IMRU' L-QAIS
Publié le 17/05/2020
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IMRU' L-QAIS
Vfe stêcle de J -C
IL est tout à fait curieux, sinon paradoxal, que les Arabes pour qui l'Histoire devrait commencer
avec
la mission de Mahomet, conservent jusqu'à nos jours un inaltérable respect à l'égard des
compositions poétiques qu'ils font
remonter à l'époque préislamique, qualifiée par ailleurs, non
sans mépris, de« période de l'Ignorance ».
Leur vénération est telle que lorsqu'un critique égyptien
-pourtant musulman -s'avisa d'émettre des doutes sur l'authenticité de cette poésie, il souleva
l'indignation
de tout le monde arabe, mit le ministère en péril et dut faire amende honorable.
C'est que ces productions n'ont pas seulement aux yeux des Arabes une très haute valeur
littéraire, mais encore leur existence même flatte leur amour-propre en administrant la preuve
de
l'ancienneté d'une civilisation capable de produire, dans le domaine artistique, de tels chefs
d'œuvre.
Les lexicographes du ne siècle H.fvme siècle J.-C.
qui ont recueilli, de la bouche des
rapsodes
du désert et des informateurs intéressés, une masse considérable de vers attribués à des
poètes préislamiques, obéissaient déjà à cette arrière-pensée,
en même temps qu'au désir de
reconstituer exhaustivement la langue arabe primitive dont la poésie conservait les vestiges les
plus sûrs.
En admettant même que les poèmes ainsi recensés soient tous authentiques, on est fondé à
penser
qu'après des siècles de transmission orale, ils étaient quelque peu défigurés; le manque de
probité des rapsodes permet en outre de croire que des bardes du ne siècle H.
ne sont pas étrangers
à
leur composition; mais comme la tradition poétique s'était maintenue sans changement impor
tant, et comme: les faussaires étaient probablement assez avisés pour imiter des œuvres authentiques,
ces
monuments littéraires restent caractéristiques d'une époque.
Au
demeurant, cette poésie n'est point rudimentaire.
La langue en est fixée, la versification
obéit à des règles précises : l'obligation de respecter
un mètre et une rime uniques tout au long du
poème et d'enfermer dans un vers un sens complet freine l'inspiration, contraint le poète à « tra
vailler » son vers et lui interdit de longues compositions.
Aussi bien, le moule classique est déjà
défini; la qasîda, qui dépasse rarement deu~ cents vers, impose au poète un ordre convenu : elle
s'ouvre
sur un prologue amoureux où l'auteur, apercevant les traces du campement de sa bien
aimée, s'arrête, pleure et rappelle les
jours heureux qu'il a passés auprès d'elle; parfois il relate,
dans les vers suivants, le voyage qu'il entreprend pour la retrouver, mais le plus souvent ce rahîl
est le récit de ses aventures sur les pistes du désert et la description de sa monture qui lui permet
d'échapper à mille dangers pour rejoindre la tribu ou le personnage dont il veut faire le panégy
rique; c'est alors seulement que le poète aborde le sujet réel de sa composition.
Ce moule rigide et artificiel qui n'est guère favorable à l'expression de sentiments profonds
est aussi utilisé
pour la satire ou plutôt l'invective et la glorification personnelle, tandis que l'élégie,
plus franche et naturelle,
l'abandonne..
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