Extrait de la scène 3 de la première partie de Juste la fin du monde de Lagarce
Publié le 12/12/2021
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Etude analytiquePartie I, scène 3Le texte que nous allons présenter est un extrait de la scène 3 de la première partie de Juste la fin du monde de Lagarce.
Louis, le protagoniste a exprimé, dans le Prologue, sa volonté d’annoncer sa mort prochaine à sa famille.
L’ambiance des retrouvailles laisse percevoir un malaise.
Antoine, le frère cadet, s’est moqué de sa sœur, Suzanne, qui faisait les présentations car Catherine et Louis ne s’étaient jamais encore rencontrés.
Le message de Louis est sans cesse différé, les scènes suivantes relèvent de l’esthétique du « tableau » car elles mettent en scène un personnage qui exprime son intimité sans rechercher un dialogue.
Dans la scène 2, Catherine va donner quelques caractéristiques de sa famille à Louis, dans la scène 3, Suzanne prend la parole.
La jeune femme éprouve une grande difficulté à mettre en mots sa pensée, elle rappelle le départ de Louis « je me suis retrouvée sans rien », le poids de son absence et la correspondance qu’il a entretenue avec la famille.
Ce frère, admiré pour son talent écrit pourtant des « lettres elliptiques ».
Il serait alors opportun de montrer en quoi les propos de Suzanne révélant un émerveillement mais aussi un manque interrogent l’Ecriture en tant que telle.
Nous procéderons à une étude linéaire qui suivra les quatre mouvements de notre extrait : tout d’abord, Suzanne tente de définir les lettres écrites par louis ( lignes 1 à 7), elle lui reproche ensuite son départ ( lignes 8 à 11), puis admire son talent d’écrivain ( lignes 12 à 28) et enfin lui reproche de ne pas l’avoir fait partager à la famille.( lignes 29 à 40)1-Suzanne tente de définir les lettres écrites par Louis ( « Parfois, tu nous envoyais des lettres à « parfois, tu nous envoyais des lettres elliptiques ») ( lignes 1 à 7)Parfois, tu nous envoyais des lettres,Parfois tu nous envoies des lettres,Les deux premiers versets de notre extrait débutent par un adverbe de temps « parfois », qui à deux reprises donne une indication sur la fréquence, plutôt rare, de la réception des « lettres » écrites par Louis.
L’amorce d’un ressentiment est perceptible.
Le premier verset place ce fait dans le passé, comme le montre le verbe l’imparfait « tu envoyais », il s’agit alors de l’évocation d’un souvenir.
Le second, corrige et substitue à l’imparfait le présent, avec cette épanorthose, Suzanne choisit le présent d’actualité pour montrer que cette correspondance bien que rare n’a pas cessé.ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ?Suzanne, dans sa quête de trouver le mot juste, emploie une négation totale pour montrer que les écrits de son frère ne correspondent pas aux échanges attendus.
La phrase interrogative questionne alors ce type d’écriture.
Le silence de Louis devient pesant, même s’il est le destinataire de ces propos, Suzanne fait les questions et les réponses, le frère et la sœur ne communiquent pas.De petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, rien, comment est-ce qu’on dit ?Cette réponse peut s’apparenter à une mise en abyme de l’écriture.
Elle n’est pas seulement une définition de ce que Louis a pu écrire mais elle tente aussi de définir l’Ecriture en elle-même.
N’est-elle pas un assemblage de mots ? On peut donc lire en creux une réflexion de l’auteur sur son écriture.
La vision de ces lettres ou de l’Ecriture semble dérisoire, en témoigne sa caractérisation avec l’adjectif « petits », repris avec une épanorthose « juste », adverbe qui entre en écho avec le titre de l’œuvre et qui minimise encore l’acte d’écrire.
L’envie de donner une ampleur plus grande à l’acte d’écrire « une ou deux phrases » est réduite par le déterminant indéfini « rien », mis en valeur.
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