est propre ?
Publié le 06/12/2021
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est propre ? — C. Ce serait absolument impossible. — S. Mais ce qui n'est jamais dans le même état ne saurait être connu de personne. Car à l'approche du sujet connaissant, il deviendrait autre et différent, de sorte qu'on ne saurait plus quel il est, ou en quel état ; or il est bien certain qu'aucune connaissance ne connaît ce qu'elle connaît dépourvu de toute manière d'être. — C. Il en est comme tu dis. — S. Mais c'est même de la connaissance, Cratyle, qu'il ne semble pas qu'on puisse parler si toutes les choses se transforment et que rien ne demeure. Car dans le cas où cela même qu'est la connaissance ne cesse pas d'être connaissance, alors la connaissance demeure et il y a connaissance. Mais dans le cas où c'est la nature même de la connaissance qui vient à changer, du coup c'est en une autre nature que celle de la connaissance qu'elle se change, et il n'y a pas connaissance ; et si elle change sans cesse, jamais il n'y a connaissance, en conséquence de quoi il n'y a ni sujet connaissant ni objet connu. Mais dans le cas où il y a existence permanente du sujet connaissant, de l'objet connu, du beau, du bien, de chaque être en particulier, il me semble que les choses dont nous sommes en train de parler n'ont rien d'un écoulement ni d'un déplacement.
Cratyle, 439c-440c
7. INTELLIGIBLE ET SENSIBLE :
SCIENCE ET OPINION
[TIMÉE]
Existe-t-il un feu absolu et en soi, et tous les objets dont nous ne cessons de parler ont-ils en même façon chacun leur être absolu et en soi ? ou bien au contraire tous les objets que nous voyons et tous ceux dont le corps nous permet d'avoir la sensation sont-ils les seuls à posséder une telle vérité ? n'en
existe-t-il jamais d'autres que ceux-là en aucune façon et est-ce en l'air que nous parlons chaque fois que nous disons qu'il y a une forme intelligible de chaque objet et n'est-ce là qu'un mot ? Cette question nous n'avons pas le droit de la trancher arbitrairement sans examen ni jugement, mais nous ne pouvons pas non plus ajouter à la longueur du présent propos celle d'un propos accessoire ; mais si se faisait jour un critère majeur et concis, c'est ce qu'il y aurait de plus opportun. Voici comment pour ma part j'exprime mon suffrage : si intellection et opinion vraie sont deux genres distincts, ces formes qui ne peuvent être objets de sensation, mais seulement de pensée ont absolument l'existence en soi ; mais si au contraire, comme il paraît à certains, l'opinion vraie ne diffère en rien de la science, il faut admettre que tout ce que le corps nous permet de sentir est on ne peut plus certain. Or il faut affirmer que ce sont deux genres distincts, tant parce que leur origine est différente que parce que leurs caractères sont dissemblables. C'est par l'enseignement que nous vient la science, par la persuasion que nous vient l'opinion vraie ; la première s'accompagne toujours d'une raison vraie qui fait défaut à la seconde ; l'une ne se laisse pas ébranler par la persuasion, qui est capable de retourner l'autre ; enfin il faut dire que tout homme a part à l'opinion, mais à l'intellection, les dieux, et parmi les hommes, une minorité. Cela étant, il faut admettre qu'il y a : d'une part, ce qui a forme identique, ce qui ne naît ni ne périt, ce qui n'accueille en soi rien qui vienne d'ailleurs ni ne va lui-même en un autre, ce qui est invisible et inaccessible à aucun sens, ce qu'il revient à l'intellect d'examiner ; en second lieu il y a, d'autre part, ce qui est semblable et porte le même nom que la réalité précédente, mais qui tombe sous le sens, qui naît, qui est toujours en mouvement, apparaît en un lieu pour en disparaître ensuite, ce qui se laisse saisir par l'opinion accompagnant la sensation.
Timée, 51b-52a
8. VISIBLE ET INVISIBLE :
SENSATION ET PENSÉE
[SOCRATE-CÉBÈS]
— S. Cette essence dont nous définissions l'être dans les questions et réponses de nos dialogues, demeure-t-elle toujours identique à elle-même ou bien est-elle tantôt ceci, tantôt cela ? l'Égal en soi, le Beau en soi, ce que chaque chose est en soi, son être, tolère-t-il jamais un quelconque changement ? ou bien ce qu'est chacune de ces choses, de forme unique si on le considère en lui-même, ne demeure-t-il pas toujours identique à lui-même sans jamais tolérer nulle part aucune altération en quoi que ce soit ? — C. Nécessairement chacun reste identique à soi-même. — S. Et qu'en est-il des multiples choses qui sont belles, hommes, chevaux, vêtements ou toutes autres choses semblables, des choses qui sont égales ou belles ou de façon générale de toutes celles qui portent le même nom que les êtres dont on vient de parler ? Est-ce que ces choses gardent leur identité ou bien tout à l'inverse de ces êtres ne gardent-elles pour ainsi dire jamais en aucune façon leur identité dans leurs rapports à elles-mêmes et aux autres ? — C. À l'inverse, elles ne gardent jamais leur identité. — S. Ainsi les unes, tu peux les toucher, les voir, les sentir par les autres sensations, tandis que les autres, toujours identiques à elles-mêmes, tu n'as absolument d'autre moyen de les saisir que le raisonnement de la pensée, de telles choses étant invisibles et n'étant pas objet de vision ? — C. C'est tout à fait vrai. — S. Posons donc, veux-tu, qu'il y a deux espèces d'être, l'un visible, l'autre invisible. — C. Soit. — S. Posons également que celui qui est invisible garde toujours son identité, tandis que celui qui est visible ne la garde jamais. — C. Soit également. — S. Mais nous-mêmes, sommes-nous autre chose qu'un corps et une âme ? — C. Rien d'autre. — S. À laquelle des deux espèces d'être dirons-nous que le corps est le plus semblable et le plus apparenté ? — C. Chacun voit bien que
est propre ? — C. Ce serait absolument impossible. — S. Mais ce qui n'est jamais dans le même état ne saurait être connu de personne. Car à l'approche du sujet connaissant, il deviendrait autre et différent, de sorte qu'on ne saurait plus quel il est, ou en quel état ; or il est bien certain qu'aucune connaissance ne connaît ce qu'elle connaît dépourvu de toute manière d'être. — C. Il en est comme tu dis. — S. Mais c'est même de la connaissance, Cratyle, qu'il ne semble pas qu'on puisse parler si toutes les choses se transforment et que rien ne demeure. Car dans le cas où cela même qu'est la connaissance ne cesse pas d'être connaissance, alors la connaissance demeure et il y a connaissance. Mais dans le cas où c'est la nature même de la connaissance qui vient à changer, du coup c'est en une autre nature que celle de la connaissance qu'elle se change, et il n'y a pas connaissance ; et si elle change sans cesse, jamais il n'y a connaissance, en conséquence de quoi il n'y a ni sujet connaissant ni objet connu. Mais dans le cas où il y a existence permanente du sujet connaissant, de l'objet connu, du beau, du bien, de chaque être en particulier, il me semble que les choses dont nous sommes en train de parler n'ont rien d'un écoulement ni d'un déplacement.
Cratyle, 439c-440c
7. INTELLIGIBLE ET SENSIBLE :
SCIENCE ET OPINION
[TIMÉE]
Existe-t-il un feu absolu et en soi, et tous les objets dont nous ne cessons de parler ont-ils en même façon chacun leur être absolu et en soi ? ou bien au contraire tous les objets que nous voyons et tous ceux dont le corps nous permet d'avoir la sensation sont-ils les seuls à posséder une telle vérité ? n'en
existe-t-il jamais d'autres que ceux-là en aucune façon et est-ce en l'air que nous parlons chaque fois que nous disons qu'il y a une forme intelligible de chaque objet et n'est-ce là qu'un mot ? Cette question nous n'avons pas le droit de la trancher arbitrairement sans examen ni jugement, mais nous ne pouvons pas non plus ajouter à la longueur du présent propos celle d'un propos accessoire ; mais si se faisait jour un critère majeur et concis, c'est ce qu'il y aurait de plus opportun. Voici comment pour ma part j'exprime mon suffrage : si intellection et opinion vraie sont deux genres distincts, ces formes qui ne peuvent être objets de sensation, mais seulement de pensée ont absolument l'existence en soi ; mais si au contraire, comme il paraît à certains, l'opinion vraie ne diffère en rien de la science, il faut admettre que tout ce que le corps nous permet de sentir est on ne peut plus certain. Or il faut affirmer que ce sont deux genres distincts, tant parce que leur origine est différente que parce que leurs caractères sont dissemblables. C'est par l'enseignement que nous vient la science, par la persuasion que nous vient l'opinion vraie ; la première s'accompagne toujours d'une raison vraie qui fait défaut à la seconde ; l'une ne se laisse pas ébranler par la persuasion, qui est capable de retourner l'autre ; enfin il faut dire que tout homme a part à l'opinion, mais à l'intellection, les dieux, et parmi les hommes, une minorité. Cela étant, il faut admettre qu'il y a : d'une part, ce qui a forme identique, ce qui ne naît ni ne périt, ce qui n'accueille en soi rien qui vienne d'ailleurs ni ne va lui-même en un autre, ce qui est invisible et inaccessible à aucun sens, ce qu'il revient à l'intellect d'examiner ; en second lieu il y a, d'autre part, ce qui est semblable et porte le même nom que la réalité précédente, mais qui tombe sous le sens, qui naît, qui est toujours en mouvement, apparaît en un lieu pour en disparaître ensuite, ce qui se laisse saisir par l'opinion accompagnant la sensation.
Timée, 51b-52a
8. VISIBLE ET INVISIBLE :
SENSATION ET PENSÉE
[SOCRATE-CÉBÈS]
— S. Cette essence dont nous définissions l'être dans les questions et réponses de nos dialogues, demeure-t-elle toujours identique à elle-même ou bien est-elle tantôt ceci, tantôt cela ? l'Égal en soi, le Beau en soi, ce que chaque chose est en soi, son être, tolère-t-il jamais un quelconque changement ? ou bien ce qu'est chacune de ces choses, de forme unique si on le considère en lui-même, ne demeure-t-il pas toujours identique à lui-même sans jamais tolérer nulle part aucune altération en quoi que ce soit ? — C. Nécessairement chacun reste identique à soi-même. — S. Et qu'en est-il des multiples choses qui sont belles, hommes, chevaux, vêtements ou toutes autres choses semblables, des choses qui sont égales ou belles ou de façon générale de toutes celles qui portent le même nom que les êtres dont on vient de parler ? Est-ce que ces choses gardent leur identité ou bien tout à l'inverse de ces êtres ne gardent-elles pour ainsi dire jamais en aucune façon leur identité dans leurs rapports à elles-mêmes et aux autres ? — C. À l'inverse, elles ne gardent jamais leur identité. — S. Ainsi les unes, tu peux les toucher, les voir, les sentir par les autres sensations, tandis que les autres, toujours identiques à elles-mêmes, tu n'as absolument d'autre moyen de les saisir que le raisonnement de la pensée, de telles choses étant invisibles et n'étant pas objet de vision ? — C. C'est tout à fait vrai. — S. Posons donc, veux-tu, qu'il y a deux espèces d'être, l'un visible, l'autre invisible. — C. Soit. — S. Posons également que celui qui est invisible garde toujours son identité, tandis que celui qui est visible ne la garde jamais. — C. Soit également. — S. Mais nous-mêmes, sommes-nous autre chose qu'un corps et une âme ? — C. Rien d'autre. — S. À laquelle des deux espèces d'être dirons-nous que le corps est le plus semblable et le plus apparenté ? — C. Chacun voit bien que
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