Le Second AnniversaireLe Voyage de l'ÂmeExordeRien ne pourrait m'amener mieux

« Le Second Anniversaire John Donne Le Voyage de l'Âme Exorde Rien ne pourrait m'amener mieux à reconnaître Au monde où nous vivons une perpétuité, Que de considérer qu'une année est passée Depuis que le soleil de ce bas monde, soleil Du soleil même, éclat et vigueur du grand Tout, S'est couché : dire qu'il est tombé serait blasphème. Mais, ainsi qu'un navire, voile amenée, avance, Puisant force en la force acquise auparavant, Ou comme quelquefois, chez un décapité Dont, par les deux mers Rouges qui librement déversent Leurs flots, l'une du tronc et l'autre de la tête, L'âme a vogué déjà vers son lit éternel, Les yeux clignent encore et la langue remue Comme s'il faisait signe et rappelait son âme, On voit les mains s'étreindre, les pieds se relever, Cherchant comme à saisir et s'avancer vers l'âme, Mais tous ces mouvements dont nous sommes témoins Sont comme craquements de la glace au dégel, Ou l'action d'un luth qui, par temps humide, sonne Son glas lui-même en laissant résonner ses cordes : Ainsi s'agite ce monde mort qu'elle a quitté Car la corruption n'exclut le mouvement. De même qu'en la Genèse on nomme certains jours Avant que soit formé le soleil qui les forme, De même les années, ce soleil-ci couché, Gardent une apparence et un cours ordonné. Un Déluge nouveau, fait des flots du Léthé, Nous a pourtant noyés et tous, en l'oubliant, Ont oublié tout bien, en elle concentré. Pourtant, en ce déluge extrême et général, Je lutte, tu le vois, pour la vie, car ma vie Sera louée plus tard pour t'avoir célébrée. Vierge immortelle, qui ne voudrais recevoir. »