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innocent.

Publié le 08/12/2021

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innocent. La justice est la justice ; un Français est un Français.
1

Dreyfus, un innocent, Fayard, 2006.

2 Voir par exemple son excellent

Immigration, antisémitisme, et racisme en France, op. cit.

3 Sous la direction d'Yves Lequin,

op. cit.

37
La séparation
des Églises et de l'État
Naissance de la laïcité à la française
Le 9 décembre 1905, nul diable au pied fourchu n'a explosé d'un rire de victoire, nul dieu vengeur n'est sorti des
nuages pour faire tomber sur la France la foudre de son courroux. Pourtant, la République a pris ce jour-là une
décision qui aurait sans doute déclenché des convulsions de terreur chez un homme du Moyen Âge ou chez un
sujet de Louis XIV. Après un an de débats passionnés au Parlement, après des bagarres infinies jusqu'au sein de la
majorité de gauche qui domine alors la Chambre des députés, et grâce à la finesse stratégique d'un certain Aristide
Briand, le député qui en a été le rapporteur, le président de la République promulgue un des textes fondamentaux
de la vie publique de notre pays : « la loi de séparation des Églises et de l'État ». L'affaire Dreyfus n'est même pas
encore achevée. On voit que la période est riche en grands épisodes fondateurs.
Repères
- 1795 : première séparation des cultes et de l'État
- 1801 : signature du Concordat, le catholicisme de nouveau religion officielle
- 1882 : loi Ferry sur la laïcité de l'école
- 1884 : autorisation du divorce ; fin des prières au début des sessions parlementaires
- 1886 : loi sur laïcisation des personnels enseignants
- 1901 : loi sur les associations ; exil de la plupart des congrégations
- 1905 (9 décembre) : loi de séparation des Églises et de l'État

Une laïcisation par étapes
Cette séparation n'est pas une première dans notre histoire. L'État s'était déjà affranchi de tous les cultes plus de
cent ans auparavant, à la fin de la Convention puis sous le Directoire, à l'époque de la Révolution. Bonaparte y
avait mis fin en signant avec le pape le fameux Concordat de 1801, suivi de textes organisant les deux autres cultes
minoritaires, protestant et israélite, et faisant de la religion catholique et des deux autres des institutions
publiques, dont le clergé était payé par l'État, et l'organisation maintenue sous sa surveillance. C'est ce système
concordataire que la nouvelle loi jette à bas, en le remplaçant par un autre qui repose sur deux principes,
énoncés dans ses deux premiers paragraphes : « Article 1 : la République assure la liberté de conscience. Elle
garantit le libre exercice des cultes. [...] Article 2 : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun
culte... » La laïcité à la française était née. Plus d'un siècle plus tard, elle fonctionne encore sur cette base qui
semble désormais acceptée par tous.
Il n'a pas été simple, pourtant, d'en arriver là. Le lent combat de l'État pour s'émanciper de la tutelle de la religion
a été progressif. Le pays a mis plus d'un siècle à franchir peu à peu ce qu'un des grands spécialistes de la question,
l'historien Jean Baubérot, a appelé les « seuils de laïcité ». La Révolution, en retirant aux curés la gestion des
registres de naissance et de décès, a laïcisé l'état civil. La IIIe République reprend le mouvement, pas à pas : le
divorce, permis sous la Révolution puis interdit sous Louis XVIII, est autorisé à nouveau ; les cimetières sont
laïcisés ; les hôpitaux, alors encore emplis de frères et de religieuses, le sont aussi ; on lève l'interdiction de
travailler le dimanche, comme la prière qui jusque-là ouvrait les sessions du Parlement. Une marche énorme est
escaladée lorsque l'État retire à l'Église un de ses domaines de prédilection : l'enseignement. Dans les années
1880, les grands textes impulsés par Jules Ferry et ses successeurs prévoient que l'instruction primaire sera
obligatoire et gratuite. Ils prévoient aussi qu'elle sera « laïque ». On commence par rendre neutres les locaux -
retrait des crucifix des salles de classe -, puis les programmes - le catéchisme est remplacé par « l'instruction
morale et civique ». On passe (en 1886) à la « laïcisation des personnels », autre paire de manches : cela revient en
effet à chasser des écoles les milliers de frères et de religieuses qui y travaillaient. Nombre d'entre eux choisissent
carrément de quitter la France, cette mauvaise mère. Du côté catholique, l'épisode est vécu comme une
« persécution ».
Car tout se passe, évidemment, dans un climat politique de grande tension. Le bras de fer entre Église et État a
commencé, on s'en souvient, sous la Révolution. Il reprend de plus belle. En 1877, dans un discours fameux,
Gambetta a fixé la ligne qui sera celle de tous les républicains : « Le cléricalisme voilà l'ennemi ! » Stricto sensu,
le propos pourrait être acceptable par tout le monde : il ne s'agit pas de combattre la religion, mais le
cléricalisme, c'est-à-dire sa prétention à vouloir régenter le champ politique.
Dans la réalité, beaucoup l'entendent autrement. Avec la lutte anticléricale, de nombreux républicains rêvent d'en

finir une fois pour toutes avec ceux qu'ils tiennent pour les ennemis de la liberté humaine, les amis des rois et des
puissants, les « corbeaux », la « calotte », comme on dit alors. L'Église, à l'inverse, est vent debout contre les
« sans-Dieu » qui la menacent, tous ces francs-maçons perfides qui cherchent à faire triompher l'athéisme
satanique.
Ferry et ses lois scolaires ont mis les plaies à vif. Une dizaine d'années plus tard, l'affaire Dreyfus y ajoute un peu
de sel, qui voit l'immense majorité des hiérarchies catholiques et de leurs journaux afficher la plus franche hostilité
au régime.
Au début des années 1900, des gouvernements très anticléricaux - en particulier celui d'Émile Combes, « le petit
père Combes » comme on le nomme familièrement - veulent en finir avec les nombreux ordres religieux qu'ils
perçoivent comme emplis de « moines ligueurs », complotant contre la liberté. Ils promulguent différents textes
qui rendent la vie très difficile aux congrégations : nouvel exil horrifié de leurs membres, par dizaines de milliers
cette fois. Nouvelle colère du Vatican. Beau prétexte pour la République, qui décide de rompre les relations
diplomatiques. C'est le détail qui manquait pour accomplir le geste final. Si les liens avec Rome sont coupés, le
Concordat est caduc. La République doit bien trouver un statut pour gérer ses relations avec l'Église, d'où notre
texte de 1905, qui officialise le divorce.
Il ne met pas fin pour autant à cette guerre entre « les deux France », plus près de dégénérer que jamais. La loi
prévoit que les édifices religieux construits jusqu'alors restent propriété de l'État mais qu'ils seront mis à la
disposition des fidèles. Comme cela se passe entre un propriétaire et un locataire, il faut procéder au recensement
précis de ce que les locaux renferment. Ces inventaires sont menés avec plus ou moins de délicatesse par les
fonctionnaires - on exige même parfois d'ouvrir les tabernacles pour compter les hosties. Ils sont plus ou moins
bien acceptés par les fidèles. On en arrive ici et là à envoyer la troupe pour défoncer les portes des églises où se
sont barricadés les « persécutés » et leurs curés. C'est la « querelle des inventaires ». En mars 1906, dans le
département du Nord, une manifestation dérape et un homme est tué. Clemenceau, ministre de l'Intérieur, estime
sagement que « quelques chandeliers ne valent pas une révolution » et pousse à l'apaisement. La paix vient donc.
Elle est relative.
L'histoire des relations entre l'Église catholique et la République, au xxe siècle, est celle d'un feu mal éteint, qui se
refroidit parfois, couve toujours et qu'une étincelle suffit à rallumer. En 1914, catholiques et anticléricaux se
retrouvent temporairement face à l'ennemi commun ; de nombreux congrégationistes rentrent d'exil ; les prêtres
endossent l'uniforme, c'est l'« union sacrée ». Dix ans plus tard, en 1924, le gouvernement de gauche cherche à
étendre l'égalité républicaine où elle n'est pas : il veut faire appliquer la loi de Séparation en Alsace-Moselle, qui y
avait échappé, les trois départements étant allemands en 1905. Furie locale, manifestations monstres et défaite
des laïcards. L'Alsace-Moselle continuera (et continue toujours) à appliquer le Concordat. La parenthèse de
Vichy est une divine surprise - selon le mot de Maurras - pour les vieux ennemis de la République :
d'innombrables catholiques feront de la résistance, mais dans sa grande majorité l'épiscopat ne ménage pas son
soutien à Pétain. Du coup, la Constitution de la IVe République est résolument laïque, comme le sera celle de la
Ve : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » précisent les deux textes. Mais
dans les années 1950-1960, quelques lois d'influence chrétienne-démocrate ravivent la question par le biais de
l'enseignement : les laïques refusent que l'argent public aille à une autre que l'« école publique » et organisent de
grandes manifestations contre les textes qui visent à subventionner l'école que les catholiques appellent « l'école
libre ». Après la victoire de la gauche de 1981 et sa volonté de réaliser son programme, le camp inverse descend
aussi massivement dans la rue pour refuser toute perspective d'un « grand service public unifié de l'éducation »
qui conduirait, selon eux, à la nationalisation de leurs écoles. Le statu quo finit par s'établir. Est-il temporaire ?
Quoi qu'il en soit, à partir de la fin du xxe siècle, le mot même de laïcité ne semble plus faire peur à grand monde,
puisqu'il est revendiqué désormais par l'ensemble des institutions religieuses et toute la classe politique, de
gauche à droite. Le moment est donc bienvenu pour glisser à son propos deux remarques.
Une loi fille des circonstances
La loi de 1905, comme on vient de le voir, est le produit d'une histoire particulière. Elle n'est pas une vérité qui un
jour a été révélée à la République par la déesse Raison comme les tables de la Loi le furent par Dieu à Moïse ou le
Coran au prophète Mahomet. Elle n'a rien de sacré. Comme toutes les oeuvres humaines, elle est imparfaite et il
n'y a aucune raison de s'interdire de penser à l'occasion les moyens de l'améliorer.
Par ailleurs, elle fonde un modèle de laïcité qui existe dans peu d'autres pays occidentaux. Contrairement à ce que
pensent quelques laïcards trop chauvins, cela ne rend pas forcément ces derniers moins respectueux de la liberté
de conscience de leurs citoyens, ou plus soumis à quelque terrible tutelle cléricale. Le rapport à la religion est
différent ailleurs parce que, à tel moment de leur histoire, les rapports de force entre le spirituel et le temporel
n'ont pas été les mêmes que dans le nôtre. Prenons l'Angleterre - devenue plus tard le Royaume-Uni. Cette nation

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