Le Dernier Jour d'un condamné: « Maintenant, je suis captif » (l.15) - Hugo
Publié le 19/12/2021
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«
[Introduction]
Le Dernier Jour d'un condamné relate l'expérience extraordinaire de
celui qui sait sa mort proche et exprime dans son journal ce qu'il
ressent.
Le passage que nous allons étudier montre bien le caractère
personnel de l'écriture du journal, la puissance des regrets qui
assaillent son auteur et le double enfermement qui le retient
prisonnier corps et âme.
[Un journal]
Le texte présente l'aspect d'un journal très personnel.
Entièrement
écrit à la première personne, il utilise le présent, temps de
renonciation : « Maintenant, je suis captif » (l.15), ou l'imparfait du souvenir : « j'étais un
homme comme un autre homme » (1.6).
De plus, les souvenirs qu'il évoque dans cette
énonciation du temps passé sont précis et chargés d'une valeur sentimentale : « des jeunes
filles et puis de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers ».
L'une
des particularités de ce journal tient à la situation dans laquelle il est écrit ; il s'inscrit, en
effet, dans un moment fatidique : entre l'annonce d'une mort inéluctable et son exécution.
C'est pourquoi le temps est si important : « années », « semaines », « jour », « heure »,
« minute ».
De même, le début du texte, après le rappel de la condamnation qui menace,
souligne l'aspect de bilan que prend le texte : « Voilà cinq semaines que...
» (1.2).
La
solitude est également une circonstance favorable à ce retour sur soi, et elle apparaît dès
le début du texte aussi : « toujours seul ».
Le narrateur n'a donc plus qu'une compagne :
sa pensée.
C'est pourquoi l'écriture du texte mime naturellement le flux et le mouvement de sa
pensée.
Ainsi, le présentatif sert à embrayer le démarrage du souvenir : « C'étaient » (l.
10).
La phrase énumérative se construit au fur et à mesure du déroulement de la pensée
du narrateur (c'est d'ailleurs le verbe qu'il emploie à la ligne 8) : « des jeunes filles, de
splendides chapes d'évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de
lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges
bras des marronniers ».
On voit que les évocations se succèdent sans ordre logique et
peuvent même se répéter, comme le souligne l'expression « et puis encore » ; par ailleurs,
ces images sont volontairement empruntées à des domaines sans rapport les uns avec les
autres, si ce n'est par des effets d'antithèses : l'amour voisine avec la religion, la guerre
ou le spectacle.
L'auteur utilise donc la forme du journal dans le but de rendre la pensée
du condamné plus proche de la nôtre, plus accessible et plus prenante ; nous sommes pris
dans ses méandres.
[L'expression du regret]
Ce procédé met particulièrement l'accent sur l'un des aspects de cette pensée : la force du
souvenir et surtout du regret.
La première caractéristique du souvenir est son foisonnement.
En effet, son évocation
occupe tout le troisième paragraphe, qui débute par « Autrefois », et se poursuit à
l'imparfait.
Ce paragraphe central est le plus long du texte ; c'est un des premiers effets
d'amplification du souvenir.
Le deuxième pourrait être le champ lexical de l'abondance, qui
sert à caractériser le passé : des adjectifs ou locutions comme « riche », « plein de...
», «
sans fin », « inépuisables », « splendides », « larges », ou des adverbes comme « et puis
encore » ou « toujours ».
Le champ lexical de la fantaisie, et plus généralement de la fête
va dans le même sens : « fantaisies », « théâtres pleins de bruit et de lumière », « fête »
; il faut, par ailleurs, remarquer que presque tous les mots cités sont au pluriel.
Enfin, le
dernier procédé qui souligne la variété et la richesse du souvenir est la forme et le rythme
des phrases ; on doit se rappeler la longue phrase énumérative centrale des lignes 10-13.
Mais on peut remarquer aussi que presque chaque phrase adopte un rythme binaire ou
ternaire : « Chaque jour, chaque heure, chaque minute », ou « sans ordre et sans fin » (l.
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