Databac

Le roman européen

Publié le 09/12/2021

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Le roman européen. Ce document contient 0 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
Il y a cent ans, le roman était loin d'être mort ou même en sommeil ; mais on notait le dépassement du roman en direction de l'épopée. Pour ne citer que quelques noms parmi les plus illustres, l'Italie avait Italo Svevo, l'Angleterre Virginia Woolf et ce Conrad qu'elle partage avec la Pologne, l'Allemagne Thomas Mann, enfin la France Bernanos. Entre ces divers écrivains européens il y avait peu de choses en commun, du moins à première vue, sinon leur ambiguïté, leur vision symbolique, leur sens de la durée et peut-être une certaine nostalgie des choses qui périssent... On ne peut enfermer le roman dans une formule exclusive : il contient tous les genres, du poème à l'essai, du drame à la biographie. Héritier de la grande tradition du roman russe ­ celle de Gogol, de Dostoïevski, de Tourgueniev, de Tchekhov, de Gorki ­ voici qu'apparaît, à l'autre extrémité du continent européen, le puissant, le tendre Bernanos, romancier catholique, chrétien comme Péguy, mais venu de la droite, et pour qui la vérité se trouve dans le regard de la sainteté. Quel peut être le commun dénominateur entre l'auteur du Journal d'un Curé de Campagne et le révolutionnaire Gorki ? Eh bien, cet écrivain si fier d'être Français semble être paradoxalement, on l'a souligné, " de tous nos écrivains celui qui est le plus proche des romanciers russes, notamment par la place qu'il accorde dans son oeuvre à l'illogisme ". Et les héros de Bernanos, en proie au vertige, paraissant avoir goûté l'enfer, connaissant l'épreuve des ténèbres et du désespoir, ne semblent-ils pas déjà se profiler chez Gogol ? Ne trouve-t-on pas chez les grands écrivains russes du XIXe siècle la première vision de cette humanité sur qui brille et brûle le sinistre " soleil de Satan " et qui nous annonce, longtemps à l'avance, ce cadavre en voie de décomposition que sera M. Ouine ? Un autre trait, bien différent, rapproche Georges Bernanos de Dostoïevski et de Tolstoï : son discernement des âmes et son insatiable soif de justice. Ses personnages sont rongés par un mal intérieur. Il ne fait qu'un avec ses livres. Comme Dostoïevski, c'est un écrivain pour qui " l'imaginaire n'est qu'un médium ", a-t-on dit, et " ses colères partent d'un foyer de charité " ; il a l'esprit d'enfance, mais il vit sous le signe de l'agonie. Dostoïevski exercera d'ailleurs son influence marquante sur tous les écrivains du XXe siècle : il est le précurseur d'une vision nouvelle de l'homme, imprévisible et polymorphe.

« Le roman européen Il y a cent ans, le roman était loin d'être mort ou même en sommeil ; mais on notait le dépassement du roman en direction de l'épopée.

Pour ne citer quequelques noms parmi les plus illustres, l'Italie avait Italo Svevo, l'Angleterre V irginia Woolf et ce Conrad qu'elle partage avec la P ologne, l'AllemagneThomas M ann, enfin la France Bernanos.

Entre ces divers écrivains européens il y avait peu de choses en commun, du moins à première vue, sinon leurambiguïté, leur vision symbolique, leur sens de la durée et peut-être une certaine nostalgie des choses qui périssent...

On ne peut enfermer le roman dansune formule exclusive : il contient tous les genres, du poème à l'essai, du drame à la biographie. Héritier de la grande tradition du roman russe celle de Gogol, de Dostoïevski, de Tourgueniev, de Tchekhov, de Gorki voici qu'apparaît, à l'autre extrémité ducontinent européen, le puissant, le tendre Bernanos, romancier catholique, chrétien comme Péguy, mais venu de la droite, et pour qui la vérité se trouvedans le regard de la sainteté.

Quel peut être le c ommun dénominateur entre l'auteur du Journal d'un C uré de Campagne et le révolutionnaire Gorki ? Eh bien,cet écrivain si fier d'être Français semble être paradoxalement, on l'a souligné, " de tous nos écrivains c elui qui est le plus proche des romanciers russes,notamment par la place qu'il accorde dans son oeuvre à l'illogis me ".

Et les héros de Bernanos, en proie au vertige, paraissant avoir goûté l'enfer,connaissant l'épreuve des ténèbres et du désespoir, ne semblent-ils pas déjà se profiler chez Gogol ? Ne trouve-t-on pas chez les grands écrivains russesdu XIXe s iècle la première vision de cette humanité sur qui brille et brûle le sinistre " soleil de Satan " et qui nous annonce, longtemps à l'avance, cecadavre en voie de décomposition que sera M.

Ouine ? Un autre trait, bien différent, rapproche Georges Bernanos de Dostoïevski et de Tolstoï : sondiscernement des âmes et son insatiable soif de justice.

Ses personnages sont rongés par un mal intérieur.

Il ne fait qu'un avec ses livres.

CommeDostoïevski, c'est un écrivain pour qui " l'imaginaire n'est qu'un médium ", a-t-on dit, et " ses colères partent d'un foyer de c harité " ; il a l'esprit d'enfance,mais il vit sous le signe de l'agonie.

Dostoïevski exercera d'ailleurs son influence marquante sur tous les écrivains du XXe siècle : il est le précurseur d'unevision nouvelle de l'homme, imprévisible et polymorphe. A mi-chemin entre les Moscovites et le Français, voici l'A llemand Thomas Mann, " magicien de la mort, analyste des maladies du corps et de l'esprit ", quin'a jamais oublié la dette qu'il a contractée à l'égard de l'auteur des Possédés et de l'auteur de Guerre et P aix, tout en s'éloignant d'eux pour se rapprocherde Goethe.

Il s'est tour à tour épris du roman anglais, du roman naturaliste et du roman russe.

C ependant, depuis le Petit Monsieur Friedemann jusqu'à Mortà Venise, jusqu'à la Montagne M agique et au roman de Joseph, les disciples de Freud ont fait comprendre à T homas Mann qu'il y avait entre la ps ychanalyseet son oeuvre certains rapports ; il prit conscience de ces sympathies latentes, " préc onscientes " ; il reconnut chez Freud, sous le vêtement d'une penséeet d'une langue rigoureusement scientifiques, bien des idées qui lui étaient familières depuis ses premières expériences intellectuelles.

Ainsi, plus encorequ'il n'était venu à la psychanalyse, c'est la psychanalyse qui vint à lui.

M ann croit à l'unité mystérieuse du monde et du " moi ", du destin et du caractère,de l'événement et de l'acte volontaire.

Pour lui, " le réel, pure projection de l'âme, serait l'alpha et l'oméga de toute initiation psychanalytique ".

Il peut encela se réclamer de Novalis et de Nietzsche, ainsi que de Kierkegaard et de Schopenhauer, de ces poètes, de ces rêveurs, de ces philosophes qui, dansleurs songes inspirés, n'ont pas reculé devant les révélations les plus tragiques de la psychologie.

Les dispositions personnelles de Mann ont étéapprofondies par l'expérience et la passion psyc hologiques de Nietzsche : d'où son courage dans la recherche, son obstination à se c onnaître lui-même, àse tourmenter lui-même, et son désenchantement devant les résultats.

Il y a en lui une part de nihilisme.

De plus, Thomas Mann a le sens de la maladiecomme moyen d'atteindre la connaissance.

Ce sentiment est étroitement lié à la nature de tout homme de pensée, ou plutôt à l'essence de toute humanité,dont le poète n'est que l'expression la plus typique.

M ann nous fait connaître la partie obscure de notre personnalité par l'étude de l'élaboration des songes.Son roman Joseph et ses frères est pénétré de cette psychologie théologique que les savants attribuent aux initiés de la sagesse orientale.

Il voit enAbraham, pour ains i dire, " le père de D ieu ".

Il reconnaît que les attributs de Dieu sont bien quelque chos e de réellement donné en dehors d'Abraham, mais,en même temps, ils sont en lui, viennent de lui.

C e qui s'exprime dans " l'A lliance " d'Abraham et de D ieu, c'est que la sanctification de Dieu et celle del'homme sont " liées " l'une à l'autre de façon la plus étroite.

Son roman marque, avec une précision rigoureuse, le point où l'intérêt psychologique devientintérêt mythique.

Le " mythe vécu ", voilà l'idée épique de son roman : il est passé " de la peinture des faits bourgeois et individuels à une vision mythiqueet typique des événements ".

C ette vision marque, dans la vie du romancier, " la sublimation toute particulière de son sentiment artistique "...

L'écrivain estdevenu fécond en produisant, dans le roman, l'union de la psychologie et du mythe, et, par-dessus tout, T homas Mann demeure un humaniste européen, unvéritable disciple de Goethe.

Ce par quoi Mann rejoint aussi bien Italo Svevo que Joseph Conrad ou Bernanos, c'est que, pour lui, " seule la vie peut ànouveau retrouver la vie ", en vertu d'une " ironie initiatrice ". Tout autre me paraît être la destinée d'une V irginia Woolf, qui avait en elle quelque chose de l'être irréel, disons de la sylphide.

O n peut lui appliquer le motde Shakespeare : " Nous sommes faits de la même substance que nos rêves ", et l'on sait que cette femme au regard si profond, cet admirable écrivain,devait avoir la même fin qu'Ophélie, ayant un jour, lasse de son délire et de sa mélancolie, lasse peut-être aussi des fantômes qui la hantaient, choisi pourtombeau l'eau d'une de ces rivières d'A ngleterre qu'elle aimait et où elle voulut se noyer volontairement.

V irginia Woolf avait eu, à plusieurs reprises, descrises de démence, et elle vivait dans la terreur du retour de la folie.

Elle entendait des voix.

Le mot " mort " la hantait.

Dans son oeuvre, d'un art si raffiné,si féminin, elle contemplait, selon le mot de T.S.

Eliot, " le sentiment plutôt que l'objet qui l'a évoqué ou l'objet en lequel on pourrait le transformer ".

Il yavait chez elle un refus du monde extérieur.

Son génie était étrangement mêlé à ses angoisses.

Elle mettait dans ses récits sa présence réelle.

" Saconscience, a-t-on dit, se coulait entre ses actes.

" On peut encore, sans absurdité, la rapprocher de Svevo, qu'on n'a pas craint d'appeler " le P roust italien " et dont l'ouvrage, la Conscience de Zéno, a faitdate dans l'histoire du roman italien.

M oravia ne cache pas ce qu'il lui doit.

Et l'on affirme que James Joyce a donné quelques-uns de ses traits au hérosd'Ulysse, M.

Bloom.

Ce qui est commun à tous ces écrivains c'es t que, tout en étant à la recherche de leur vie intérieure, de ses cheminements, tout enfaisant de l'étude de l'homme le travail humain par excellence, ils n'ont pas été, comme d'autres, des dilettantes ; ils ont agi, ils ont couru des risques, ilsont combattu au coeur d'un monde naufragé.

O ccidentaux et travaillant, comme disait Conrad, " sous les yeux d'Occident ", ils n'ont pas admis que lemonde fût divisé en des sphères distinctes, s'ignorant l'une l'autre ; d'où leurs apparents " rebroussements ".

S'il est des heures amères, C onrad sait quel'angoisse finira par être submergée.

Ce Bernanos qui fut, hier l'ami de Drumont ne craint pas de quitter l'heureuse Majorque où il avait cherché un refuge ;et parce qu'il a été témoin d'une injustice, il écrira ses Grands C imetières sous la Lune et prendra position contre les méfaits de la Phalange. Entre les destins de ces écrivains si différents par la langue, l'inspiration, le milieu, une affinité inattendue me frappe, et qui n'est pas un simple trait de "contemporanéité ".

Thomas Mann, pour échapper à Hitler, s'exile aux États-Unis ; C onrad ne peut vivre dans sa chère Pologne, ni même faire choix de salangue maternelle : après avoir parcouru les mers lointaines, il crée en anglais toute son oeuvre romancée ; enfin, le juif tries tin Ettore Schmitz, qui prendrale nom d'Italo Svevo et deviendra l'ami de Joyce, ne sera pas reconnu d'emblée par les Italiens comme l'un des leurs , sa formation étant purementgermanique.

Quant à Bernanos, il s'ins tallera d'abord à Majorque, puis au Paraguay, au Brésil, en Tunisie, tant l'Europe l'a déçu.

" C e sont mes rêves qui menourrissent, écrira-t-il, c'est dans la main de mes héros que je mange mon pain.

" Et si V irginia Woolf, profondément Anglaise, n'a pas quitté son île natale,elle a fait choix d'un juif pour époux et c'est dans le rêve qu'elle a constamment poursuivi son évasion...

Tous ces romanc iers ont également introduit lelyrisme dans le roman, car ils y ont vu un signe des temps.

Par la seule qualité du langage, en haussant " à la dignité d'état d'âme spectacle du monde entier", ces artistes, en vertu du style accompli de leurs oeuvres, ont donné une expression définitive au trouble, à la " séduction de la mort ", à l'angoisse, à lajoie qu'ils ont ressentis devant la vie.

L'émotion fut l'agent d'un transfert entre l'artiste et le public.

Le thème commande la structure.

Grâce à la forme, cequi passe devient durable ; il n'y a plus ni mort ni vie : " il n'y a plus que cette grande image du monde dans quoi tout est contenu, et rien n'en sort jamais, etrien n'y est détruit ".

Ainsi, lors même qu'ils n'ont pas la foi, ces romanciers européens du début du XXe siècle ont été les témoins de la grandeur de l'âmehumaine.

C'est ce qui les unit, car, ainsi que l'a dit Bernanos, " le véritable créateur rêve en face de la vérité " et parvient à faire de son oeuvre unetransfiguration de la vie quotidienne.

Il s'évade, il ironise, il s'insurge, il fait de l'art, selon le mot de Hegel, " la vie glorieuse de la nature " : ici le Beautriomphe de toutes les douleurs transfigurées.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles