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La Troisième République par Georges DupeuxProfesseur à l'Université de Bordeaux III Un régime né des circonstances et imposé à la France provinciale par unepoignée de Parisiens, telle apparaît à l'automne de 1870 une république quel'on n'ose pas encore dire Troisième.

Publié le 23/05/2020

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : La Troisième République par Georges DupeuxProfesseur à l'Université de Bordeaux III Un régime né des circonstances et imposé à la France provinciale par unepoignée de Parisiens, telle apparaît à l'automne de 1870 une république quel'on n'ose pas encore dire Troisième. Ce document contient 2788 mots soit 6 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Culture générale.

« La Troisième République Tout d'abord, dans l'esprit public, et malgré les manifestations tapageuses de l'antimilitarisme, un renouveau nationaliste, favorisé par l'aggravation de la situation extérieure, très sensible au moment des “ alertes ” de Tanger (1905) et d'Agadir (1911).

Alors qu'au temps de l'affaire Dreyfus un Zola, un Anatole France, certains philosophes intellectualistes et rationalistes dominaient de haut les courants de pensée, de nouveaux noms s'étaient imposés depuis le début du siècle, ceux de Barrès, de Maurras, de Péguy, de Claudel, qui inspiraient un mouvement de restauration des valeurs nationales et traditionnelles.

Ce renouveau nationaliste se manifeste par le regain de faveur, auprès de l'opinion, d'un programme et d'un vocabulaire patriotiques jugés, quelques années plus tôt, démodés.

Il fait appel à la fierté nationale, au respect de l'armée et de l'ordre établi, à la conscience de la menace étrangère.

Dans le domaine politique, il ne paraît pas devoir modifier sensiblement l'équilibre des forces, tout au moins avant 1914 ; mais il permet de comprendre le ralliement si extraordinaire et si brutal, en août 1914, des plus purs internationalistes à l'Union sacrée, ralliement symbolisé par l'entrée des socialistes Marcel Sembat et Jules Guesde au gouvernement d'Union nationale de Viviani. Le renouveau nationaliste favorisa la carrière d'une nouvelle génération d'hommes politiques, considérés comme fermement républicains pour avoir donné des gages à l'anticléricalisme ou au dreyfusisme, mais dégagés des platitudes et des routines de la tradition de gauche ; un Louis Barthou et surtout un Raymond Poincaré en furent les chefs de file.

Sous leur influence, les oppositions irréconciliables entre les extrêmes tendirent à s'atténuer, mais ils s'efforcèrent surtout de préparer à la Chambre une conjonction des centres qui put pratiquer une politique positive peu éloignée, finalement, de celle qu'avaient imaginée un Gambetta ou un Ferry. Cette politique aurait pu bénéficier de la prospérité économique que connaissait la France depuis les premières années du XXe siècle.

Prospérité coupée, bien entendu, de crises cycliques beaucoup moins sensibles cependant qu'à l'étranger.

Le mouvement de fond, au contraire, entraîne en une hausse rapide prix, salaires et profits.

L'époque est bénéfique pour les grandes affaires et les grands entrepreneurs, industriels et banquiers.

Elle favorise aussi le développement d'une classe moyenne qui s'affranchit peu à peu de la médiocrité et se trouve prête à appuyer les catégories dominantes de la bourgeoisie.

Certes, le bourgeois reste prudent dans la gestion de ses affaires et il choisit plus volontiers les placements de “ père de famille ” que l'aventure des investissements dans les secteurs de pointe de l'économie.

La France n'en est pas moins une grande pourvoyeuse de crédits pour des régions entières, spécialement l'Europe centrale, balkanique et orientale.

Comme le disait Briand dans son fameux discours de Périgueux (1909), “ l'or de notre pays ruisselle sur le monde entier et si l'on peut exprimer une inquiétude, ou un regret, c'est qu'il n'en reste pas assez dans le pays lui-même ”.

La monnaie française est, avec la britannique, la plus forte du monde, et le contribuable français, peu touché, en l'absence de tout impôt direct sur le revenu, dans ses facultés contributives, constate avec satisfaction que le budget est généralement en équilibre et même fortement excédentaire en 1911, 1912 et 1913.

Les français patriotes sont fiers, aussi, de leur armée.

C'est une armée formée essentiellement de paysans recrutés par le système du service obligatoire universel et commandée par des officiers de carrière souvent issus de l'aristocratie ; l'armement est moderne, le système des fortifications à l'Est remarquable et l'état d'esprit excellent.

Mais on ne voit pas que les ressources économiques seraient insuffisantes pour soutenir une guerre longue.

Il est vrai qu'il n'est personne, ou presque, pour imaginer qu'une guerre moderne puisse durer plus de quelques semaines. Mais, plus que du prestige des armes, la France jouit, en cette période de la Belle Époque, du prestige d'une culture qu'elle estime incomparable. Culture qui n'atteint, en vérité, que des milieux restreints, ceux de la haute bourgeoisie et des professions libérales d'une part, ceux de Paris d'autre part.

La capitale monopolise, en effet, les institutions du haut enseignement, Sorbonne, Collège de France, Muséum, grandes écoles, et de la haute culture, musées, académies, théâtres subventionnés, sans parler des salons mondains où les “ femmes à la mode ” réunissent écrivains, poètes, artistes, musiciens.

Mais elle offre aussi aux non-conformistes ses cafés du quartier Latin et de Montmartre, ses théâtres d'avant-garde, ses cabarets, ses revues et cahiers plus ou moins confidentiels.

Cependant, Paris diffuse les valeurs culturelles de l'époque à travers l'ensemble du pays par la presse littéraire, les grandes revues, les tournées théâtrales, voire les spectacles de music-hall.

La province n'est pas le “ désert culturel ” qu'on a parfois dénoncé ; les métropoles provinciales ont leurs salons, leurs écrivains, leurs artistes, qui ne sont pas aussi conformistes qu'on a voulu le dire.

Mais l'attrait de Paris pour le jeune provincial reste irrésistible : l'exemple de François Mauriac, parmi tant d'autres, est révélateur. Les succès que réserve le grand public vont aux valeurs sûres.

En littérature, après la grande époque du naturalisme avec Zola, le roman d'analyse de Paul Bourget, d'Anatole France, de Maurice Barrès, le roman historique de Pierre Louÿs, le roman exotique de Pierre Loti ont les faveurs des lecteurs.

Le théâtre, naturaliste lui aussi avec Henry Becque, voit ensuite le triomphe d'Edmond Rostand, en même temps que le succès des comédies de Labiche, de Robert de Flers et de Courteline.

En poésie, les parnassiens, avec Sully Prudhomme et Heredia, sont lus par un vaste public, qui accueille aussi avec faveur les oeuvres de François Coppée.

Les musiciens appréciés se nomment Gounod et Massenet, tandis que l'académisme règne en peinture, avec Bonnat, Carolus-Duran et Bouguereau. Au contraire, seuls de petits cénacles apprécient Péguy, Huysmans ou Léon Bloy, la poésie de Baudelaire, de Moréas ou de Mallarmé, la sculpture de Rodin, la musique de Debussy.

C'est à un mur d'incompréhension que se heurtent les grands peintres de l'aventure impressionniste, tout comme ceux du “ néo-impressionnisme ”, de l'école de Cézanne, du fauvisme ou du cubisme.

Tous ces artistes, qui sont à l'origine de la peinture contemporaine, sont inconnus du grand public. Pourtant, le goût français s'élargit, un certain cosmopolitisme devient à la mode.

Sans parler de l'influence déjà ancienne de la philosophie allemande, les grands auteurs de la littérature russe, introduits à la fin du XIXe siècle, sont traduits et lus, même par le grand public, tandis que les amateurs de théâtre font un succès aux pièces d'Ibsen et de Strindberg.

Le snobisme aidant, les Ballets russes de Diaghilev font courir le Tout-Paris, qui admire le talent du danseur Nijinski mais aussi la nouveauté et la beauté des décors et des costumes. La culture française s'ouvre ainsi aux courants extérieurs.

Il n'en est que plus étrange de constater que la Troisième république, qui a su bâtir un immense empire colonial, n'a pas su y découvrir les apports culturels qu'il aurait pu fournir et que le monde blanc accueillera, mais seulement après la guerre, avec faveur.. »

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