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issue.

Publié le 08/12/2021

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issue. Il se rua vers la fenêtre, mais comprit aussitôt qu'il n'y avait aucune fuite possible par là. Des voix
résonnèrent dans l'entrée.
-- Il était temps qu'on arrive, tu as vu le ciel ? L'orage va éclater.
-- Je vais voir si toutes les fenêtres sont fermées.
-- Avant, peux-tu déposer les affaires dans la panière à côté de la machine ? Moi, je prépare le
déjeuner. Thon mariné, salade, feta et sorbet mangue, ça te va ?
-- Génial !
Marion porta les sacs dans la buanderie. La pièce exiguë, encombrée par la table à repasser, la
machine à laver et les produits de ménage, restait dans la pénombre.
-- Jane, dit Marion assez fort pour se faire entendre, faudra changer l'ampoule, elle est morte.
La porte entrebâillée laissait passer suffisamment de jour pour repérer la panière. Adossé au mur,
caché derrière la porte, Eddy retenait son souffle. Marion lissa de la main ses cheveux encore humides
puis quitta la pièce. Eddy avait astucieusement dévissé l'ampoule, par sécurité. Dans l'obscurité, il
entendit les voix, bientôt couvertes par le brouhaha de la télévision.
Ça l'avait pris de court. Trop tôt pour assouvir ses fantasmes. Et pas le moment de traîner.
Comment allait-il se sortir de là ? Le tonnerre grondait au-dehors. Un craquement retentit, sec et violent,
la foudre avait dû tomber dans les parages. Des trombes d'eau s'abattaient sur le toit. Eddy promena la
lueur de son portable autour de lui. Il cherchait un objet dur, un vase, un pied de lampe, n'importe quoi
mais qui soit assez lourd. Comme il ne trouvait rien, il commença à perdre patience. À l'extérieur, l'averse
tambourinait sur les ardoises du toit et les panneaux de la verrière. L'odeur des détergents entreposés
dans ce réduit l'incommodait de plus en plus. Il ne pouvait pas s'éterniser ici. Sa main plongea dans une
boîte. Il tenait enfin la solution...
Plaquant son oreille sur la porte, il perçut des bruits de couverts. Elles étaient passées à table.
Depuis la cuisine, elles ne pourraient pas distinguer ses mouvements dans le couloir. Il ouvrit
délicatement la porte. Les perruches, énervées par l'orage, servaient ses plans.
Il y eut un brusque fracas dans l'appartement. Du verre brisé. Marion et Jane accoururent, affolées
par le vacarme, et constatèrent ahuries qu'une partie de la verrière, au-dessus du patio, avait volé en
éclats. Les bourrasques de vent s'engouffraient dans la petite cour, renversant des pots et saccageant la
clématite qui courait le long d'un mur. L'eau ruisselait de partout. Un désastre. Occupées à calfeutrer
comme elles pouvaient les fuites, posant partout des serpillières, Jane et Marion n'entendirent pas la
porte d'entrée claquer. Un marteau avait glissé sur le toit, et il partit se loger dans une gouttière.
Eddy courait dans la rue, comme les passants qui s'étaient fait surprendre par la pluie. Il s'en voulait
de son imprudence. À deux doigts de se faire pincer. Il avait perdu trop de temps à s'exciter, cette petite
pute le rendait fou. Une fois à l'abri dans sa voiture, il retira sa casquette, son blouson trempé et ses
gants, puis laissa échapper un bref ricanement. Son patron, lui, ne se serait pas mouillé pour récupérer le
matos. Une lopette, mais c'était lui qui donnait les ordres. C'était comme ça, ça l'avait toujours été. Ça ne
s'expliquait pas. Pas plus que ce qui le faisait bander, lui, quand il avait la fille dans le viseur.
Avant de mettre le moteur en marche, il plongea une main dans sa poche de pantalon. Il sentit sous
ses doigts la dentelle ajourée qui bordait le string. Ce serait désormais son fétiche, car l'heure viendrait,
inévitablement.
Mais, dans l'immédiat, il avait un autre plan en vue. Une femme qu'il pistait depuis trois mois, pas
facile à choper, mais il ne lâchait jamais prise. Autant repartir de ce côté-là, et qu'on en finisse.

23
Yvan avait consacré une partie de son dimanche à étudier les minces documents que son client
avait transmis à Christie's. À bord du vol AF 857, une hôtesse passa entre les rangées de fauteuils et
proposa un petit déjeuner. L'odeur du café et la vue des viennoiseries tentèrent Yvan. Il déplia sa
tablette. L'avion venait de quitter Paris. Dans une heure, il atterrirait à Bordeaux et, en fin de matinée, il
serait dans une villa du bassin d'Arcachon. Yvan n'avait pas prévu de dormir sur place, mais le travail qui
l'attendait ne lui permettrait pas de revenir à Paris dans la journée. L'hôtesse vint récupérer le plateau. Il
la remercia d'un clignement d'yeux avant de l'interroger sur la connexion WiFi. La compagnie faisait
payer le service, mais la ligne fonctionnait. Il ouvrit son ordinateur portable et consulta ses messages.
Rien de neuf, rien de Marion. Elle ne l'avait pas appelé avant son départ et ne lui avait envoyé aucun
texto.
Il commençait à s'agacer de ses silences, il l'aurait voulue disponible à tout moment. Ça aussi,
c'était un signe, et pas besoin d'être expert en cryptologie pour en déchiffrer le sens. Marion lui manquait,
sa vitalité, ses reparties, et même ses sautes d'humeur. Elle se montrait parfois imprévisible, happée par
un monde intérieur qu'il avait peine à deviner tant elle restait discrète sur cette question. Dès qu'il s'en
approchait, elle le repoussait gentiment, par un trait d'humour. Sa perspicacité l'étonnait encore. Avant de
l'associer à cette enquête, il avait consulté le dossier la concernant à la Sorbonne. Ce qu'il avait appris au
sujet de son parcours universitaire l'avait rassuré. Marion était une brillante étudiante, et elle était
devenue une partenaire plutôt qu'une assistante. Mais son attitude le déroutait parfois. Il la revoyait le
harcelant de questions, vibrante de curiosité, et fuyant les siennes dès que celles-ci portaient sur des
sujets sensibles. Il fallait admettre qu'il répugnait également à parler de lui. Sa vie affective évoquait à
présent au mieux un caisson de survie, au pire une centrifugeuse à souvenirs qui l'essorait jusqu'à l'os.
Que venait faire une gamine de vingt-deux ans dans cette histoire ? Il avait l'âge de ces types qui croient
arrêter la course du temps en couchant avec des nymphettes, et cette idée lui répugnait. Mais Marion
avait-elle un âge ? À la voir au volant de son bolide et dans ses baskets roses, oui. À la regarder
vraiment, à la surprendre dans ses pensées, non. Elle avait dû prendre d'un coup vingt ans d'avance sur
ses copines, ça se lisait au fond de ses yeux et dans ce rire fêlé qui sortait d'elle trop souvent. Et s'ils
s'étaient trouvés, tous les deux ?
Yvan referma l'ordinateur et plongea une main dans sa mallette pour en sortir un dossier. Karel Van
Zylstra. Il n'arrivait décidément pas à mémoriser ce nom. Ce septuagénaire résidait au Cap-Ferret depuis
une vingtaine d'années. C'était un entrepreneur hollandais qui avait fait fortune dans les composants
céramique. Au début des années 90, il avait revendu son affaire pour en monter une autre, tout aussi
rentable. Il construisait des coques pour des voiliers de régate. Sa nouvelle compagne, de vingt ans plus
jeune, le secondait pour la partie commerciale. Récemment, un souci de santé avait remis les pendules à
l'heure le concernant. Karel Van Zylstra se préoccupait de sa succession. La propriété qu'il occupait toute
l'année à la pointe du Cap-Ferret contenait de nombreux trésors, accumulés depuis des années.
Quelques-uns de ses ancêtres avaient fait partie des guildes marchandes d'Amsterdam. D'autres
s'étaient enrichis dans les plantations des Indes néerlandaises. Il avait hérité de tableaux et d'objets de
grande valeur qu'il avait tenu à conserver près de lui.
 
Une heure après son atterrissage à l'aéroport de Mérignac, Yvan prit une voiture de location pour
rejoindre le bassin. La route filait, toute droite, entre les pins. Il l'avait empruntée dix ans plus tôt, alors
que Lise attendait leur enfant. Il ralentit son allure, laissant pour une fois affleurer ses sentiments. L'onde
de chagrin l'envahirait bientôt, mais ce paysage étal, traversé de longues perspectives, lui rappelait les
grands espaces américains. Au loin s'ouvrait la promesse de l'océan. Un coupé Honda le dépassa à
grande vitesse et se rabattit brusquement devant lui avant de s'éloigner dans un rugissement perceptible
depuis l'habitacle. Yvan jeta un oeil vers le compteur, il se traînait à 70 kilomètres-heure sur une voie
autorisée à 110. Son client risquait de l'attendre, il accéléra à nouveau. La nostalgie, plus tard.
Après avoir suivi des sentiers sablonneux, bordés de villas ensevelies sous les glycines et les
bougainvilliers, il bifurqua dans une impasse qui le mena devant une grille sécurisée. Elle s'ouvrit
doucement devant lui, il la franchit au pas avant d'amorcer un raidillon et de venir se garer à côté d'une
Porsche et d'une antique Méhari. La vue était dominante. Il ne put s'empêcher d'admirer le miroir
scintillant des eaux qu'encadraient les ramures d'un cèdre et d'un pin de Virginie.
-- Je viens toujours chercher mes invités sur le parking. Ils contemplent le paysage et en oublient
de rentrer, lança le propriétaire des lieux.
-- Veuillez m'excuser. Bonjour, monsieur Van Zylstra.
-- Appelez-moi Karel, s'il vous plaît.
-- Ce point de vue est superbe.
-- Il l'est d'autant plus qu'il est appelé à disparaître, comme nous. Le Cap n'est qu'une langue de
sable formée par les courants marins. Voici trois siècles, ce paradis n'existait pas encore. Et dans trois
siècles, la mer l'aura de nouveau englouti. Je vous en prie, suivez-moi.
Si la maison respectait les canons architecturaux du Ferret, avec sa véranda de style colonial et ses

pignons en brique, l'intérieur détonnait par ses volumes et son mélange de styles. On y trouvait un
immense bric-à-brac, plutôt chaleureux mais atypique.
-- Comme vous pouvez le constater, je n'aime pas faire le tri. Je vis tel un pirate au milieu de ses
trésors. À la différence près que je n'ai jamais pillé de galions espagnols !
-- J'avoue que je ne m'attendais pas à trouver une telle variété de meubles au même endroit.
-- Prenez votre temps. Je ne sais pas trop ce que peuvent valoir ces objets. Ce sont des souvenirs
de famille, l'histoire de mes aïeux. J'ai besoin que vous estimiez précisément chaque pièce. J'ai quatre
filles, je ne veux pas que ma succession soit cause de fâcheries et de mésentente, comprenez-vous ?
Sur ces paroles, Karel Van Zylstra s'excusa auprès de son hôte, il avait à téléphoner. Yvan allait
pouvoir se mettre au travail. Le propriétaire des lieux avait pris grand soin des toiles et du mobilier. Le
désordre n'était qu'apparent, les conditions de conservation avaient été scrupuleusement respectées.
Yvan chaussa ses lunettes d'expert et entreprit de travailler. La moindre craquelure ou ciselure participait
de l'authentification des biens. Puis il passa plusieurs appels à des confrères pour conforter ses analyses
et poursuivit sa tâche. Il tomba alors sur un coffre de petite taille qui ne figurait pas dans l'inventaire et
n'avait pour autant pas été mis de côté. Il l'examina à son tour. Le système d'ouverture ne résista pas
longtemps. Ce coffre renfermait un objet qu'Yvan ne s'attendait certes pas à voir là. Il appela Karel.
-- Pouvez-vous me dire d'où vous tenez ceci ? lui demanda-t-il.
-- Oh... C'est le cadeau d'un ami chineur. Je ne savais pas que le coffre qui l'abrite se trouvait ici.
D'ordinaire, je le tiens rangé dans une vitrine.
-- Cette salamandre sculptée est l'emblème royal de François Ier, dit Yvan.
-- Oui, j'ai découvert plus tard qu'il y en avait de semblables au château de Fontainebleau. Mais il
ne s'agit là que d'une copie...
-- Je ne crois pas. Tout indique que vous possédez un original. Je peux faire établir une contreexpertise par un confrère, si vous le souhaitez.
-- Non, ce n'est pas utile.
-- Cela demanderait une semaine tout au plus.
-- Je vous remercie, mais je préfère n'y voir qu'un objet sentimental. Cet ami, hélas, nous a quittés
depuis cinq ans, et je tiens à garder cette salamandre avec moi. Peu m'importe sa valeur réelle.
-- Comme vous voudrez... N'hésitez pas à me solliciter si vous changez d'avis.
-- Mon ami est mort... Il aimait l'histoire et courait après des trésors cachés. Il m'a remis cette
salamandre trois semaines avant de disparaître. Un accident stupide.
Yvan s'inclina et reposa la salamandre dans son écrin. Karel lui parut si affecté par ce souvenir qu'il
n'osa pas lui demander dans quel genre d'accident son ami avait perdu la vie.

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