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Diderot - Le Neveu de rameau

Publié le 09/12/2021

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« Cependant, comme il fallait faire quelque chose, je lui prenais les mains que je lui plaçais autrement ; je me dépitais, je criais, sol, sol,sol, mademoiselle, c'est un sol.

La mère : « Mademoiselle, est-ce que vous n'avez point d'oreilles ? Moi qui ne suis pas au clavecin, et quine vois pas sur votre livre, je sens qu'il faut un sol.

Vous donnez une peine infinie à monsieur ; je ne conçois pas sa patience ; vous neretenez rien de ce qu'il vous dit, vous n'avancez point...

» Alors je rabattais un peu les coups l, et hochant de la tête, je disais :«Pardonnez-moi, madame, pardonnez-moi ; cela pourrait allez mieux si mademoiselle voulait, si elle étudiait un peu, mais cela ne va pasmal.

» La mère : « A votre place, je la tiendrais un an sur la même pièce 2.

— Oh ! pour cela, elle n'en sortira pas qu'elle ne soit au-dessus de toutes difficultés ; et cela ne sera pas si long que madame le croit.

— Monsieur Rameau, vous la flattez.

Vous êtes trop bon.Voilà de la leçon la seule chose qu'elle retiendra et qu'elle saura bien me répéter dans l'occasion.

» L'heure se passait ; mon écolière meprésentait le petit cachet avec la grâce du bras et la révérence qu'elle avait apprise du maître à danser ; je le mettais dans ma poche,pendant que la mère disait : « Fort bien, mademoiselle ; si Javillier était-là, il vous applaudirait.

» Je bavardais encore un moment parbienséance ; je disparaissais ensuite, et voilà ce qu'on appelait alors une leçon d'accompagnement.Diderot, Le Neveu de Rameau. Appréciez dans ce texte l'observation comique des mœurs, l'art de présenter une situation dramatique et de faire vivre des personnagespar le mouvement même du « discours ». INTRODUCTION Dans Le Neveu de Rameau, Diderot nous présente un étrange personnage, « singulier mélange de hauteur et de bassesse, de bon senset de déraison », qui vit au jour le jour, tantôt hébergé par de riches bourgeois, tantôt occupé à quelque activité mal rémunérée.

Le romanest avant tout une conversation entre Diderot lui-même et le Neveu du grand compositeur, qui disserte avec brio sur toutes sortes desujets : le génie, l'amour-propre des parasites, la morale et la société, les pauvres et l'injustice.

Son amour de la musique — son seulpoint commun avec son illustre parent — lui a donné naguère l'idée de gagner sa vie en enseignant le piano : ses compétences sontnulles, mais peu importe.

L'assurance suffît à tout et il faut bien aider les riches à « restituer ».L'extrait à commenter nous conte une de ces leçons dans une grande maison bourgeoise de Paris : après un dialogue mondain, la leçonproprement dite s'engage.

L'étude des mœurs bourgeoises, l'originalité de la situation, les gestes et les paroles qui donnent vie etprésence aux personnages retiennent notre attention. I.

L'OBSERVATION COMIQUE DES MŒURS Tout le passage est satirique : l'observation des mœurs, trahies par les attitudes, la conversation, le ton même des interlocuteurs estcomique, parfois parce que l'auteur y ajoute une légère exagération ; mais le plus souvent par la vérité même des ridicules assemblés :la leçon de musique n'est-elle pas l'exemple parfait des vanités et des mesquineries d'une bourgeoisie qui se pique de mode, demondanités, et de fausse culture ? N'est-elle pas aussi l'illustration de toutes les complaisances, teintées de cynisme, du gagne-petit quivit, misérablement, de ses leçons ou plutôt des flatteries qu'il prodigue à ses vaniteux clients ?Notons aussi la feinte sévérité de la mère, la fausse ingénuité de l'élève.

C'est la comédie, à tous points de vue.Un humour subtil se dégage de l'accumulation des lieux communs, des déclarations qui n'ont aucune valeur réelle, parfois même aucunsens : « cela pourrait aller mieux...

vous êtes trop bon...

je sens qu'il faut un sol...

vous donnez une peine infinie à Monsieur...

si Javillierétait là, il vous applaudirait...

! » Ce flot de paroles vaines s'accorde avec les grâces affectées et la révérence de la jeune fille, la mimiquedu soi-disant maître qui dispose les mains de l'élève sur le piano, hoche la tête et escamote enfin le petit cachet proposé par l'écolière... II.

L'ART DE PRÉSENTER UNE SITUATION La situation, lorsqu'on y pense, est vraiment cocasse : le maître est ignorant, comme il l'avait cyniquement dit à Diderot : «Il fallait fairequelque chose...

je me dépitais, je criais, sol, sol, sol, mademoiselle, c'est un sol...

» Mais la mère est plus ignorante encore, et s'efforcede paraître bonne musicienne en répétant les paroles du maître et en gourmandant sa fille « Mademoiselle, est-ce que vous n'avez pointd'oreilles ? Moi qui ne suis pas au clavecin...

je sens que c'est un sol »...

Comment pourrait-elle en vérité le sentir ? L'astucieux professeurne risque pas d'être démasqué : bien plus, il peut se montrer indulgent, et repousse les conseils de sévérité maternels, se contentant defaire « reprendre sans cesse » l'exécution du même morceau : « Elle n'en sortira pas qu'elle ne soit au-dessus de toutes les difficultés ! »N'oublions pas le lecteur, dont la complicité est en quelque sorte requise dès le début du dialogue.

Il y a comme un clin d'œil du Neveu àDiderot, véritable clin d'œil de l'acteur au public, qui accentue encore l'allure théâtrale de ce passage. Pierre Fresnay n'a pas manqué d'en tenir compte dans sa remarquable interprétation scénique de l'œuvre.

La dernière phrase résume bienles intentions de l'auteur : « Et voilà ce qu'on appelait alors une leçon d'accompagnement ! » III.

LE DON DE LA VIE Diderot sait donner une présence, une vie extraordinaire à ses personnages.

Tout le passage à expliquer est extrait d'une tirade de « Lui», le Neveu, mais nous y entendons deux personnages : lui-même et la mère, qu'il cite, au style direct ; de plus « Lui » raconte ce qu'ilfait, décrit ses propres gestes, donne de véritables indications scéniques : « Je lui prenais les mains...

hochant la tête je disais...

» Quantà la jeune fille, elle ne parle guère en présence de sa mère — ce qui est conforme à son éducation, — elle intervient seulement à la finpour remettre le petit cachet, et faire la belle révérence qu'on lui a apprise.Le style est vif, comme il convient à une conversation familière : les phrases narratives qui s'introduisent dans le cours du dialogue, à lapremière personne, montrent que le Neveu sait fort bien ce qu'il fait, joue la comédie, et mène le jeu.

Cette lucidité moqueuse, assezcomique, est particulièrement nette à la fin du texte : «Je le mettais dans ma poche...

Je bavardais encore un moment par bienséance, jedisparaissais ensuite...

» CONCLUSION Le Neveu trouvera plus tard d'autres occupations, abusera d'autres protecteurs, montrant toujours à la fois son cynisme de parasite, et sonindignation contre une société qui tolère tant d'injustice.Mais « la leçon d'accompagnement » est un des textes les plus révélateurs de la vision satirique de Diderot, de l'art qu'il déploie dans lacréation et l'animation de ses personnages.

Plus scénique que ses œuvres proprement théâtrales, le Neveu de Rameau reste un chef-d'œuvre de psychologie, de vivacité et d'humour.. »

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