euripide) font preuve d'une très belleécriture poétique, à forte valeur littéraire.

Plusieurs textes de théâtre peuvent être pris séparément comme des poèmes, par exempleles Stances très connues du Cid dans la pièce du même nom, ou la narration par Néron, dans l'acte I de Britannicus de Racine, de sa rencontre nocturne avec Junie, dont il tombe alors amoureux.

Paul Claudel, auteur plus récent, affirme aussi la possibilité d'une poésieau théâtre, par exemple en écrivant L'annonce faite à Marie, en vers libres. L'exigence de simplicité et de schématisation extrême pose tout de même la question de la valeur d'un texte littéraire au théâtre :Anne Ubersfeld, dans Lire le théâtre, souligne le danger qu'il y aurait à figer le texte, à le sacraliser en le mettant au centre de la mise en scène : il faut au contraire l'écarter, le rendre "mineur" pour augmenter la part de théâtralité.

Plusieurs auteurs de théâtre secaractérisent par une écriture dépourvue de recherche : les dialogues en prose chez Molière sont écrits dans un style simple,clair,assez courant, sauf lorsqu'il imite par contraste le langage des "précieuses".

Le dépouillement, la pauvreté syntaxique sont permis etcréent même des effets intéressants, chez Ionesco par exemple, qui, dans le début de la Cantatrice chauve , fait répéter à ses personnages des phrases qu'il a tirées d'un manuel pour apprendre l'anglais.

Si la "subtilité littéraire" peut servir le théâtre, il nesemble pas qu'elle soit déterminante pour la valeur d'une pièce.

III.

Une subtilité extra-littéraire, propre au théâtre Anne Ubersfeld, dans Lire le théâtre, rappelle la distinction entre une lecture syntagmatique du texte et une lecture paradigmatique : la lecture syntagmatique privilégie le sens qui naît de la succession des mots entre eux, et la lecture paradigmatique décolle du texte, etexamine les connotations, les allusions cachées derrières ces mots.

Au théâtre, la lecture paradigmatique est particulièrement riche,elle s'exprime dans la mise en scène : Ubersfeld donne comme exemple une mise en scène de Phèdre par Antoine Vitez en 1975, dans laquelle une bassine d'eau figure les larmes; les personnages vont s'y laver le visage pour figurer les pleurs.

Cet exemple utilise uneffet de grossissement, de la larme à la bassine d'eau; mais il enrichit le texte en alliant aux larmes l'idée de purification, en sous-entendant que la révélation de Phèdre a le caractère positif d'une expiation.

Le grossissement n'est pas ici appauvrissement.Ionesco, dans Notes et contre-notes, explique l'intérêt de ce grossissement : en accentuant au maximum un trait, on va jusqu'à le renverser, pour obtenir ainsi l'effet inverse : le banal devient étrange, tandis que le littéraire ou le précieux devient cliché.

Le comiquedevient sinistre, et vice-versa.

La parole comme enjeu littéraire doit alors complètement disparaître : dans La cantatrice chauve , elle s'enfle, jusqu'à tomber dans l'insensé et se détruire elle-même.

Anne Ubersfeld va jusqu'à qualifier l'un des textes de Beckett, Actes sans paroles , d' "immense didascalie" qui doit permettre un déploiement du jeu de l'acteur. Conclusion : On ne peut contester la valeur littéraire de la plus grande partie des textes de théâtre aujourd'hui considérés comme classiques; mais on doit aussi leur survivance à une valeur "théâtrale" qui leur est propre.

Le théâtre n'est pas un "genre littéraire",c'est d'abord un art gestuel, et un art total : il lie le texte au son, à la parole, parfois chantée, aux lumières, aux gestes, aux jeux desacteurs ou des objets.

De là peut naître le malentendu que souligne Ionesco, de manière un peu provocatrice : on peut prendre lethéâtre comme un genre littéraire mineur, parce que la dimension littéraire du texte n'est qu'une partie du jeu global.

Le texte acependant une valeur, en ce qu'il propose, par ses ambiguïtés, un grand nombre de mises en scène et d'interprétations différentes, quitémoignent aussi de sa valeur littéraire.. »

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