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l'époque.

Publié le 08/12/2021

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l'époque. Dès ses premiers articles, il ordonne par exemple l'expulsion des Juifs des Antilles et insiste ensuite sur
l'interdiction faite aux protestants de participer à ce commerce d'humains : il serait trop navrant que ces
réprouvés soient tentés de convertir les « Nègres » à leur hérésie. Pour autant, au milieu d'un amoncellement de
dispositions qui nous semblent complexes, il sait montrer sa vraie nature. Retenons l'article 44, il résume la
philosophie de l'ensemble. C'est donc Louis XIV lui-même qui parle. Écoutons sa parole très officielle, en 1685 :
« Déclarons les esclaves être [des] meubles. »
Ainsi fut aussi le Grand Siècle, tutoyant le sublime dans les vers de Racine, portant au plus haut le raffinement et la
civilisation sous les ors de Versailles, et capable, dans le même temps, de mettre des êtres humains au niveau des
fauteuils.
La traite des Noirs
La Traite, comme on l'appelle, n'est pas spécifique à la France. Elle concerne bien d'autres pays d'Europe que l'on
a cités, et elle est liée à toute l'histoire de la colonisation du Nouveau Monde. On la fait parfois remonter à
l'initiative malheureuse de Bartolomeo de Las Casas. On a parlé déjà de ce dominicain espagnol, bienfaiteur des
Indiens au xvie, protagoniste de la célèbre controverse de Valladolid. Pour protéger ses chers « indigènes », il
aurait eu l'idée de proposer qu'on fasse faire les travaux qui les tuaient peu à peu par des Africains, dont les
Portugais faisaient déjà commerce depuis un siècle ou deux. Ce serait donc au nom de l'humanité de ceux-ci que
l'on a déshumanisé ceux-là. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on rencontrera ce paradoxe dans
l'histoire. On dit que Las Casas s'est repenti de cette erreur funeste avant de mourir. Peu importe. L'idée n'était
pas si originale, un autre que lui l'aurait eue forcément. Tout le contexte, mental et surtout économique, poussait
à sa mise en place.
Les Indiens étaient peu adaptés aux nouvelles sources de profit qui se répandaient aux Amériques, la canne à
sucre, ou bientôt, dans les colonies anglaises, le coton. Un temps on fit appel à des Blancs misérables, les
engagés, qui, en échange du prix de la traversée, devaient aux propriétaires des années de travail harassant et
s'y soumettaient avec l'espoir de s'établir librement ensuite. Rares sont ceux qui y arrivaient. Rapidement, ils sont
remplacés par ces Noirs qui présentent, aux yeux des colons, de grands avantages : on les trouve robustes, on les
juge mieux capables de résister au soleil et, surtout, en exacerbant le traumatisme de la transplantation - non
seulement on exile des individus dans ces pays lointains qu'ils ne connaissent pas mais on prend soin aussi de
séparer les familles, d'isoler les gens de leurs proches, d'empêcher tout lien d'amitié, etc. -, on réussit à les briser
plus facilement pour les réduire à l'idéal de ce que l'on veut en faire : des bêtes de somme.
Dès le xvie siècle se met en place un système appelé le « commerce triangulaire », parce qu'il se joue en trois
temps. Les bateaux partent de Lisbonne, de Liverpool, de Nantes, de Bordeaux. Chargés de leur monnaie
d'échange, de la verroterie, des tissus, des armes, ils font du cabotage sur les côtes de l'Afrique pour acheter leur
cargaison humaine à de riches marchands locaux, qui ont eux-mêmes raflé, ou fait rafler, leur marchandise de plus
en plus profondément au coeur du continent et qui l'entassent dans des conditions épouvantables. Cette première
phase peut durer des mois, c'est la plus atroce : les équipages sont d'une brutalité renforcée par la nervosité et la
peur, les tentatives de fuite ou de révolte sont fréquentes tant que les côtes sont en vue. Les suicides aussi sont
courants. Puis vient « le grand passage », c'est-à-dire la traversée, enchaînés à fond de cale - un mort sur dix, on
l'a dit. Après un petit temps de repos près du port d'arrivée pour redonner à la marchandise une forme humaine
qui permettra de la vendre plus cher, les bateaux finissent le triangle : ils repartent vers leur port de départ les
flancs chargés de coton, de tabac, de cannes, toutes ces richesses accumulées grâce au travail d'autres esclaves.
Ce système permet à des familles d'armateurs ou de colons de se constituer des fortunes immenses. Il fait la
prospérité de nombreuses villes européennes et le malheur des millions d'êtres qui en furent victimes. Sitôt
débarqué, le captif est envoyé au marché. Contrairement à ce qui se fait en Virginie, aux Antilles françaises -
Martinique, Guadeloupe, et surtout Saint-Domingue, perle des colonies -, l'esclave est vendu nu. Pourquoi se
soucierait-on des pudeurs du bétail ? Puis il ou elle rejoint son maître et sa plantation où il se tuera à petit feu à
des travaux harassants, la coupe de la canne, le fonctionnement des chaufferies où l'on fait le sucre ou le rhum,
avec un seul jour à lui pour cultiver son minuscule lopin de terre qui permet au maître de le nourrir moins le reste
de la semaine. Et avec ça, le fouet, les coups et la survie dans un monde qui a organisé sa propre paranoïa. Les
planteurs et les Blancs en général sont une infime minorité par rapport à l'immense masse des esclaves qu'ils ont
eux-mêmes fait venir. Ils vivent dans la hantise constante de la révolte ou des fuites et tentent de la conjurer dans
un mélange toujours renouvelé de sadisme et d'ingéniosité. Dans l'excellente petite synthèse qu'il a consacré au
sujet2, l'historien Jean Meyer énumère quelques-unes des inventions essayées par les maîtres sur leurs
« meubles » récalcitrants : le cachot, les fers, les mutilations bien sûr, mais aussi d'étranges couronnes de fer
garnies de hautes cornes que des malheureux étaient condamnés à porter en permanence pour les empêcher de
se cacher dans la broussaille.

Cette sombre histoire se met en place aux Antilles dans la première moitié du xviie siècle. Elle cesse en 1848. Elle
aura donc duré deux siècles. On ne peut, dans ce livre, tourner la page sur cette immense tache sur notre mémoire
sans évoquer les quelques réflexions qu'elle suscite.
L'esclavage, plaie universelle
L'esclavage n'est pas une spécialité réservée par l'Europe occidentale au Nouveau Monde qu'elle venait de
conquérir. La plupart des sociétés humaines en ont fait usage. L'Afrique le connaissait bien avant l'arrivée du
premier Blanc. La Bible ne s'en émeut guère, bien au contraire elle le codifie. Grèce, Rome, pour ne parler que des
mondes dont nous nous sentons les héritiers, ont dû leur prospérité au travail servile. Comme on l'a mentionné
déjà, et malgré ce que l'on a pu croire, il a survécu sous cette forme tout droit venue de l'Antiquité pendant très
longtemps. En Italie, durant la Renaissance, la plupart des grandes familles, comme leurs ancêtres romains,
possèdent des esclaves - souvent blancs, d'ailleurs. Dans Une histoire de l'esclavage3, Christian
Delacampagne rapporte que le dernier acte d'affranchissement d'un individu dans ce qui est aujourd'hui la France
a été trouvé dans le Roussillon et date de 1612. Pourtant, depuis un noble édit de Louis X le Hutin, le royaume se
targuait de rendre sa liberté à tous les asservis qui y poseraient le pied. C'est ce qui explique en partie, notons-le
par parenthèse, pourquoi les Noirs furent si rares dans l'Hexagone durant l'Ancien Régime : les négociants ne
voulaient pas être contraints si bêtement d'avoir à les relâcher.
Le monde musulman fut, lui aussi, un énorme consommateur d'esclaves. On a parlé de l'infâme trafic qui ravagea
l'Ouest de l'Afrique. Pendant près de mille ans, les marchands arabes s'entendirent à en saigner la moitié est. Les
routes passent par Zanzibar, où les bateaux viennent chercher les cargaisons qui iront alimenter les marchés des
grands ports de la péninsule Arabique, ou coupent à travers le Sahara pour remonter jusqu'au Caire, ou au
Maghreb. Olivier Pétré-Grenouilleau donne des descriptions de cette « traite transsaharienne » dont l'horreur n'a
rien à envier à sa jumelle transatlantique : 3 000 kilomètres à pied, en longue caravane, avec un peu d'eau et une
poignée de maïs pour seul viatique.
Il existe aussi, dans l'islam, de très nombreux esclaves blancs. On ne peut oublier la terreur que causèrent durant
trois siècles (xvie, xviie et xviiie) les raids lancés par les « Barbaresques », comme on les appelait, ces pirates
partis des régences ottomanes de Tunis ou d'Alger pour rafler tous les malheureux qui avaient le tort de se trouver
sur les côtes européennes de la Méditerranée. Un historien américain, Robert Davis4, estime à un million le
nombre de victimes de ces razzias, que l'on vendait aux locaux ou que l'on envoyait pourrir dans d'anciens
établissements de bains - qui nous ont laissé leur nom de bagnes - en attendant leur hypothétique rachat par
leurs familles européennes ou par des confréries chrétiennes entièrement dévolues à cette tâche.
L'Empire ottoman avait même systématisé le recours à l'esclavage de chrétiens pour en faire la base de son
administration. Tous les ans, selon une pratique appelée le devchirme (la récolte, en turc), des soldats
envoyés par le sultan parcouraient les villages chrétiens de l'Empire - par exemple les Balkans, ou encore le
pourtour de la mer Noire - pour enlever ou, au mieux, acheter les enfants qui leur semblaient les plus beaux.
Amenés à Istanbul, convertis, éduqués, ils étaient destinés à former l'armée d'élite du souverain : les janissaires. Le
principe était brutal et simple : en coupant les enfants de leur religion et de leur famille, on était sûr d'en faire des
serviteurs d'une loyauté absolue. Tout leur était permis alors, et on en a vu qui montèrent très haut. De nombreux
grands vizirs, les Premiers ministres de l'empire, étaient d'anciens esclaves. Par un procédé similaire à celui des
janissaires, l'Égypte avait ses mamelouks. Ils régnèrent sur le pays pendant des siècles, jusqu'à leur défaite devant
les armées de Bonaparte, à la fin du xviiie. Des esclaves dirigeant un pays, ou devenus les plus proches conseillers
du monarque, toutes choses impensables en Occident à pareille époque. Cela n'enlève rien à l'immoralité du
système, ni à sa cruauté : le traumatisme d'un enfant de douze ans enlevé par des soldats turcs dans les
montagnes serbes ou géorgiennes ne devait pas être moindre que celui de son lointain petit frère, arraché par des
marchands à son village d'Afrique. Simplement le petit Africain pouvait être sûr d'une chose dès cet instant fatal :
lui ne deviendrait jamais le premier conseiller du roi de France ou d'Angleterre, et ce, pour une raison simple :
aucun Noir ne le fut jamais.
Voilà le point où nous voulions venir. Il ne faut pas faire de l'esclavage un mal propre à l'Occident de l'époque
moderne. Il faut se souvenir des caractéristiques qui sont les siennes, et particulièrement le racisme qui en fut le
fondement. Il donne au système une dimension spécifique. Il ne s'agit pas d'entrer ici dans une dichotomie stupide
qui ferait de tous les Blancs des salauds éternels, et des Noirs pris dans leur ensemble des martyrs par essence.
Bien des Blancs, on en parlera bientôt, luttèrent ardemment contre l'horreur servile. Et l'immense majorité des
victimes de la traite furent vendues par d'autres Noirs, les roitelets et les marchands installés sur la côte qui
tirèrent de ce commerce des profits immenses. Les faits sont là, néanmoins : aux Antilles, à la Réunion, à l'île
Maurice (pour ce qui concerne la France), l'histoire de l'esclavage fut l'histoire d'un écrasement des Noirs par les
Blancs, de la domination d'une couleur de peau sur un autre, et, comme dans tous les systèmes économiques, il
fut servi par une idéologie construite peu à peu pour le justifier. Parce que les Blancs avaient besoin par intérêt

d'asservir les Noirs, ils bâtirent un ensemble de justifications anthropologiques - ces sauvages ne sont-ils pas des
sous-humains ? - ou théologiques - le noir n'est-il pas la couleur de l'enfer ? - qui inoculaient dans les esprits un
poison durable. Des générations après la fin de l'esclavage, l'actualité le prouve sans cesse, il faut lutter encore
pour s'en débarrasser.
L'interminable combat vers l'abolition
Certains intellectuels, lassés de ce qui leur semble une culpabilisation outrée de l'Occident, aiment à noter un
autre fait : si les sociétés européennes pratiquèrent longtemps l'esclavage, elles furent aussi les premières à
l'abolir. C'est une réalité indéniable. Toutes les autres sociétés qui ont connu l'esclavage s'en sont accommodé et
elles ont fini par accepter d'y mettre un terme, parfois très tardivement, sous la pression de l'Occident. Acceptons
ce fait. Apportons-y aussi quelques nuances. L'abolition est venue, c'est vrai, mais fort tard. Pendant très
longtemps, ce qui frappe surtout, c'est l'indifférence avec laquelle est considéré le sujet. Les seuls à élever la voix
au moment de l'adoption du Code noir, ce sont les colons : ils protestent contre ce qui leur paraît être une
manifestation inutile de la bureaucratie. Un « code » pour gérer leurs Nègres, et quoi encore ? Qu'on les laisse
s'occuper de leurs biens tranquilles !
Quelques décennies plus tard, les Lumières brillent surtout par leur absence. Dans Candide, Voltaire montre
qu'il n'est pas insensible à la question : on cite souvent la rencontre entre le héros, en voyage aux Indes, et le
pauvre Nègre du Surinam à qui son maître a coupé une main et une jambe. Il désigne son corps mutilé en disant :
« C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. » Comme d'autres de sa génération, Voltaire est ému des
conditions de brutalité dans lesquelles l'esclavage s'exerce, mais ne voit rien à redire au système lui-même. Il faut
attendre la fin du xviiie siècle et la veille de la Révolution pour qu'enfin il soit remis en cause par quelques nobles
esprits, l'abbé Raynal, l'abbé Grégoire, l'écrivain Bernardin de Saint-Pierre ou le philosophe Condorcet, qui
participent à la « Société des amis des Noirs ». Et le grand mouvement abolitionniste qui réussira dans un premier
temps à interdire la traite, puis l'esclavage lui-même, ne vient pas de France mais d'Angleterre, où il est promu
avec ferveur par les quakers.
Ensuite, l'abolition ne fut pas qu'une affaire d'intellectuels blancs. Les esclaves eux-mêmes joueront un grand rôle
dans la lutte pour leur affranchissement. On l'a dit, les révoltes ne sont pas si fréquentes, car le système coercitif
mis en place pendant des siècles, basé sur la terreur et l'anéantissement des individus, est redoutablement
efficace. Il peut être mis en défaut. En 1791, 50 000 des 500 000 esclaves que compte Saint-Domingue, le joyau des
colonies d'outre-mer françaises, lancent la bataille. Ils sont bientôt si puissants, sous la bannière du grand chef
Toussaint Louverture, qu'en 1793, le représentant sur place de la République française décrète leur émancipation.
Et c'est sur proposition des envoyés spéciaux de ce mouvement à la Convention (dont l'ancien esclave JeanBaptiste Belley, le premier député noir français) que la République vote en 1794 la première abolition totale et fait
citoyens tous les habitants des îles, sans distinction de couleur.
Hélas, ce qui a été arraché par les Noirs est vite repris par les Blancs. En 1802, Bonaparte rétablit l'esclavage. Je
sais, les défenseurs de l'Empereur trouveront la phrase inexacte, et argueront que les choses sont plus complexes :
après avoir signé la paix avec les Anglais, le Premier Consul se contente, dans les possessions qu'il récupère,
comme la Martinique, d'avaliser une situation existante. Les colons n'y avaient jamais voulu abandonner
l'esclavage. Notons tout de même ces détails : quand il s'agit d'une position défendue par les planteurs, Napoléon
leur donne raison. Quand en même temps à Saint-Domingue la révolte d'anciens esclaves continue, il envoie la
troupe - un de ses plus grands désastres militaires, d'ailleurs, qui aboutira à l'indépendance d'une partie de l'île et
à la création de la république d'Haïti. Toujours est-il que, grâce à cette loi de Bonaparte, il faut attendre encore
quarante-six ans et 1848 pour qu'on en ait enfin fini avec l'esclavage en France. On voit à quel point notre pays
tenait à l'abolition : il a fallu s'y reprendre à deux fois pour la rendre effective.
Comment on justifiait l'esclavage
Oublions maintenant l'abolition, et reprenons enfin l'histoire par son début. Que l'on ait décidé, en 1848, d'en finir
avec un système qui nous semble aujourd'hui l'exact opposé de l'idée même d'humanité, cela nous paraît la
moindre des choses. Comment a-t-on fait, durant les trois siècles qui ont précédé, pour le justifier ? On pose
rarement la question ; c'est dommage, ce n'est pas la moins intéressante. La grande justification se compte surtout
en bénéfices sonnants et trébuchants, c'est entendu. Ils sont immenses. Certains économistes en arrivent à
calculer que toute la révolution industrielle qui a fait décoller l'Occident au xixe doit son succès à l'accumulation
du capital réalisée dans les siècles précédents grâce au profit tiré de la traite. Quoi qu'il en soit, au xixe, ce sont
presque toujours des arguments strictement économiques dont on se sert pour retarder l'abolition : bien sûr, dit
candidement le lobby des planteurs, il faut mettre un terme à l'esclavage, c'est une nécessité morale, mais il faut
attendre un peu avant d'y arriver car le coût de la mesure serait trop dur et ruinerait notre économie. Le chantage
est connu, on l'entend encore pour barrer la route à toutes les réformes sociales.

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