Illyès (Gyula)

« 1 / 2 26 avril1967 Série C-26 Fi ohe N• 1740 lllyès (Gyula} 1.

Dans la vie et l'œuvre de Gyula lllyès, défenseur et illustrateur des lettres hon­ groises depuis plus de quarante ans, les événements se succèdent comme une suite de gageures tenues: issu de la paysannerie la plus déshéritée à l'époque la plus réactionnaire, il accède dès l'adolescence à une culture supérieure; surréaliste à ses débuts, il devient dans son pays un poète écouté des masses; tour à tour flatté et menacé par les dirigeants de la démocratie populaire, il réussit sans compromission («Quoi que je fasse, le rythme expulserait de mes paroles ce qui est mauvais et périssable») à conserver intacts sa liberté et son prestige.

2.

Ses origines (il est né le 2 novembre 1902 à Râcegres, parmi les bergers d'une puszta perdue" derrière le dos de Dieu») ont certainement contribué à sa sauvegarde sous le rakosisme.

Jouaient également en sa faveur sa participation à la Commune hongroise de 1919; son retour volontaire en Hongrie après cinq ans d'exil (à Paris, vers 1922, il a fréquenté la Sorbonne, lié amitié avec Crevel, Eluard, Cocteau, Aragon et Tzara, publié des poèmes en français dans des revues d'avant-garde); son oppo­ sition déclarée au fascisme de Horthy, son action résistante, enfin, qui lui vaut, en 1944, de figurer sur la liste noire des hitlériens.

A la Libération, et bien qu'il n'ait jamais appartenu au Parti communiste, Gyula lllyès apparaît comme une valeur sûre du nouveau régime, 3.

Dès son premie recueil, «Terres lourdes "• publié vers 1930, lflyès exprimait avec force son enracinement au sol natal.

Un peu comme Bartok en musique, il voulait réussir la synthèse entre l'Occident et l'Orient, entre le surréalisme et la poésie popu­ laire hongroise (sous le vers libre, il cache alors des mètres traditionnels qui lui donnent couleur et rythme et le rendent très difficile à traduire dans une autre langue).

Mais c'est en prose qu'il a fait, par deux fois, œuvre d'écrivain engagé: dans une fresque paysanne, « Ceux des Pusztas "• il élevait la voix au nom de « trois millions de muets "• travailleurs des campagnes; et dans son « Petôfi "• en 1936, il exaltait l'exemple du poète national, mort pour l'indépendance de son pays.

4.

Fidèle à son rôle de témoin («Connais ton temps, ton lieu»), fidèle à ses amis emprisonnés, capable de défendre, en 1948, un poète mystique comme il a pu, en pleine guerre, faire paraître un Trésor de la Littérature française ..

en hommage au peuple français malheureux », lllyès irrite bientôt les dirigeants rakosistes.

Seuls sa notoriété à l'étranger et l'attachement du grand public lui évitent les ..

mesures admi­ nistratives"· Dès 1950 il vit à Tihany, au bord du lac Balaton, dans une modeste retraite.

5.

Au lendemain d'octobre 1956, le pouvoir lui pardonne mal le long poème «Contre la Tyrannie " qu'il a donné au journal des insurgés.

Les remplaçants de Rakosi hési­ tent à publier ses œuvres, attendues comme des messages, à monter ses pièces, où le public cherche des allusions sous le contexte historique (comme dans ..

Le Favori "• joué à Paris en 1965).

Avec une endurance paysanne qui n'exclut ni la malice, ni l'habileté, Hlyès attendra les premières années soixante pour être de nouveau, publi­ quement, celui « qui exhorte à vivre et divertit en même temps "· En 1966, il a reçu le Grand prix international de poésie de Knokke-le-Zoute.

~ 2 / 2. »