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Publié le 22/05/2020
Extrait du document
«
Don Juan se présente comme un homme libre qui n’admet aucun obstacle à sa liberté.
C’est
pourquoi la fidélité lui paraît le pire ennemi de l’amour : « La belle chose que de vouloir se piquer
d’un faux honneur d’être fidèle ».
La fidélité est un emprisonnement volontaire qui, en forçant à
faire un choix, élimine les autres possibilités que le libertin entend maintenir la plus largement
ouvertes.
Elle est la mort de la passion amoureuse, car la possession enlève au désir sa force et son
attrait : « lorsque en est maître une fois (…) tout le beau de la passion est fini, et nous nous
endormons dans la tranquillité d’un tel amour «.
Voilà pourquoi le meilleur de l’amour est dans la
fraîcheur de ses débuts, dans l’excitante nouveauté des « inclinations naissantes ».
Don Juan refuse
la tiédeur en amour.
Il veut que son désir conserve sa fièvre et son impatience.
En fait, ce qu’il
désire, c’est le désir lui-même.
On peut dire que le désir du plaisir l’intéresse moins que le plaisir du
désir.
C’est pourquoi peu lui importe qui il aime pourvu qu’il aime.
Par cette conduite narcissique
dans laquelle il se plaît d’abord à lui même, Don Juan cherche à échapper à l’espace et au temps.
Pour dure, l’amour doit donc, pour lui, reposer sur l’inconstance, qui par attrait de la nouveauté
maintient le désir en alerte : « tout le plaisir de l’amour est dans le changement ».
Cette phrase
définit le donjuanisme, qui fait de la multiplication des conquêtes la condition de l’amour.
Don Juan
est le contraire de Tristan pour qui Yseult est le seul et unique amour de sa vie.
A l’éternité de la
passion amoureuse, Don Juan oppose la succession fiévreuse des instants.
A la « passion » au
singulier, il préfère le pluriel des rencontres multipliées qui satisfont son désir de totalité, marqué
par la répétition de l’adjectif « toutes » : « Toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage
d’être rencontrée par la première en doit point dérober aux autres les justes prétentions quelles ont
toutes sur nos cœurs ».
II-Le charme de la beauté
Don Juan justifie cette inconstance par l’attrait irrésistible qu’exerce sur lui la beauté féminine : «
Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence
dont elle nous entraîne ».
Toujours à la recherche du plaisir des sens, il est immédiatement sensible
à la beauté qui se présente à lui et, comme s’il cédait à une urgence, il veut sans attendre tirer plaisir
d’elle : « je ne puis refuser mon cœur à tout ce que vois d’aimable, et dès qu’un beau visage me le
demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous ».
L’amour a sur lui un pouvoir fatal et
inévitable, que traduisent les mots « ravit » , « cède », « entraîne », ou encore « charmer », qui a au
XVIIème siècle un sens fort et veut dire « envoûter », « ensorceler ».
Le libertin a besoin de cet
envoûtement.
Paradoxalement si le séducteur est actif et dominateur lorsqu’il attaque ses proies, il
est passif dans le désir.
III-Art de l’amour, art de la guerre
Mais il y aussi dans cette conception de l’amour un plaisir de la séduction qui prend la forme d’un
combat amoureux et apparente l’art de l’amour à l’art de la guerre.
La femme est présentée comme
un ennemi dont l’amant libertin veut triompher exactement comme dans une lutte armée.
C’est le
vocabulaire militaire qui décrit l’entreprise amoureuse : « On goûte une douceur extrême à réduire
par cent hommage le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait,
à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a
peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances quelle nous oppose, à
vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur ».
L’amour est pour le libertin une façon
d’assouvir un besoin de puissance et de domination.
Rappelons que l’aristocratie a perdu après la
Fronde, complot manqué de la noblesse contre l’Etat, une partie de ses prérogatives habituelles en
matières de guerre et de diplomatie.
Louis XIV, pour domestique les grands seigneurs naturellement
rebelles à la monarchie absolue, les a transformés en courtisans inoffensifs dans la prison dorée de
Versailles.
La littérature et la galanterie devinrent alors des compensations grâce auxquelles ils
pouvaient en partie assouvir leur volonté de puissance.
B – Un portrait du libertin
Cette profession de foi sur l’amour nous permet aussi de nous faire une idée plus précise de la
personnalité du libertin.
I-Liberté absolue, instabilité perpétuelle..
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