Le roman et la poésie n'offrent-ils pas, tous deux, une vision personnelle du monde ?
Publié le 19/12/2021
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«
Le roman est un genre protéiforme dont l’aptitude principale est de s’enrichir de
tous les autres, comme l’épopée, le théâtre, la poésie, la fable, ou l’essai, en les greffant
sur un processus narratif spécifique.
Ainsi, à la lumière de la prose et en employant la
plupart des procédés de l’écriture littéraire, le roman parvient à mimer l’existence sous
toutes ses formes et à entraîner le lecteur vers une représentation vraisemblable du
réel.
À ce titre, ce type d’écriture est nettement différent
du genre poétique (la poésie peut être en vers ou en prose) qui s’apparente plutôt à un art
d’exprimer par le travail du langage (son rythme, son harmonie, ses images, ses figures)
des émotions, des sentiments, des rêves, des pensées, c’est-à-dire une vision du monde
intérieure.
De ce fait, il est intéressant
d’entrevoir les particularités intrinsèquement liées au genre du roman, puis celle propres
au genre de la poésie de manière à mieux les confronter et à en souligner les différences.
Que pouvons-nous constater ? Au-delà de leurs spécificités, le roman et la poésie n’offrent-
ils pas, tous deux, une vision personnelle du monde ?
I/ Le roman : une représentation vraisemblable de l’existence
Pendant longtemps le roman (à l’origine le mot désigne la langue vulgaire par
opposition au latin) n’a été qu’un genre mineur, loin de rivaliser avec les genres du théâtre
et de la poésie.
Il acquit ses lettres de noblesse au XIX esiècle grâce à Honoré de Balzac
(1799-1850).
Depuis c’est un genre capable de mieux nous faire connaître le monde car il
décrit et renseigne sur les traits de la nature humaine.
Notons toutefois qu’au cours des
siècles, le genre semble également fonctionner comme un manuel d’histoire, de vie, voire
de bonne conduite, notamment avec les romans galants ( La Princesse de Clèves , une
œuvre composée par Madame de Lafayette au XVII esiècle) ou philosophiques (tel que
Candide de Voltaire, écrit au XVIII esiècle).
En outre, si l’on considère objectivement que le roman permet d’offrir une vision
vraisemblable de l’existence c’est en quelque sorte grâce aux théories de Balzac, qui va
chercher à nous donner une représentation de « l’infinie variété de la nature humaine » à
travers toute son œuvre (« Avant-propos » de la Comédie humaine , 1842).
L’homme de
lettres désire faire de son monde littéraire un monument qui soit la métaphore de la société
humaine dans sa totalité.
Cette volonté d’authenticité est en conséquence restituée grâce
à la prose qui devient sous la plume des réalistes un moyen de mieux connaître le monde.
Le sens se construit grâce à la clarté d’une phraséologie limpide.
Le roman fait sens
immédiatement !
Ainsi, il est légitime d’affirmer que le roman, selon le mouvement auquel il
appartient (notamment le réalisme ou le naturalisme), est véritablement capable de mieux
nous faire connaître le monde.
Si les héros de Balzac, de Zola, de Maupassant ou de
Flaubert ont souvent en commun de partager une existence médiocre, la raison en est que
la fiction romantique n’est plus qu’une rêverie dépassée.
De la sorte, à travers le
personnage d’Emma Bovary, Flaubert met à mort ses propres fantasmes romantiques
puisqu’ils sont en inadéquation avec la réalité, aussi pauvre soit-elle, qu’il s’est promis de
décrire.
II/ La poésie : un art de l’expression intérieure
L’expérience poétique (de poiein qui signifie « faire ») s’impose tout d’abord comme
une absolue nécessité et s’articule à la difficulté d’affronter le monde.
Elle se présente
comme le résultat d’une expression exaltée.
Le travail sur le langage, l’art de combiner,
de suggérer des mots et le choix des figures symbolise encore une dimension étrangère
au roman qui ne connaît que la prose.
En ce sens le mot « poésie » recouvre tous les
aspects formels et codés que respectent et mettent en pratique les poètes quand ils font
de la poésie.
La poésie est de ce point de vue une création d’objets verbaux, un langage
dans le langage avec ses règles de versification bien précises.
Là où le roman est libéré
des contraintes formelles, la poésie s’impose une méthode rigoureuse.
Mais là où l’art
poétique évoque sans honte le sentiment profond du poète, le romancier peut, s’il en fait
le choix, se cacher derrière son récit ou ses personnages.
La poésie est capable d’exposer.
»
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