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« J'ai lu en Tite-Live cent choses que tel n'y a pas lues. Plutarque en a lu cent autres, outre ce que j'ai su y lire et, à l'aventure, outre ce que l'auteur y avait mis ». En vous fondant sur vos lectures, vous commenterez et discuterez cette citation.

Publié le 02/12/2021

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : « J'ai lu en Tite-Live cent choses que tel n'y a pas lues. Plutarque en a lu cent autres, outre ce que j'ai su y lire et, à l'aventure, outre ce que l'auteur y avait mis ». En vous fondant sur vos lectures, vous commenterez et discuterez cette citation.. Ce document contient 1 mots soit pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format PDF sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en: Echange.


Introduction :

      L’œuvre de Montaigne naît des annotations en marge de ses lectures et constitue une sorte de lecture écrite, de critique en acte, notamment des auteurs de l’Antiquité, tant appréciés et consultés par les auteurs du XVIe siècle : par exemple Tite-Live, historien romain, et Plutarque, moraliste grec postérieur.

      La situation de Montaigne en tant que lecteur est donc capitale, et l’auteur des Essais prend sans doute la véritable dimension de son travail lorsqu’il affirme : « J’ai lu en Tite-Live cent choses que tel n’y a pas lues. Plutarque en a lu cent autres, outre ce que j’ai su y lire et, à l’aventure, outre ce que l’auteur y avait mis «. Cette phrase constate implicitement l’impossibilité d’une lecture objective qui dirait la signification absolue et intangible d’un texte. De manière plus large, Montaigne pose ici la question du rapport entre l’intention d’un auteur, son œuvre et l’interprétation des lecteurs qui se succèdent. Avec une certaine ironie, elle s’interroge notamment sur la créativité, la légitimité et finalement la liberté de la lecture.

 

  I.Lecture unique, lecture légitime ?

  a. Il faut d’abord faire état de la croyance de nombreux lecteurs à un sens unique des textes qu’ils lisent, ou au moins à un sens plus légitime que les autres. Ils le définissent souvent par les intentions de l’auteur (le message de l’auteur, ce que l’auteur y avait mis) ou par ce qu’en ont découvert des interprètes autorisés, en fonction par exemple d’une biographie chargée de révéler la vérité d’un auteur et de ses textes. Il y a là l’hypothèse rassurante d’une lecture objective et capable de survivre au temps.

  b. Mais on sait depuis Proust et le Contre Sainte-Beuve toute la vanité d’une telle prétention : l’auteur en tant qu’artiste ne se confond pas avec l’homme privé ou l’homme social qu’il est aussi. Cette instance extérieure ne dit pas grand chose du texte littéraire qu’il faut donc affronter en lui-même, dans les mots et les idées auxquels je suis moi-même sensible. Voir par exemple la place hésitante du biographique dans À la Recherche du temps perdu.

  c. Se développe alors toute une série de lectures différentes du même texte, en fonction de regards, de sensibilités, de théories critiques différentes. Certaines de ces théories, certains de ces regards peuvent nous sembler plus justes, plus pertinents que les autres, en fonction de leur nouveauté, de leur cohérence, des preuves qu’ils apportent dans un sens ou dans l’autre. Et, lorsqu’on décide d’adhérer à l’une ou à l’autre de ces lectures, pour des raisons diverses, on risque de tomber dans le dogmatisme dénoncé plus haut. Pensons par exemple aux multiples lectures proposées de l’œuvre de Racine : psychanalytique, biographique, historique, entre autres…

      Conclusion partielle : l’existence d’un message univoque dans un texte semble ainsi un leurre qui ne résiste pas à l’expérience des lectures multiples de différents lecteurs, ou d’un même lecteur à des moments différents de sa vie. Reste à savoir jusqu’à quel point le lecteur est libre de découvrir un sens dans ses différentes lectures.

 

 II.Lecture libre, lecture plurielle :

  a. La tentation est alors d’imaginer le bon lecteur comme celui qui accumulerait les lectures différentes, qui compilerait les versions de Tite-Live par Plutarque, par Montaigne et par Michel Foucault, par exemple, ou par n’importe quel autre philosophe ou historien digne de foi ou d’intérêt. Mais, si l’on évite ainsi des choix pénibles si l’on se garde d’établir une hiérarchie de valeur parmi les lectures, on se perd alors dans un éclectisme, dans une diversité incohérente et le texte disparaît pour nous sous l’avalanche des interprétations possibles.

  b. Il faut donc avec Sartre, dans Qu’est-ce que la littérature ?, concevoir la lecture comme un acte libre par lequel je donne moi-même un sens à ce qui n’en aurait pas sans moi. On peut donc dire qu’il n’y a pas une lecture légitime de Tite-Live, de Racine, ou de Proust mais des lectures légitimes, qu’il appartient à chacun de savoir construire.

  c. La difficulté est dans ces conditions de concevoir une pratique de la lecture qui sache d’abord concilier l’initiative volontaire et la culture de lecteur qu’on a pu acquérir : la vérité de l’œuvre qui me sera ainsi accessible sera une vérité construite dont je me sentirai responsable et qui vaudra pour ma compréhension. Mais cette compréhension, deuxième point, ne saurait être un enfermement de l’œuvre que je dois continuer à imaginer ouverte et inépuisable, au-delà de ma compréhension. Une lecture intelligente de Racine permet alors de tenir compte des lectures antérieures, des opinions des spécialistes, mais elle ouvre en même temps la voie d’une interprétation personnelle.

 

Conclusion partielle : Le lecteur dispose donc d’une marge de manœuvre dans ce qui reste un acte essentiellement libre, mais parce que cet acte est libre, il doit également tenir compte de la liberté offerte aux autres lecteurs, et inviter à tenir compte de leur opinion. Se dessine ainsi le portrait d’un lecteur responsable.

 

  III.L’invention du lecteur :

  a. On a donc raison de voir dans la lecture une école de liberté, de cohérence et de tolérance : la vie d’une œuvre est faite des renouvellements qu’elle subit, des lectures différentes (historiquement ou individuellement) qui en sont faites et dont je peux tenir compte dans la lecture qui sera la mienne. Celle-ci est donc inventive et ouverte en deux sens : elle est accueillante aux interprétations du passé où cependant elle ne se dissout pas ; et elle existe d’autre part sans refuser les lectures postérieures de la même œuvre, ou même les lectures de la lecture qu’elle constitue : d’un côté Plutarque, de l’autre Pascal, par exemple, lecteur de Montaigne lui-même lecteur de Tite-Live et de Plutarque.

  b. Mais si l’œuvre est ainsi découverte et inventée dans une évolution perpétuelle, elle est aussi le lieu de l’invention du lecteur qui se trouve lui-même et se construit dans sa lecture. S’appropriant de l’œuvre, il est aussi à même de s’en affranchir et d’exister pour lui, dans une sorte de dialogue. Ainsi Montaigne n’est pas seulement le lecteur des auteurs Anciens, il est aussi lui-même, construisant son œuvre personnelle, interprétant ou même trahissant ces auteurs. Dans cette mesure, un contresens ou un faux sens peuvent avoir des effets productifs (Nietzsche lecteur de Rousseau), de même que les réinterprétations ou les relectures (Racine ou Giraudoux lecteur des mêmes tragédies antiques).

  c. On peut donc affirmer le lien entre la lecture et l’écriture, entre le goût des œuvres esthétiques et l’acte esthétique, lors même qu’il est refus ou rébellion : on apprend plus à peindre dans les musées que devant le motif, on apprend plus à écrire dans les livres que dans la vie. Un exemple possible est le genre autobiographique lui-même, de Montaigne à Gide, en passant par Rousseau ou Chateaubriand, chacun de ces auteurs a réinventé le genre autobiographique en transgressant, défiant le modèle de son prédécesseur.

 

Conclusion partielle : La lecture devient ainsi non seulement un acte passif, mais le lieu de la construction de l’identité du lecteur, qui participe ainsi à une expérience esthétique fondamentale, où il devient part active du processus de création.

 

Conclusion :

La lecture n’est donc pas la réception passive d’un sens préexistant, mais la construction d’un sens qui nous sera propre tout en ne pouvant prétendre être le seul. En ce sens, c’est en lisant activement un livre que je me constitue tout en constituant le livre, dans un acte qui n’est pas incohérent ou gratuit, mais libre. On peut donc affirmer pour finir le rôle essentiel de la lecture et de la critique dans tout le processus de la littérature ainsi que dans l’assimilation maîtrisée d’une culture personnelle qui est toujours connaissance et plaisir.

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