Jean Lacouture, «Le journaliste et sa conscience», dans Le Courrier de l Unesco, septembre 1990.
Publié le 29/06/2020
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« Le débat que le journaliste mène avec sa conscience est âpre, et multiple, d'autant plus que son métier est plus flou, et doté de moins de règles, et pourvu d'une déontologie plusflottante que beaucoup d'autres... 5 Les médecins connaissent certes, et depuis l'évolution des connaissances et des lois, de cruelles incertitudes - dont mille enquêtes, témoignages et débats ne cessent de rendre compte. Les avocats ne sont guère en reste, ni les chercheurs et leurs manipulations biologiques ou leurs armes absolues, ni les 10 utilisateurs militaires de ces engins. Mais enfin, les uns et les autres ont leur serment d'Hippocrate <2>, leur barreau, leurs conventions de Genève. Les journalistes, rien. Il n'est pas absurde de comparer leur condition à celle d'un missile téléguidé qui ignorerait aussi bien la nature de la mission que 15 l'orientation du pilote et qui serait programmé de telle façon qu'il ne soit pointé ni en direction de la terre, pour éviter les accidents, ni en direction de la mer, pour prévenir la pollution. À partir de ces données, le journaliste est un être libre et responsable, auquel il ne reste qu'àfaire pour le mieux en vue d'éclairer ses contemporains 20 sans pour autant faire exploser les mille soleils d'Hiroshima. En apparence, l'objectif est clair, autant que le serment d'Hippocrate : dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, comme le témoin devant le tribunal. Mais à ce témoin, le président du jury ne demande que la vérité qui lui a été humainement 25 perceptible, Celle qu'il a pu appréhender en un certain lieu, à une certaine heure, relativement à certaines personnes. Au journaliste est demandée une vérité plus ample, complexe, démultipliée. En rentrant de déportation, Léon Blum, qui avait été longtemps journaliste, déclarait devant ses camarades qu'il savait désormais 30 que la règle d'or de ce métier n'était pas « de ne dire que la vérité, ce qui est simple, mais de dire toute la vérité, ce qui est bien plus difficile». Bien. Mais qu'est-ce que « toute la vérité», dans la mesure d'ailleurs où il est possible de définir « rien que la vérité »? (...)L 'intenogation du j ournaliste ne porte pas seulement sur la part de vérité qui lui est accessible, mais aussi sur les méthodes pour y parvenir, et sur la divulgation qui peut être faite. Le journalisme dit d' « investigation » est à l'ordre du jour. Il est entendu aujourd'hui que tous les coups sont permis. Le traitement par deux grands journalistes du Washington Post de l'affaire du Watergate a donné ses lettres de noblesse à un type d'enquête comparable à celle que pratiquent la police et les services spéciaux à l'encontre des terroristes ou des trafiquants de drogue. S'insurger contre ce modèle ou le mettre en question, ne peut être le fait que d'un ancien combattant cacochyme (4), d'un reporter formé par les Petites soeurs des pauvres. L'idée queje me suis faite de ce métier me détourne d'un certain type de procédures, de certaines interpellations déguisées, et je suis de ceux qui pensent que le journalisme obéit à d'autres règles que la police et le contre-espionnage. Peut-être ai-je tort. Mais c'est la pratique de la rétention de l'information qui défie le plus rudement la conscience de l'informateur professionnel. Pour en avoir usé (et l'avoir reconnu ... ) à propos des guerres d'Algérie et du Vietnam, pour avoir cru pouvoir tracer une frontière entre le communicable et l'indicible, pour m'être érigé en gardien « d'intérêts supérieurs » à l'information, ceux de causes tenues pour « justes », je me suis attiré de rudes remontrances. Méritées, à coup sûr, surtout si elles émanaient de personnages n'ayant jamais pratiqué, à d'autres usages, de manipulations systématiques, et pudiquement dissimulées. La loi est claire : « rien que la vérité, toute la vérité », mais il faut la compléter par la devise que le New York Times arbore en manchette : « All the news that's to print », toutes les nouvelles dignes d'être imprimées. Ce qui exclut les indignes - c'est-à-dire toute une espèce de journalisme et, dans le plus noble, ce dont la divulgation porte indûment atteinte à la vie ou l'honorabilité de personnes humaines dont l'indignité n'a pas été établie. Connaissant ces règles, le journaliste constatera que son problème majeur n'a pas trait à l'acquisition mais à la diffusion de sa part de vérité, dans ce rapport à établir entre ce qu'il ingurgite de la meilleure foi du monde, où abondent les scories et les faux-semblants, et ce qu'il régurgite. La frontière, entre les deux, est insaisissable, et mouvante. Le filtre, de cecià cela, est sa conscience seule. Jean Lacouture, «Le journaliste et sa conscience», dans Le Courrier de l Unesco, septembre 1990. ...»
«
ÉPREUVE
4
Amiens, Lille, Rouen,
Créteil-Paris- Versailles Juin
1991
TEXTE Le débat que le journaliste mène avec sa conscience est âpre, et
multiple, d'autant plus que son métier est plus flou, et doté de
moins de règles, et pourvu d'une déontologie 0
> plus flottante que
beaucoup d'autres ...
5 Les médecins connaissent certes, et depuis l'évolution des con
naissances et des lois, de cruelles incertitudes -dont mille
enquêtes, témoignages et débats ne cessent de rendre compte.
Les
avocats ne sont guère en reste, ni les chercheurs et leurs
manipulations biologiques ou leurs armes absolues, ni les
10 utilisateurs militaires de ces engi ns.
Mais enfin, les uns et les
autres ont leur serment d'Hippocrate , leur barreau, leurs con
ventions de Genève.
Les journalistes, rien.
Il n'est pas absurde de comparer leur condition à celle d'un missile
téléguidé qui ignorerait aussi bien la nature de la mission que
15 l'orientation du pilote et qui serait programmé de telle façon qu'il
ne soit pointé ni en direction de la terre, pour éviter les accidents,
ni en direction de la mer, pour prévenir la pollution.
À partir de ces
données, le journaliste est un être libre et responsable, auquel il ne
reste qu'à faire pour le mieux en vue d'éclairer ses contemporains
20 sans pour autant faire exploser les mille soleils d'Hiroshima.
En apparence, l'objectif est clair, autant que le serment
d'Hippocrate : dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité,
comme le témoin devant le tribunal.
Mais à ce témoin, le président
du jury ne demande que la vérité qui lui a été humainement
25 perceptible, celle qu'il a pu appréhender en un certain lieu, à une
certaine heure, relativement à certaines personnes.
Au jo�&@;QU/
est demandée une vérité plus ample, complexe, démultipliée.
En rentrant de déportation, Léon Blum.
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