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La Nuit de Mai. Extrait de Les Yeux d'Elsa

Publié le 02/12/2021

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Introduction :

Aragon, poète surréaliste qui vécut de 1897 à 1982 a participé aux deux guerres mondiales en tant que soldat et ceci le marqua particulièrement. "Les Yeux d’Elsa" est un recueil traitant de la guerre et de la résistance. Le texte suivant est le deuxième poème du recueil après « Les Yeux d’Elsa «, il appartient au premier groupement  intitulé "les nuits". C’est un texte allusif par rapport à celui de Musset, poète ayant vécu un siècle avant Aragon, qui écrivit un poème intitulé "Nuit de Mai" à la suite d’un gros chagrin d’amour. Ce dernier poème est un dialogue entre la muse et l’auteur, qui l’incite à écrire dans la dépression et la souffrance. Aragon nous fait par contre l’évocation d’une douleur consécutive non à une peine de cœur mais à la guerre. 

  Le poème est daté et situé géographiquement. 

"C’est 1940 et c’est la nuit de mai" 

mai 1940 correspond à l’époque de la capitulation et de la débâcle française. En effet, le régiment d’Aragon a été démobilisé et s’est retiré. 

De plus, quelques lieux sont évoqués : "sur les maisons d’Arras en proie aux chars", "ô revenants bleus de Vimy vingt ans après" 

Arras est le nom d’une bataille à laquelle Aragon a participé et "Vimy" est une ville du nord de la France. Le Nord est aussi évoqué par la phrase "voici la nécropole et voici la colline". En effet lors de la première guerre mondiale, et dans un but de rapidité et d’hygiène, des collines entières furent transformées en cimetière à la fin de la guerre. Or, la plupart des batailles de la première guerre mondiale eurent lieu dans le nord de la France. Aragon évoque donc bien ici cette région du pays.

 Dans ce poème sont aussi évoqués les combats et plus généralement ce qui est arrivé militairement. 

En effet, Aragon nous parle de bombardements, au vers 7 : "un aéro dit son rosaire", le mot "aéro" signifie ici un avion allemand, ce terme remplace le mot aéroplane. Et le "rosaire" est normalement employé pour désigner un chapelet, fait d’un grand nombre de petits grains successifs. Dans ce poème, le rosaire désigne symboliquement l’avion qui sème ses bombes sur la ville d’Ablain Saint-Nazaire. 

L’auteur nous décrit ensuite les conséquences de ces bombardements par une allitération [f] au vers 5  qui insiste sur le feu et ses dévastations : "un feu de ferme flambe au fond de ce désert".

Puis, au vers 11, le poète substitue  la fumée par la peur : "Des panaches de peur montent à l’horizon", Ceci confirme l’impression générale du poète. 

Ensuite, Aragon décrit un certain nombre de choses qui rappellent la guerre comme au vers 8 : "Une fusée au dessus d’Ablain Saint-Nazaire". A cette époque, et comme dans toutes les guerres, le couvre feu était de mise en période de guerre pour donner le minimum d’indices et de repères aux avions ennemis. Ceux-ci, pour s’assurer de leurs cibles, faisaient un premier passage et larguaient des fusées éclairantes, pour ensuite lancer les véritables bombes, et remplir l’objectif de mission. Le mot fusée en appelle donc à ce genre de manœuvres militaires. Mais le poète utilise aussi un certain sens d’humour noir dans le vers 26 avec "Ah c’est fini Repos..." car lorsqu’un soldat entend "repos", il peut sortir de la position du garde à vous. Or ici, les soldats sont sortis du garde à vous pour mourir. Ils sont donc dans un repos "éternel" et définitif, duquel ils ne pourront plus jamais revenir. 

Après qu’une bombe est explosée, il règne un silence morbide comme le montre le vers 6 : " Aux herbes des fossés s’accroupit le silence", en effet, la déflagration crée une onde de choc tellement bruyante que les oreilles humaines doivent se réhabituer à un niveau sonore moindre. Tout le temps mis pour cette adaptation est traduit par un silence total. De plus, rares sont ceux qui se précipitent immédiatement après l’explosion d’une bombe, car ils sont tétanisés de peur. Aragon transcrit donc ce silence dû à une cause militaire par l’expression ci-dessus.

 Aragon dresse un lien entre la deuxième guerre mondiale et la première par le vers 13 : "Interférences des deux guerres je vous vois «. Le poète a fait les deux guerres et il évoque comme paysage les nécropoles, avec ses souvenirs des défunts et les descriptions sommaires des morts comme au vers 17 avec l’expression "herbes sans couronne". Les  couronnes funéraires ne furent jamais mises. D’une, à cause du prix, de deux parce que la plupart des morts furent enterrés sans qu’on puisse les identifier auparavant. Ce qui explique aussi le vers 18 : "La terre un trou la date et le nom sans ci-gît". 

Ensuite, les liens continuent par l’expression au vers 28 : "D’un vrai calvaire à blanches croix et tapis vert". La vision symbolique est ici évidente : le blanc représente l’innocence, et le vert représente le tapis des jeux de hasard. Cette combinaison montre les interrogations d’Aragon : Pourquoi ceux-là sont-ils morts et pas d’autres ? Le hasard n’aurait-il pas emporté les plus innocents ? 

  L’auteur agit aussi par anticipation comme le montre le vers 16 : "Aux ombres d’aujourd’hui les ombres d’autrefois", il voit son régiment aux mêmes positions que ceux de la première guerre mondial : mort. A chaque guerre, c’est la même chose qui recommence, inlassablement, inexorablement. 

Mais Aragon n’a pas fini sa guerre, les vers 25 et 26 : "Panorama du souvenir Assez souffert 

Ah c’est fini...." montre que la guerre est fini pour les soldats, mais pour lui, tout commence, il va se battre maintenant en tant que résistant, et non plus en tant que membre de l’armée régulière.

II. LA FANTASTIQUE

Aragon nous place dans un univers totalement fantomatique dès le vers 1 : "Les spectres évitaient la route où j’ai passé", l’auteur évoque ici les civils qui fuient et l’expression "évitaient la route" signifient qu’en tant de guerre, la route est réservée aux véhicules militaires, donc les réfugiés se mettent sur les bords. Mais la phrase renferme le mot "spectre", et un peu plus loin, apparaît le mot "ombres", deux noms appartenant au champ lexical des fantômes. Il y a donc une identification avec les morts de la première guerre mondiale, en effet, l’évocation des vivants et des morts est identique, ce qui donne un univers à la limite du fantastique.

De plus, ce poème est présenté comme une vision comme le montre le vers 13: "Interférences des deux guerres je vous vois", Il a l’impression de voir son environnement en double, le passé et l’avenir immédiat. Effectivement il ajoute les deux périodes par un procédé d’adjonction au vers 15 : "Ici la nuit s’ajoute à la nuit orpheline", le mot "orpheline" renvoie à ceux qui sont au cimetière. La nuit de mai s’ajoute à la nuit orpheline.

Aragon s’adresse aux morts dans le vers 21 : "Ô revenants bleus de Vimy vingt ans après", il les ressuscite dans sa mémoire pour dialoguer avec eux, puisqu‘il les vouvoie et la couleur bleu renvoie à l’uniforme des soldats de 1918. Le fait de s’adresser aux morts renforce l’idée de fantômes comme le montre le vers 24 : "Où errez-vous Malendormis Malenterrés" 

Les soldats morts semblent ici revenus à la semi-vie, car les soldats qui se battent se trouvent dans les mêmes circonstances que ceux de 1918.

  La strophe 8 est une analogie entre les vivants et les morts : "Les vivants et les morts se ressemblent s’ils tremblent" / "Les vivants sont des morts qui dorment dans leurs lits"  Les mots vivants et morts sont ici placés en équivalence. 

"Cette nuit les vivants sont désensevelis"/ "Et les morts réveillés tremblent et leur ressemblent", les mots "morts" et "vivants" sont inversés. De plus, il y a un chiasme dans "tremblent et leur ressemblent", puisque le 1er mot renvoie au dernier, ce qui insiste sur les phénomènes d’échos et d’inversion. De plus, les vivants et les morts ont un point commun : ils tremblent ; les vivants de peur, les morts à cause des éclats d’obus et des bombardements qui font trembler le sol. Ils se rejoignent dans l’angoisse. 

"Désensevelis" est un mot inventé par Aragon pour appuyer le coté macabre et la vision sombre et noire : les bombes réveillent les morts.

 Son poème laisse place à un bourdonnement inexorable le verbe "harassent" du vers 10 renvoie à "Arras" au vers 12, les mêmes sons reviennent tout le temps comme  une boucle sans fin.

  Quand l’auteur pose une question oratoire au vers 19 : "Va-t-il falloir renaître à vos mythologies", il se rend compte qu’il va falloir passer par les mêmes souffrances pour devenir un héros de la nation, en sauvant la France. La mythologie est ici évoquée car le poète emploie le verbe "renaître" au lieu de "mourir". C’est le mythe de la renaissance après la mort.

Quand Aragon s’adresse aux revenants, ses phrases sont marquées de désespoir : même les morts ne sont pas en paix, il n’existe pas de repos éternel, c’est un hommage comme le montre le vers 26

"Qui de vous cria Non" 

=> A la fin de la première guerre, se déroula de grands procès, où l’on décida que cette guerre devaient être "la der des der". Or le temps n’aura pas donné raison à cette expression. Les militaires de la première guerre mondiale sont morts en définitive pour rien, puisque tout recommence, aux mêmes endroits, de la même façon, avec les horreurs et les bombardements. La leçon n’a donc servie à rien, c’est un échec, l’avenir serait-il un long passé...

  ...puis celle dont il s’adresse à Musset : 

Il tutoie Musset : "Où sont partis Musset ta Muse et tes hantises". Ce poète revêt une particularité pour Aragon, à un siècle d’intervalle, il évoque les vers d’un écrivain pour qui le mois de Mai revêt un symbole de désolation, en antithèse du printemps, saison des amours et de la joie, de la renaissance après l’hiver rude et parfois meurtrier. Aragon se rapproche donc de Musset par les circonstances qu’endosse le mois de Mai, mais aussi par la rime entre "hantise et cytise". Effectivement, le rapprochement se trouve dans le désespoir...

Conclusion

Ce poème est particulier car il n’est rien dit concernant Elsa. Le point commun entre ce poème et son recueil "Les Yeux d’Elsa", est dans le thème de la vision. La nuit de mai est un poème de solitude d’un soldat démobilisé. Il met aussi en scène le contrecoup de la débâcle, puis progressivement l’entrée dans la résistance. Ensuite, on peut s’interroger sur la référence à Musset. Aragon montre que le France est sa muse, et qu’on écrit mieux quand on souffre. D’ailleurs, la plupart des recueils fonctionnent ainsi.

Enfin, la partie "Les nuits" rassemblent 4 poèmes ayant dans leur titre "nuit". Or Musset a aussi écrit 4 poèmes ayant les mêmes caractéristiques. La différence se trouve dans le fait qu’Aragon donne une signification d’étapes d’engagement, bien situées géographiquement (nuit de Dunkerque...), alors que Musset localise ses poèmes dans le temps (nuit de mai, nuit de décembre...)

 

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