Empire, premier
Publié le 06/12/2021
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1 | PRÉSENTATION |
Empire, premier, régime politique de la France de 1804 à 1814.
Le premier Empire est attaché au nom de son fondateur Napoléon Ier. Autant qu’à l’histoire, cet épisode s’inscrit dans une légende nationale que chantent, dès le xixe siècle, Pierre Jean de Béranger ou Victor Hugo. La France connaît une extension géographique inégalée, et le régime impérial est la première tentative depuis Charlemagne d’une unification politique à l’échelle européenne. Si les armées de Napoléon Bonaparte ont apporté aux peuples d’Italie ou d’Allemagne le parfum nouveau des droits de l’homme, la Grande Armée de Napoléon trouve face à elle non seulement les armées soldées des rois anciens, mais aussi des nations qui ont pris conscience de leur identité dans l’opposition au tyran français. L’expérience impériale est donc riche de multiples sens et suscite, aujourd’hui encore, des débats passionnés chez les historiens et chez les politiques.
2 | LES INSTITUTIONS IMPÉRIALES ET LEURS ORIGINES |
L’Empire connaît deux Constitutions : la première est instaurée le 18 mai 1804 ; il s’agit précisément d’un sénatus-consulte organique destiné à adapter la Constitution consulaire de l’an X à la nouvelle réalité impériale. La seconde est un acte additionnel promulgué le 22 avril 1815, lors des Cent Jours.
En fait, l’essentiel du fonctionnement est repris des Constitutions consulaires de l’an VIII et de l’an X ; les modifications renforcent le pouvoir de l’empereur, en particulier en matière de contrôle de l’opinion et vis-à-vis du Sénat. L’historien Jacques Godechot en conclut ainsi l’analyse : ces textes instaurent « un régime dictatorial et militaire qui, malgré quelques trompe-l’œil, est en fait plus absolu que ne le fut jamais le régime monarchique sous Louis XIV «.
Le pouvoir législatif est exercé par l’empereur, avec l’aide partagée de trois Chambres : le Tribunat (100, puis 50 membres après 1804) supprimé dès 1807, instance de discussion des lois ; le Corps législatif (300 membres), instance de vote des lois ; le Sénat, enfin, avec droit de regard sur la constitutionnalité et la promulgation des lois adoptées par le Corps législatif ; il vote aussi les modifications constitutionnelles. La composition de ces trois Chambres est du ressort de l’empereur qui en choisit les membres à partir d’une « liste nationale « élue après deux degrés au suffrage universel très tempéré par toute une série de restrictions. Le Corps législatif et le Sénat sont convoqués par l’empereur qui espace les recours à la première assemblée à partir de 1809.
L’empereur, qui peut légiférer en recourant aux décrets et aux plébiscites, nomme un Conseil d’État chargé de préparer les lois : ce Conseil est directement inspiré du Conseil du roi de la monarchie absolue. Les sénateurs, nommés par lui sans limitation de nombre, sont choisis parmi les dignitaires de l’Empire.
Pourquoi Napoléon perce-t-il sous Bonaparte, l’ancien jacobin ardent, admirateur secret de Jean-Paul Marat ? D’une part, sans doute, par ambition personnelle et désir d’être identifié à Alexandre le Grand et Auguste. Bonaparte, par ailleurs, est fasciné par le système de cour de l’Ancien Régime et porte ostensiblement à son doigt le diamant « le Régent « ; choisir le palais des Tuileries comme lieu de résidence est un autre signe de cette fascination. D’autre part, sous la pression de sa famille, il souhaite instaurer une dynastie : la Constitution prévoit, au cas où il n’aurait pas d’héritiers, que l’Empire soit transmis après adoption (à la mode de l’Empire romain) à l’un de ses neveux. Troisième facteur : l’étendue des conquêtes fait de la France un État où coexistent de multiples et anciennes nations, et l’Empire est la forme normale pour ce type de situation ; de plus, l’intégration de la France dans l’Europe passe par une normalisation de ses institutions.
Napoléon Bonaparte est enfin poussé vers un régime, fort à la fois par les nécessités stratégiques et par un entourage craignant plus que tout le retour à une anarchie républicaine qui met en péril l’ordre public et les sacro-saintes propriétés entre 1789 et 1799. Régis de Cambacérès, Joseph Fouché (surnommé le Mitrailleur de Lyon sous la Révolution), Jean-Lambert Tallien, entre autres, ainsi que les frères de Napoléon et certains de ses généraux comme Joachim Murat l’encouragent dans ce sens. Le complot de Georges Cadoudal en 1804, qui sert de prétexte à l’arrestation et à l’exécution du duc d’Enghien (21 mars 1804), justifie la modification constitutionnelle de l’an XII : il faut élever une barrière symbolique pour protéger Napoléon de ses ennemis ; l’hérédité impériale doit ruiner leurs espoirs de tuer la Révolution en assassinant Napoléon, comme l’affirme par exemple une adresse des autorités civiles des Bouches-du-Rhône en mai 1807. Ces autorités civiles représentent, depuis l’accession de Bonaparte au pouvoir, l’un des plus sûrs appuis de son gouvernement — ce qu’il appelle les « masses de granit «.
Ces « masses de granit « sont instituées avant l’Empire ; elles sont l’œuvre de la période consulaire. Elles concernent l’administration départementale avec l’institution des préfets (les « empereurs au petit pied «) dès le 17 février 1800 ; l’administration fiscale systématiquement réorganisée tant dans la composition de son personnel que dans ses formes (les « quatre vieilles «, rétablies en 1804) et dans ses modes de prélèvement (mise en place d’une Direction du recouvrement des impôts directs avec des fonctionnaires précisément attachés à elle, révision générale du cadastre) ; le système monétaire et bancaire avec la création de la Banque de France (13 février 1800) et du franc-germinal (28 mars 1803) ; le commerce et l’industrie, favorisés par la création de 22 chambres de commerce et d’industrie (24 décembre 1803) ; en ce qui concerne la justice, il s’agit avant tout, après une réorganisation des tribunaux, du Code civil adopté le 21 mars 1804 ; sur le plan social, ces masses consistent en la reconstitution d’une élite distinguée par la Légion d’honneur instituée le 19 mai 1802, puis par la formation d’une noblesse d’Empire (1er mars 1808), tandis que l’ordre public et les hiérarchies économiques sont préservées par la confirmation des décrets d’Allarde et Le Chapelier (12 avril 1803) et par l’institution du livret ouvrier (1er décembre 1803). L’œuvre est tout aussi déterminante en matière d’enseignement secondaire et supérieur : les grandes Écoles créées en 1794 (Polytechnique, Arts et Métiers, École normale supérieure) voient leur prestige réhaussé ; les lycées sont organisés par la loi du 1er mai 1802 pour former les futurs cadres de la nation et de l’armée ; l’Université est réorganisée avec, le 10 mai 1806, la création de l’Université impériale, seule habilitée à collationner les grades.
L’administration qui forme, prélève et contrôle, est donc le pilier du fonctionnement de l’Empire. Héritier du centralisme jacobin, Napoléon souhaite avoir ainsi le regard sur tout son Empire ; la connaissance et le contrôle de l’opinion publique est l’une de ses obsessions. Les personnages de Joseph Fouché, de François Vidocq entrent dans la légende noire de l’Empire. À l’activité d’une police remarquablement organisée, il faut ajouter celle des préfets qui savent choisir, pour remplir les listes électorales, les partisans de l’empereur. La moindre opposition est sanctionnée — d’où la suppression du Tribunat qui a pu faire figure à l’époque consulaire de Chambre d’opposition ; d’où les disgrâces temporaires ou définitives de Talleyrand, de Chateaubriand, de Fouché lui-même.
3 | L’HISTOIRE POLITIQUE INTÉRIEURE DE L’EMPIRE |
L’exécution du duc d’Enghien (« plus qu’un crime, une faute «, selon Talleyrand) est l’événement qui décide Napoléon à franchir le pas de l’Empire. Le sénatus-consulte, dit Constitution de l’an XII, est adopté le 18 mai 1804. Entre cette décision législative et le sacre du 2 décembre, Napoléon Bonaparte prend soin de ménager l’armée, indispensable appui de son pouvoir qui, sur le plan symbolique, a créé l’Empire. Le 19 mai, il nomme les maréchaux d’Empire et, le 16 août, il distribue les croix de la Légion d’honneur à l’armée du camp de Boulogne, qui se prépare à aller triompher de la « perfide Albion «.
Le sacre de Napoléon Bonaparte en présence du pape Pie VII est une débauche de symboles dont le tableau immédiatement commandé à Jacques Louis David, devenu peintre officiel du régime, fait une synthèse inlassablement copiée, gravée et diffusée dans tout l’Empire. L’empereur, revêtu de la pourpre à l’image des empereurs byzantins, couronné du laurier tel un général romain divinisé par le triomphe, lève au-dessus de la tête de son épouse, Joséphine de Beauharnais, dont la traîne est tenue par les sœurs de l’empereur (en fait, elles refusent de la porter), la couronne impériale fermée. Derrière lui, le pape, assis, les dignitaires de l’Église française, évêques et abbés. De part et d’autre, les dignitaires laïques de l’Empire regroupés par corps (les maréchaux, les conseillers, les sénateurs). L’ordonnancement de la cérémonie veut être l’image allégorique du nouvel ordre impérial. Pour renforcer encore la référence romaine, le 5 décembre, les aigles impériaux sont distribués à l’armée rassemblée au Champ-de-Mars ; elle est à cette occasion rebaptisée la Grande Armée, perdant son caractère national en gagnant ce majestueux qualificatif qui traduit son très réel cosmopolitisme croissant.
L’ordre intérieur est assuré par un contrôle croissant de la presse, dont Napoléon se défie de plus en plus. Dès 1804, il rappelle à Fouché sa mission vis-à-vis des journaux : « Réprimez un peu les journaux ; faites-y mettre de bons articles. « La commission pour la liberté de la presse prévue dans la Constitution de l’an XII a quelques dizaines de cas à traiter, qui sont tous classés sans suite. Ce contrôle est effectué dans chaque département par les préfets qui ne doivent tolérer qu’un nombre limité de journaux soumis à une censure préalable et systématique. Napoléon dispose au moins de trois réseaux de renseignements intérieurs distincts (Fouché, Dubois et le sien propre) qui le renseignent au jour le jour sur l’état de l’esprit public — et sur l’avancement des multiples conspirations qui jalonnent son règne. Les plus fidèles serviteurs ne sont pas épargnés et Fouché lui-même connaît la disgrâce en 1810.
Napoléon Ier, qui impose au pape sous le Consulat la signature du Concordat de 1801, contrôle avec un soin particulier la fidélité du clergé ; lorsque le pape veut s’opposer à l’empereur au sujet de son divorce ou au sujet de la réforme du Concordat, Napoléon le fait arrêter (1809) puis exiler à Fontainebleau (1811) ; le pape finit par capituler, acceptant le nouveau Concordat le 25 janvier 1813 — quitte à le dénoncer le 24 mars suivant. Napoléon défend une conception gallicane du clergé — une conception donnant au clergé français une grande autonomie vis-à-vis du Saint-Siège. Pour Napoléon, le clergé catholique est uniquement un moyen de mieux contrôler le peuple ; il confirme parallèlement la liberté de culte pour les protestants et pour les juifs.
L’entreprise de propagande en faveur du nouveau régime utilise comme un simple ressort le fait religieux. Ainsi, dès 1806 (4 avril) est publié un « catéchisme impérial « qui explique, par exemple : « [...]Dieu qui crée les empires et les distribue selon Sa volonté, en comblant notre Empereur de dons, l’a rendu le ministre de Sa puissance et Son image sur la terre. Honorer et servir notre Empereur est donc honorer et servir Dieu Même. « Diffusé dans les écoles élémentaires et les classes de catéchisme, ce texte révèle surtout la multiplicité des stratégies de propagande dont sait user Napoléon.
La politique des arts s’inscrit dans le même souci de donner au régime un parfum d’éternité. Si les arts sont très soigneusement encadrés par les Académies reconstituées et par des distributions soigneusement dosées de titres prestigieux comme « peintre officiel de l’Empereur «, la peinture impériale bénéficie de l’apport de noms réellement prestigieux dont Jacques Louis David et Hubert Robert, formés sous l’Ancien Régime et dont le talent est reconnu successivement par toutes les autorités révolutionnaires. Avec Jacques Louis David et Jean-Baptiste Debret triomphe l’école « néoclassique « chargée, par la peinture historique ou par l’allégorie, de magnifier le régime. Antoine-Jean Gros, Jean Auguste Dominique Ingres, Théodore Géricault font ainsi leurs premières armes dans le sérail impérial. En matière architecturale, Napoléon n’a le temps de faire achever que la colonne Vendôme (version moderne de la colonne Trajane à Rome), l’Arc de triomphe du Carrousel qui renvoie au même référent romain, une partie du Louvre (devenu musée depuis 1794), la Madeleine et le palais Brongniart. Le régime impose à tous les niveaux de la création ses normes : le style Empire est caractérisé par ses formes géométriques « à l’antique «, ses aigles romains et ses sphinx en dorures qui rappellent la campagne d’Égypte. La mode elle-même utilise les modèles antiques, avec une taille prise sous la poitrine chez les femmes et des tissus blancs drapés (tel le portrait de Madame Récamier réalisé par Jacques Louis David).
Cette politique artistique s’intègre dans une logique dont procèdent la politique scolaire de contrôle et d’extension des établissements, des personnels et des enseignements ainsi que la politique systématique d’encouragement aux sciences. Le chimiste Jean-Antoine Chaptal est l’un des principaux responsables du régime ; Gaspard Monge, Claude Louis Berthollet, Alessandro Volta sont placés aux postes les plus prestigieux (Collège de France, École normale supérieure, École polytechnique, Université impériale) ; Napoléon lui-même est passionné par les sciences physiques et les mathématiques. Le premier Empire est une période d’intense activité en matière de recherche dont certaines sont bien sûr orientées vers la recherche militaire : Napoléon subventionne ainsi les premières tentatives de fusées explosives.
Tout comme les théoriciens, les ingénieurs sont choyés par le régime impérial : Christophe Philippe Oberkampf est ainsi élevé en 1806 dans l’ordre de la Légion d’honneur, comme Benjamin Delessert, l’inventeur du sucre de betterave, en 1810. Les industriels, les commerçants, les agriculteurs constituent en effet l’objet de toutes les attentions du régime. Aux préfets, dès 1800, Lucien Bonaparte (ministre de l’Intérieur) conseille : « Aimez, honorez les agriculteurs [...] Protégez le commerce [...] Visitez les manufactures [...] «
S’il protège avec soin les entreprises privées, le nouveau régime n’en demeure pas moins très dirigiste dans son action économique : le bureau de la statistique, les conseils de prud’hommes, les chambres de commerce et d’industrie, les tarifs douaniers multipliés pour protéger les productions nationales, la propriété d’État du sous-sol confirmée par la loi de 1810, autant d’actions qui traduisent de la part de l’Empire la même passion pour le contrôle total de la marche de l’économie. Les paysans s’en trouvent bien : le premier Empire est une période de hausse régulière des salaires et des produits du fermage, l’État compensant, dans le cadre global de récoltes convenables, les irrégularités de la production (crise de 1810-1811).
Aussi les oppositions intérieures sont-elles relativement discrètes. Au niveau populaire, le problème chouan est définitivement réglé en 1804 ; seule subsiste une pratique ponctuelle du brigandage rural. Les républicains issus du jacobinisme se tiennent cois et sont l’objet d’une surveillance constante de la part de la police. Aux niveaux supérieurs, les complots — tels les deux complots du général Mallet — sont localisés et réprimés sans faiblesse. Cependant, l’opposition n’est pas inexistante. Sur le plan des institutions, le Tribunat est épuré par Napoléon à plusieurs reprises avant d’être supprimé : des individualités comme Benjamin Constant ou Marie-Joseph Chénier manifestent clairement leur opposition aux mesures les plus autoritaires ; certains projets, il est vrai surtout à la période consulaire, doivent être reportés. L’opposition se concentre alors dans des cercles privés comme ceux qu’animent Madame de Staël ou les « idéologues « (comme les surnomme avec un certain mépris l’empereur), qui défendent en matière économique des positions beaucoup plus libérales que celles du pouvoir (comte de Destutt de Tracy). La plupart de ces opposants déclarés sont disgraciés et confinés dans des fonctions administratives, comme Pierre Claude François Daunou aux Archives nationales. L’unité de la nation est un impératif catégorique dans le contexte de la guerre constante.
4 | L’EMPIRE FACE À L’EUROPE |
Le premier Empire ne connaît guère que quatre années de paix au total (1808, 1809-1813). Il est fondé alors que fait rage la guerre contre la première coalition unissant le Royaume-Uni, l’Autriche, la Prusse et la Russie, et s’effondre sous les coups de la sixième coalition qui comprend aussi la Suède. Des quatre coalitions que l’Empire doit affronter, le Royaume-Uni est l’inlassable animateur et bailleur de fonds. Il est sans nul doute l’obstacle principal à l’achèvement du projet européen de Napoléon.
Sans entrer dans le détail des batailles, les guerres napoléoniennes donnent aux affrontements rangés un rôle prépondérant. La victoire d’Austerlitz, le 2 décembre 1805, ou au contraire la défaite de Leipzig (16-19 octobre 1813), commandent l’ouverture des négociations. L’empereur et ses maréchaux savent galvaniser longtemps l’enthousiasme des Français. La désertion est cependant une attitude de plus en plus fréquente : la conscription, universelle pour les hommes de vingt à vingt-cinq ans, n’épargne que les pères de famille. La Grande Armée incorpore ainsi deux millions d’hommes de 1803 à 1815, non seulement des Français, mais aussi des recrues des pays conquis. La tactique napoléonienne repose essentiellement sur l’appui de l’artillerie et la rapidité des offensives de cavalerie. Certains corps, tels les hussards ou la garde impériale, sont particulièrement réputés. L’intendance de l’armée, confiée à Pierre Bruno Daru, devient un élément central dans la stratégie impériale.
L’apogée de l’Empire, en 1812, suit la paix de Vienne (14 octobre 1809) imposée à l’Autriche après la bataille de Wagram (6 juillet 1809). L’organisation napoléonienne repose, d’une part, sur une mesure défensive : le blocus continental imposé à l’irréductible Royaume-Uni (21 novembre 1806, décret de Berlin) ; d’autre part, sur un système hiérarchisé d’alliances et de soumissions.
La France s’étend sur 130 départements, des Bouches de l’Elbe au Tibre. Toute la rive gauche du Rhin est annexée, de même que les Alpes italiennes. Les provinces Illyriennes sont rattachées à l’Empire. Tout cet espace est soumis à la Constitution du premier Empire et à l’autorité de préfets français.
Des États vassaux constituent une zone largement soumise à l’Empire : Joachim Murat, beau-frère de l’empereur, est roi de Naples ; la Suède est soumise à Jean-Baptiste Bernadotte, autre maréchal d’Empire qui règne sous le nom de Charles XIV ; l’Espagne, après sa rébellion de 1808, est soumise à une occupation de 300 000 hommes et au règne de Joseph Bonaparte. La Confédération du Rhin regroupe des États issus de l’ancien Saint Empire romain germanique, et le grand-duché de Varsovie est une résurrection de la Pologne dépecée à la fin du xviiie siècle. Dans ces différents États, l’égalité juridique est instaurée, les droits féodaux abolis, des codes civils sont adoptés. Leurs limites traduisent une certaine conception des nationalités, héritage au moins de façade de l’esprit révolutionnaire.
Les États alliés sont la troisième catégorie du système napoléonien. Il s’agit du royaume de Prusse, de l’empire d’Autriche et de l’empire de Russie. Le mariage de Napoléon et de Marie-Louise concrétise l’alliance autrichienne (1810). En fait, dans ces trois cas, seule la force militaire contraint les anciens ennemis à plier devant l’Empire français et, dès 1812, la Russie, inquiète d’une résurrection de la Pologne, rompt avec la France. Napoléon lance la Grande Armée en Russie, mais la campagne de Russie se solde par un désastre (retraite de Russie, 19 octobre-29 novembre 1812). La Prusse entre en guerre contre Napoléon (17 mars 1813), puis l’Autriche (15 août), et même la Suède lorsque Bernadotte change de camp. La bataille des Nations, à Leipzig, fait exploser la Confédération du Rhin ; les alliés peuvent envahir la France, recevant l’appui de Murat en janvier 1814. Après une campagne indécise et difficile, Paris est prise le 31 mars 1814 et, du 2 au 6 avril, le Sénat puis le Corps législatif prononcent la déchéance de l’empereur, abandonné par ses maréchaux. Napoléon abdique et se voit remplacé par Louis XVIII, ci-devant comte de Provence et frère de Louis XVI. Le traité de Fontainebleau (11 avril) puis les adieux à la vieille Garde (20 avril) sont les derniers épisodes de l’épopée dramatique qui aboutissent à la fin de l’Empire.
L’expérience des Cent-Jours (20 mars-22 juin 1815) est une synthèse de ce qui fait la force et de ce qui précipite la chute du premier Empire. Du débarquement à Fréjus à l’arrivée triomphale à Paris (1er-20 mars), le « vol de l’aigle « montre à la fois le très fort attachement des Français à ce que représente l’Empire — à savoir la préservation des acquis révolutionnaires que la première Restauration semble devoir balayer — et l’extraordinaire esprit de décision et d’initiative de l’empereur. Le petit homme malade, chauve et bedonnant possède encore un vrai charisme de chef d’État. Il sait aussi renverser à son profit le sentiment des élites, transformant la Constitution impériale en un régime calqué sur celui de la Charte « octroyée « par Louis XVIII en 1814. Il se trouve confronté au réveil de la Chouannerie et à l’immédiate reconstitution d’une coalition qui le terrasse à la bataille de Waterloo le 18 juin 1815 : une bataille décide encore du sort du régime. Le 22 juin, Louis XVIII est rétabli et Napoléon exilé, définitivement, à Sainte-Hélène.
Le premier Empire est, dans l’histoire de France, une expérience unique de pouvoir autocratique appuyé à la fois sur des principes issus de la République, sur des victoires militaires et sur une Constitution totalitaire. À la fois fascinant et repoussant, il constitue en grande partie l’idée nationale telle qu’elle s’épanouit dans l’Europe du xixe siècle. Il laisse, dans la mémoire de toutes les écoles de pensée politique, l’empreinte indélébile d’un moment fondateur.
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