Databac

Ion Luca Caragiale

Publié le 09/12/2021

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Ion Luca Caragiale. Ce document contient 0 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
Né en 1852, dans les environs de Bucarest, Ion Luca Caragiale écrivit d'excellents contes et quelques pièces de théâtre qui " révolutionnèrent " le théâtre roumain, facile à révolutionner, puisqu'il n'existait pour ainsi dire pas. En fait, il le créa. Par la valeur de ses comédies de mœurs et de caractères, écrites, hélas ! dans une langue sans circulation mondiale, Caragiale est, probablement, le plus grand des auteurs dramatiques inconnus. Dégoûté par la société de son temps, ayant aggravé son dégoût dénigrant, dans toute son œuvre, avec violence et raison, talent et humour, Caragiale profita d'un héritage tardif pour s'expatrier à la fin de sa vie à Berlin où il mourut, en 1912, à soixante ans et cinq mois. Il avait refusé, en janvier de la même année, de revenir à Bucarest pour les quelques jours nécessaires à la célébration officielle de ses soixante ans et de sa carrière, car, à force d'avoir injurié ses compatriotes, ceux-ci avaient fini par l'admirer. Caragiale prit à parti, dans son œuvre, la bourgeoisie, l'administration, les politiciens : ses griefs étaient justes, naturellement.

« Ion Luca Caragiale Né en 1852, dans les environs de Bucarest, Ion Luca Caragiale écrivit d'excellents contes et quelques pièces de théâtre qui "révolutionnèrent " le théâtre roumain, facile à révolutionner, puisqu'il n'existait pour ainsi dire pas.

En fait, il le créa.

Par la valeur de sescomédies de mœurs et de caractères, écrites, hélas ! dans une langue sans circulation mondiale, Caragiale est, probablement, le plusgrand des auteurs dramatiques inconnus.

Dégoûté par la société de son temps, ayant aggravé son dégoût dénigrant, dans toute sonœuvre, avec violence et raison, talent et humour, Caragiale profita d'un héritage tardif pour s'expatrier à la fin de sa vie à Berlin où ilmourut, en 1912, à soixante ans et cinq mois. Il avait refusé, en janvier de la même année, de revenir à Bucarest pour les quelques jours nécessaires à la célébration officielle de sessoixante ans et de sa carrière, car, à force d'avoir injurié ses compatriotes, ceux-ci avaient fini par l'admirer. Caragiale prit à parti, dans son œuvre, la bourgeoisie, l'administration, les politiciens : ses griefs étaient justes, naturellement. Comme Caragiale avait fréquenté, dans sa jeunesse, un club politique et littéraire conservateur sous l'égide duquel il publia ses deuxpremières comédies (Une nuit orageuse et Léanida face à la réaction, représentées respectivement en 1879 et 1880), certains voulurentvoir dans cet auteur un ennemi du libéralisme, de la démocratie.

Ce n'était vrai qu'en partie.

Plus tard, Caragiale fut l'ami intime ducréateur du mouvement socialiste roumain et participa à des manifestations socialistes.

Dans sa comédie la plus importante (Une lettreégarée, jouée en 1883), Caragiale attaque avec la même objectivité dans la véhémence, conservateurs aussi bien que libéraux.

On enprofita pour découvrir, dans son œuvre, des sympathies socialistes, des tendances révolutionnaires.

Ceci est peut-être plus exact, pour labonne raison, que le gouvernement socialiste n'existant pas, il n'avait pas à lui en vouloir.

En réalité, partant des hommes de son temps,Caragiale est un critique de l'homme et de toute société.

Ce qui lui est particulier, c'est la virulence exceptionnelle de sa critique.

En effet,l'humanité, telle qu'elle nous est présentée par cet auteur, semble ne pas mériter d'exister.

Ses personnages sont des exemplaireshumains à tel point dégradés, qu'ils ne nous laissent aucun espoir.

Dans un monde où tout n'est que dérision, bassesse, seul le comiquepur, le plus impitoyable, peut se manifester. La principale originalité de Caragiale est que tous ses personnages sont des imbéciles.

Imaginez-vous les petites gens de Henry Monnierpoussés plus à fond, sombrant tout à fait dans l'irrationalité du crétinisme.

Ces anthropoïdes sociaux sont cupides et vaniteux : sansintelligence, ils sont, par contre, étonnamment rusés ; ils veulent " parvenir " ; ils sont les héritiers, les bénéficiaires des révolutionnaires,des héros, des illuminés, des philosophes qui ont bouleversé le monde par leur pensée, ils sont le résultat de ce bouleversement.

Il fautbien que quelqu'un en profite.

Ce qui est déprimant c'est que les idées elles-mêmes, vues à travers ce chaos intellectuel, se dégradent,perdent toute signification, si bien que, finalement, hommes et idéologie, tout est compromis.

Caragiale ne prend pas les choses à lalégère et se trouve bien loin d'un Feydeau dont il a, par ailleurs, le génie constructeur, ou d'un Labiche avec lequel peut-être a-t-il,cependant, des affinités de technique formelle.

Esprit naturaliste, c'est dans le monde quotidien qu'il a choisi ses personnages, mais ilnous les a révélés dans leur essence profonde.

Il en a fait des archétypes : on fut bien obligé d'admettre leur existence.

Tout le mondepouvait voir, dans les ministres du pays, le préfet prévaricateur de La Lettre égarée ; dans les députés bafouilleurs, l'avocat conservateurde la même pièce ; dans les journalistes à l'esprit confus, le poète de La Nuit orageuse ; dans les petits rentiers, le père Léonida. Vues de plus près, et d'abord dans leur aspect local, les choses deviennent encore plus graves.

A l'issue d'un moyen âge balkanique quis'était prolongé dans les provinces roumaines jusqu'au milieu du siècle dernier, le pays débouchait, soudain, en pleine Europe libérale.Des réformes rapides donnèrent à cette nation une nouvelle structure sociale ; une classe bourgeoise se constituait, de toutes pièces : lepetit bourgeois, commerçant vêtu de l'uniforme de garde civique, apparaissait, identique à son confrère français, au petit bourgeoisuniversel, mais encore plus sot.

Quant à la bourgeoisie supérieure, elle ne semblait guère différente de la petite.

Son ignorance était pluscomplexe.

Ne comprenant rien à l'évolution de l'Histoire, quelques-uns de ces personnages, les moins heureux, avaient tout de mêmecomme l'ambition d'y comprendre quelque chose, sans y réussir : c'est aussi cet effort mental, retombant, épuisé, dans le vide, que nousprésente Caragiale, dans son pénible éclat. Les héros de Caragiale sont fous de politique.

Ce sont des crétins politiciens.

A tel point qu'ils ont déformé leur langage le plus quotidien.Les journaux sont l'aliment indigeste de toute la population : écrits par des idiots, ils sont lus par d'autres idiots.

La déformation dulangage, l'obsession politique sont si grandes que tous les actes de la vie baignent dans une bizarre éloquence, faite d'expressions aussisonores que merveilleusement impropres, où les pires non-sens s'accumulent avec une richesse inépuisable et servent à justifier,noblement, les actions inqualifiables : on trahit ses amis, " dans l'intérêt du parti " ; trompée par son amant, une femme lui jette duvitriol à la figure parce que " elle a un tempérament républicain " ; on " signe avec courage " une délation anonyme, que l'on envoie auministre conservateur ; on est faussaire pour le bien de la patrie ; on veut être député pour l'amour de " la chère petite patrie " ; on faitpartie de tous les régimes parce que " on est impartial " ; on ne donne des postes qu'aux " fils de la Nation " ; on découvre qu'un individulouche est digne d'intérêt " parce qu'il est des nôtres " ; seul un enfant de la Nation " a droit à être décoré, car les décorations sont faitesavec la sueur du peuple " ; il faut envoyer au bagne " tous ceux qui mangent le peuple " ; le préfet qui ne veut pas donner son appui àun candidat député est " un buveur du sang populaire " ; une petite rébellion locale " est un grand exemple pour l'Europe entière qui a lesyeux fixés sur nous " ; " bien que Jésuite, le Pape n'est pas bête " ; Léonida veut " un gouvernement qui verserait, à tous les citoyens,une forte pension mensuelle et vous interdirait de payer les impôts ".

Il y a aussi les grands principes : " J'aime la trahison, mais je haisles traîtres " ; " un peuple qui ne va pas de l'avant reste sur place " ; " tous les peuples ont leurs faillis, il faut que la Roumanie aussi aitles siens ". L'écart qu'il y a entre un langage aussi obscur qu'élevé et la ruse mesquine des personnages, leur politesse cérémonieuse et leurmalhonnêteté foncière, les adultères grotesques se mêlant à tout ceci, font que finalement ce théâtre, allant au-delà du naturalisme,devient absurdement fantastique.

Jamais habités par un sentiment de culpabilité, ni par l'idée d'un sacrifice, ni par aucune idée (" unefois qu'on a une tête, à quoi nous servirait l'intelligence ", se demande ironiquement Caragiale), ces personnages, à la consciencetranquille, sont les plus bas de la littérature universelle.

La critique de la société acquiert ainsi chez Caragiale une férocité inouïe. Finalement on s'aperçoit que ce ne sont pas les principes des nouvelles institutions que combat Caragiale, mais la mauvaise foi de sesreprésentants, l'hypocrisie dirigeante, l'innommable sottise bourgeoise, toutes causes qui firent que la machine démocratique, commesabotée, fut détraquée avant d'avoir pu fonctionner, et la nouvelle société, décomposée avant d'être composée ; tout s'écroule dans lechaos.

Caragiale ne nous dit pas que l'ancienne société était meilleure.

Il ne le croit pas.

Il pense que telle est " la société ", telle est lasubstance humaine.

Tout est toujours à refaire.

L'auteur, lui, s'en lave les mains (il s'est toujours défendu de faire autre chose que del'art pour l'art) et se retire à l'étranger, où il n'arrivera jamais à connaître suffisamment les gens pour qu'ils lui deviennent aussiinsupportables que ceux qu'il a trop bien connus chez lui.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles