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fétichisme

Publié le 06/12/2021

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fétichisme n.m. (angl. Fetishism; allem. Fetischismus). Organisation particulière du désir sexuel, ou libido, telle que la satisfaction complète ne peut pas être atteinte sans la présence et l'usage d'un objet déterminé, le fétiche, que la psychanalyse reconnaît comme substitut du pénis manquant de la mère, ou encore comme signifiant phallique.

Longuement décrit, au xix' siècle, par des auteurs tels que Havelock Ellis ou Krafft-Ebing, le fétichisme est généra-lement considéré comme appartenant à la sphère de la perversion. De fait, le comportement du fétichiste évoque facilement cette dimension: le féti-chiste élit un objet, une paire de bot-tines par exemple, qui devient son

 

unique objet sexuel. Il lui donne une valeur tout à fait exceptionnelle et, comme le dit Freud, «ce n'est pas sans raison que l'on compare ce substitut au fétiche dans lequel le sauvage voit son dieu incarné «. Ce qui au niveau des-criptif semble particulièrement repré-sentatif du registre pervers, c'est la dimension de condition absolue qui caractérise, dans nombre de cas, l'objet fétiche. Même s'il peut avoir des rela-tions sexuelles « normales «, le féti-chiste ne peut s'y livrer, par exemple, ou ne peut en tirer une jouissance que si sa partenaire consent à revêtir une tenue particulière. Le but sexuel n'est pas ici l'accouplement; le désir que l'on suppose ordinairement s'adresser à un être dans sa totalité se trouve claire-ment dépendant d'une partie du corps « surestimée « (fétichisme du pied, de la chevelure, etc.) ou d'un objet matériel en relation plus ou moins étroite avec une partie du corps (sous-vêtements, etc.). Ajoutons que des traits fétichistes sont souvent présents dans les pra¬tiques les plus couramment désignées comme perverses (fétichisation du fouet dans le sadisme, etc.).

Pour la psychanalyse, cependant, le fétichisme a une importance beaucoup plus générale, très au-delà de la consi-dération d'une entité pathologique particulière. Il est ainsi à noter qu'« un certain degré de fétichisme« se retrou¬ve dans «la vie sexuelle normale« (Freud, Trois Essais sur la théorie sexuelle, 1905). Et Freud cite là-dessus Goethe : «Apporte-moi un fichu qui ait couvert son sein, Une jarretière de ma bien-aimée« (Goethe, Faust, 1, 7).

Certes, on conviendra que le féti-chisme caractérise plus spécialement la libido masculine, puisque les hommes sont souvent plus ou moins consciem-ment à la recherche d'un trait distinctif qui seul rend désirable leur partenaire. Mais il serait peu pertinent d'opposer le fétichisme aux autres manifestations du désir. Si le fétichiste élit une catégo¬ 

 

rie particulière d'objets, il n'est pas pour autant « fixé « à l'un d'entre eux. Toujours susceptible de se déplacer vers un autre, équivalent mais dif¬férent, le fétichisme comporte cette part d'insatisfaction, constitutive de tout désir.

LE DÉNI DE LA CASTRATION

Comment rendre compte du féti¬chisme et de son importance dans la sexualité humaine? Dans Trois Essais sur la théorie sexuelle, Freud emprunte à A. Binet l'idée de l'« influence persis¬tante d'une impression sexuelle ressen¬tie le plus souvent au cours de la prime enfance «. Mais il reconnaît que, «dans d'autres cas, c'est une association de pensées symboliques, dont l'intéressé n'est le plus souvent pas conscient, qui a conduit au remplacement de l'objet par le fétiche «. Et, dans une note de 1910, il écrit, à propos du fétichisme du pied, que celui-ci représente «le pénis de la femme, dont l'absence est si lour-dement ressentie «.

C'est en effet de la question de la castration qu'il faut partir ici ou, plus précisément, de la «terreur de la castra-tion« activée par la perception de l'ab-sence de pénis chez la femme, chez la mère. Si la femme est châtrée, une menace pèse sur le jeune garçon, concernant la possession de son propre pénis à lui. C'est donc pour se prému¬nir contre cette menace qu'il dénie l'ab-sence de pénis chez la mère (— déni), et le fétiche n'est autre que le substitut du pénis manquant.

Ce mécanisme de formation du fétiche, Freud le met en évidence (le Fétichisme, 1927; trad. fr. in la Vie sexuelle, 1969) à partir du choix de l'ob¬jet élu comme tel. Si l'on imagine le regard de l'enfant venant à la rencontre de ce qui pour lui sera traumatisant, remontant par exemple à partir du sol, le fétiche sera constitué par l'objet de la dernière perception avant la vision traumatique elle-même: une paire de

 

bottines, le bord d'une jupe. «L'élec¬tion si fréquente des pièces de lingerie comme fétiche est due à ce qu'est retenu ce dernier moment du déshabil-lage pendant lequel on a pu encore penser que la femme est phallique.« Quant à la fourrure, elle symbolise la pilosité féminine, dernier voile derrière lequel on pouvait encore supposer l'existence d'un pénis chez la femme. Il y a ainsi dans le fétichisme une sorte d'arrêt sur image, un reste figé, séparé de ce qui peut le produire dans l'his¬toire du sujet. C'est en ce sens que le fétichisme est éclairant en ce qui concerne le choix d'objet pervers. De celui-ci, Lacan montre qu'il n'a pas valeur de métaphore, comme le symp-tôme hystérique par exemple, mais qu'il est constitué de façon métony-mique; élément détaché d'une his¬toire, constitué le plus souvent par déplacement, il ne va pas sans désub-jectivation: à la place où se posait une question subjective, il répond par la « surestimation « d'une chose inani¬mée. Il est curieux de voir sur ce point la théorisation psychanalytique converger avec les analyses de Marx sur la fétichisation de la marchandise.

Notons que la théorie freudienne du déni s'accompagne d'une théorie du clivage psychique. Le fétichiste en effet ne « scotomise « pas totalement une partie de la réalité, ici l'absence de pénis chez la femme. Il tente de main-tenir dans l'inconscient à la fois deux idées, celle de l'absence du phallus et celle de sa présence. Freud évoque en ce sens un homme qui avait élu comme fétiche une gaine pubienne, dont l'ébauche était la feuille de vigne d'une statue vue dans l'enfance. Cette gaine, qui dissimulait entièrement les organes génitaux, pouvait signifier aussi bien que la femme était châtrée et qu'elle n'était pas châtrée. Et même, portée par lui en guise de slip de bain, elle «permettait par surcroît de supposer la castration de l'homme «. Cette idée 

 

d'un clivage psychique, Freud la main-tiendra jusqu'au bout (le Clivage du moi dans le processus de défense, 1938) et la psychanalyse lui attribuera une impor¬tance grandissante.

LE FÉTICHE COMME SIGNIFIANT

Qu'est-ce qui est essentiel dans la théo-rie freudienne du fétichisme ? Sans doute le repérage de la problématique phallique, de la problématique de la castration comme celle où s'inscrit le fétiche. Et, d'autre part, le statut du fétiche lui-même, qu'on peut avec Lacan considérer comme un signifiant.

En ce qui concerne le premier point, il est vrai que Freud lui-même fait allu-sion, notamment dans Trois Essais sur la théorie sexuelle, à d'autres composantes du fétichisme que les composantes phalliques : le fétichisme du pied comporte souvent une dimension olfactive (pied malodorant), qui peut elle-même procéder d'une pulsion par¬tielle (registre anal). K. Abraham a pro¬longé ce type d'analyse, qui a surtout été repris par des auteurs anglo-saxons, généralement kleiniens, comme S. Payne (« Some observations on the ego development of the fetishist «, in International Journal of Psychoanalysis, tome XX). On sait que, pour M. Klein, le très jeune enfant éprouve le besoin très fort de détruire des objets qu'il éprouve comme mauvais, comme per¬sécuteurs, et dont il craint corrélative¬ment une rétorsion. Le fétichisme constitue pour Payne une défense, défense contre ce qui pourrait consti¬tuer, dans le prolongement de ce rap¬port destructeur à l'objet, une véritable perversion, une perversion de type sadique. Cet éclairage nous paraît méconnaître le primat du phallus chez le sujet humain, primat qui fait que le fétichisme, comme d'ailleurs l'en¬semble des perversions, ne se définit pas comme survivance de «stades pré¬génitaux« mais bien, à la suite de Freud, dans la problématique phal¬lique.

 

En ce qui concerne le second point, l'identification du fétiche à un signi-fiant, nous pouvons nous y trouver conduits si nous remarquons avec Lacan (le Séminaire IV, 1956-57, «la Relation d'objet et les structures freu-diennes) que le fétiche représente non le pénis réel, mais le pénis en tant qu'il peut manquer, en tant qu'on peut certes l'attribuer à la mère, mais en même temps en tant qu'on en reconnaît l'absence : c'est là la dimen-sion de clivage mise en évidence par Freud. Or cette alternance de la pré-sence et de l'absence — système fondé sur l'opposition du plus et du moins —caractérise les systèmes symboliques comme tels. Notons que le mot déjà constitue la présence sur fond d'absence : il nous détache de la per-ception empirique de la chose ; à la limite, il l'annule, et en même temps il fait subsister la chose sous une autre forme. Absente, elle n'en est pas moins évoquée,

Que la considération du langage, et par exemple des mécanismes de l'ho-mophonie, voire de leur fonctionne-ment translinguistique, soit essentielle pour saisir ce qu'il en est du fétiche, c'est ce qui apparaît déjà chez Freud (op. cit.): un jeune homme avait adopté comme fétiche un certain «brillant sur le nez «. Or ce jeune homme, élevé en Angleterre, n'était venu qu'ensuite en Allemagne : entendu en anglais, le «brillant sur le nez« (brillant en alle¬mand se dit « Glanz «) était en fait un « regard sur le nez« (glance en anglais veut dire « regard >,).

Peut-être cependant est-ce sur un autre point qu'il faut insister. Le féti-chisme déploie devant la réalité un voile qui la dissimule, et c'est ce voile que le sujet finalement surestime. Il y a là une illusion, mais une illusion qui se retrouve sans doute dans tout désir. «Pourquoi le voile est-il plus précieux à l'homme que la réalité ? « Lacan posait cette question en 1958. Elle reste tou-jours d'actualité. 


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