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DISSERTATION LA BRUYERE, LES CARACTERES et William Shakespeare

Publié le 29/05/2025

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« DISSERTATION LA BRUYERE, LES CARACTERES SUJET : « Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle », écrivait William Shakespeare dans Le Marchand de Venise en 1597. Dans quelle mesure peut-on dire que Les Caractères de La Bruyère illustrent cette conception du monde dans ses évocations de la société du XVIIe siècle ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur votre connaissance des Caractères de La Bruyère, du parcours associé et de votre lecture cursive. Le XVII° siècle est celui du règne austère mais prolifique dans le domaine artistique de Louis XIV.

Le classicisme codifie l’art de manière stricte, mais le mécénat du Roi Soleil permet le rayonnement culturel de la France.

C’est aussi l’âge d’or des moralistes classiques, qui cherchent à dépeindre la nature humaine et les mœurs dans l’optique de « Plaire et instruire » tout à la fois.

Jean de La Bruyère est un moraliste classique, bourgeois anobli qui a pu fréquenter la cour versaillaise par ses charges auprès de la famille des Condé.

Il a ainsi pu brosser un portrait des comportements observés dans la société dans ses Caractères, publiés en 1688.

Ce recueil de maximes, portraits satiriques et anecdotes regroupe ainsi dans plusieurs livres toutes ses observations et critiques sur le fonctionnement du monde du 17 e siècle.

La citation de Shakespeare du sujet proposé renvoie au motif du « theatrum mundi », selon lequel le monde est un vaste théâtre dans lequel les gens « jouent un rôle ».

Il s’agit d’une véritable comédie sociale qui se met en place dans la société, afin de s’y intégrer, de s’y faire bien voir.

L’objectif intéressé des courtisans étant principalement de se faire remarquer des « Grands » ou du Roi afin d’obtenir faveurs et privilèges.

Ils utilisent alors toutes les ressources théâtrales dont ils disposent afin d’être en représentation permanente.

Nous nous demanderons donc ce qu’emprunte La Bruyère au genre théâtral pour décrire la société de son temps et pour en dénoncer l’obsession des apparences. Pour ce faire, nous verrons d’abord que le monde devient un véritable lieu de représentation, puis que les courtisans y jouent un rôle, tels de véritables comédiens, pour enfin voir comment le moraliste se transforme en metteur en scène. Tout d’abord, le monde devient un véritable théâtre, dans le sens d’un lieu de représentation.

La société d’alors est d’ailleurs passionnée de divertissements.

Ces derniers sont omniprésents au 17e siècle, car ils sont l’occasion pour le roi d’asseoir son pouvoir et de rassembler son royaume.

Dans Les Caractères, La Bruyère parle de ces divertissements, avec les fêtes (VIII, 4), le théâtre (de Racine dans le livre VIII, 42).

Il fait aussi référence aux comédiens du temps, Mondori et Floridor à la remarque 50 du livre IX, à la musique de Lully (VIII, 42).

On trouve aussi, ici et là, des références à des parades militaires ou encore « un concert », « beau salut », « prestige de la Foire » dans le portrait du « spectateur de profession » (VII, 13) ou encore à des feux d’artifice. C’est donc une société où l’on aime s’amuser.

Partout, on assiste à « l’empressement pour les spectacles, […] les éclats et les applaudissements aux théâtres de Molière et d’Arlequin, les repas, la chasse, les ballets, les carrousels » (VIII, 63).

La Bruyère évoque aussi le goût du jeu, des bons mots, de l’esprit de salon. C’est le roi Louis XIV qui orchestre, autour de lui, cette cour versaillaise, avide de plaisirs et de divertissements.

C’est ainsi qu’il est parvenu à désarmer les nobles de la Fronde. Dans le fragment 74 du livre VIII, il décrit les Grands du royaume réunis autour de lui lors d’une messe prononcée dans la chapelle royale : « les Grands forment un vaste cercle, […] les faces élevées vers leur roi, que l’on voit à genoux sur une tribune, et à qui ils semblent avoir tout l’esprit et tout le cœur appliqué » : il est la clef de voûte de ce système.

La même idée se retrouve dans la fable de « La Cour du Lion » de La Fontaine, où le Lion veut regrouper ses sujets à l’occasion d’une grande fête.

Le long fragment conclusif du livre X des Caractères, « Du Souverain ou de la République », avec la liste des compétences attendues d’un parfait monarque, évoque en creux Louis XIV : « se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles ; cultiver les arts et les sciences ; former et exécuter des projets d’édifices surprenants.

Un génie enfin supérieur et puissant qui se fait aimer et révérer des siens » (X, 35). Cette société aime le rire, et il est partout présent.

D’abord, il l’est par les représentations et les spectacles comiques.

La comédie acquiert d’ailleurs à cette époque ses titres de noblesse avec Molière, qui invente le genre de la comédie-ballet, doublement divertissante. On rit parfois pour rien (IX, 27), et d’un rire moqueur, ce que dénonce l’auteur : « La moquerie est souvent indigence d’esprit » (57, V).

Le rire est souvent, dans cette société très hiérarchisée qu’il décrit, l’apanage du plus puissant, et non, comme il se devrait, du plus bel esprit. Le moraliste plaide davantage pour un rire à propos, sans méchanceté, il veut « être utile et non blesser ».

C’est à ce titre la visée de ses portraits : la satire n’est pas une moquerie méchante, mais elle est là pour éduquer et corriger les comportements. Dans cette société entourée de divertissements, tout devient sujet de représentation.

Et finalement, les gens s’y montrent et s’y font remarquer à dessein.

Le théâtre n’est plus seulement au théâtre, il est partout : en ville, à la cour.

A la Cour, il faut être le plus visible possible pour se faire remarquer des Grands : La Bruyère l’évoque clairement dans sa remarque 64 du Livre VIII, « De la Cour » : « la vie de cour est un jeu sérieux ».

Tout cela s’organise donc autour d’une comédie sociale. Il en va de même en ville : « on se donne à Paris, sans se parler, pour se regarder au visage et se désapprouver les uns les autres » (VII, 1).

Le portrait dressé de l’anonyme au Livre VII, remarque 13, montre un homme-pantin, qui se rend inlassablement et quotidiennement dans tous les lieux publics afin de voir et de se faire voir. Le moraliste reprend ainsi à son tour le topos du theatrum mundi pour décrire la société de son temps car, selon lui, les Parisiens et les courtisans aspirent à être vus et regardés : « les femmes se rassemblent pour montrer une belle étoffe, et pour recueillir le fruit de leur toilette, on ne se promène pas avec une compagne par la nécessité de la conversation : on se joint ensemble pour se rassurer sur le théâtre, s’apprivoiser avec le public, et se raffermir contre la critique » (VII, 3).

La Bruyère, comme Shakespeare, compare de manière implicite la vie ici-bas à une scène de théâtre : il emploie l’expression « le théâtre du monde » dans le livre VI, remarque 31. Si le monde est un théâtre, alors il lui faut des acteurs, et les parisiens et courtisans sont là pour s’en charger. Dans ce monde entièrement théâtral, les courtisans jouent le rôle d’acteurs de cette comédie sociale.

Pour cela, ils font preuve d’hypocrisie.

Ils jouent donc tous un rôle.

La Bruyère dénonce, partout dans Les Caractères, la rouerie et l’hypocrisie des courtisans qui cherchent à faire carrière à la cour à force de flatteries et de grimaces, d’où l’utilisation massive qu’il fait de la métaphore du comédien, par exemple dans les portraits de Théodote qui « avec un habit austère a un visage comique et d’un homme qui entre sur la scène ; sa voix, sa démarche, son geste, son attitude accompagnent son visage» (VIII, 61), ou encore de Pamphile, type même du courtisan versaillais, qui est significativement comparé aux plus célèbres comédiens de l’époque : « les Pamphiles […] toujours comme sur un théâtre, […] vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris » (IX, 50). Pour jouer un rôle, il faut se dissimuler derrière un « masque » : c’est d’ailleurs le sens étymologique d’hypocrite.

C’est ce que fait par exemple le caméléon Ménophile qui revêt plusieurs masques selon l’occasion qui s’y prête (VIII, 48).

La dissimulation devient un véritable art, maîtrisé à la perfection par la marquise de Merteuil, et qui détaille sa méthode dans la lettre 81 des Liaisons dangereuses de Laclos. Ils n’hésitent pas non plus à mentir pour se faire apprécier : Arrias, dans le livre I, est démasqué pour son mensonge à propos de Sethon, quand c’est ce dernier qui lui répond.

Dans son sonnet 150 des Regrets, Du Bellay évoque aussi le mensonge des courtisans, capables d’affirmer avoir vu « la lune en plein midi, à minuit le soleil ». Peut-être encore plus satirique,.... »

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