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DÉCHARNÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 06/12/2021

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DÉCHARNÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de décharner* 

II.—  Adjectif. 

A.—  [Par référence à la chair dans son aspect essentiellement physique, en tant que composante prédominante du corps humain ou animal] 

1. [En parlant d'une personne, d'un animal ou d'une partie de leur corps] 

a) Vieux.  Dépouillé de la chair entourant les os. Cadavre, os décharné. Un sabbat de cadavres vivants, de squelettes d'animaux, décharnés, sanglants, (...) un pêle-mêle d'ossements (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1833, page 112 ). 

—  Par comparaison. Chaque cordage de ces bâtiments [bricks de guerre] se dessine à l'oeil (...) comme les fibres d'un squelette gigantesque et décharné vu de loin (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 37 ). 

b) Par exagération.  Extrêmement amaigri. Corps, cou, main, nez décharné(e). (Quasi-)synonymes : étique, maigre, squelettique; (quasi-) antonymes : charnu, gras, obèse. Sa tête d'oiseau décharné (ÉMILE ZOLA, La Terre,  1887, page 70 ). Son mollet décharné, comme un bâton, pas de viande autour (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 49) : 

Ø 1.... il était (...) maigre comme un os, ses côtes saillaient au long de ses flancs décharnés, et semblaient vouloir forer la peau d'ébène qui les recouvrait; tout le reste à l'avenant : un buste de squelette, les membres anguleux, des pieds et des mains secs ainsi que du bois mort...

LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 27. 

—  Emploi comme substantif. Et on exagère, Monsieur, gronda assez jovialement et caverneusement le grand-décharné (ALEXANDRE ARNOUX, Roi d'un jour,  1956, page 347 ). 

2. Par analogie. 

a) [En parlant d'une chose concrète, de tout ce qui est architecturé, généralement d'une construction, quelquefois d'un élément de la nature]  Qui n'a plus que ses parties les plus solides, accusées dans leurs lignes essentielles. Pour qui terminer les maisons restées à l'état de squelette, s'émiettant au soleil et à la pluie? Elles demeureraient donc indéfiniment là, les unes décharnées (...) les autres closes (ÉMILE ZOLA, Rome, 1896, page 211 ). Un réseau serré, ténu, d'artérioles violacées, pareilles aux nervures d'une feuille décharnée par l'automne (MAURICE DRUON, La Chute des corps,  1950, page 53 ). 

b) Poétique.  [En parlant d'un élément de la nature]  Dépouillé de ce qui recouvre. (Quasi-)synonymes : dénudé, sec, stérile; (quasi-)antonymes : riche, luxuriant. L'herbe n'était pas commune, dans la montagne aride et décharnée. Le dénûment de la contrée était au delà de ce qu'on peut croire (JULES MICHELET, L'Oiseau,  1856, page XLVII. ). Une cité de troncs nus (...) : les quelques jeunes arbres vivants se perdaient parmi les innombrables squelettes couchés à terre (...), ou ces autres squelettes encore debout, décharnés et noircis (LOUIS HÉMON, Maria Chapdelaine,  1916, page 24 ). 

3. Au figuré. 

a) Rare.  [En parlant d'une personne]  Qui n'est pas/ plus abrité derrière des apparences trompeuses. Cette humeur un peu vagabonde, cette ferveur, cette curiosité, (...) ce n'était que par amour pour moi qu'elle s'en revêtait? Tout cela se défait, retombe, laisse paraître à nu l'âme méconnaissable, décharnée (ANDRÉ GIDE, Journal,  1926, page 818 ). 

b) [En parlant du langage, des choses littéraires]  Sans développement suffisant, sans éléments superflus, sans ornements; (trop) pauvre, sec. Ce style rocailleux, sec, décharné à plaisir (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours,  1884, page 249) : 

Ø 2.... j'ai été charmé de fabriquer une pièce qui n'existât que par son action intérieure; d'éprouver si elle se suffirait de ne comporter rien qui ne fût nécessaire à cette action; de la faire simple et presque décharnée, analogue à ces corps d'athlètes qu'un massage averti a décapés de tout ce qui n'est pas utile au but qu'ils se proposent, ou encore à ces dessins au trait, dans lesquels tout est donné par une seule ligne...

HENRI DE MONTHERLANT, Fils de personne, préface, 1943, page 269. 

c) [En parlant d'une chose abstraite]  Qui a perdu son ampleur; amoindri, diminué. [L'élimination des propriétés accidentelles des choses] la réalité appauvrie, décharnée, réduite à l'état de squelette (ÉMILE BOUTROUX, De la contingence des lois de la nature,  1874, page 49 ). 

B.—  [Par référence à la chair dans ses interférences avec l'ordre spirituel et/ou moral; en parlant d'une personne, d'un trait humain, d'un produit de l'activité humaine] 

1. [Par référence à la chair en tant que manifestation de l'être en général]  Détaché de la chair, de la nature humaine, de la condition terrestre, du monde matériel; privé de sensibilité, de vie, de consistance, sans fondement réel. Ses élèves [de l'Université] grandis dans une clôture monacale et dans une vision décharnée des faits officiels et de quelques grands hommes à l'usage du baccalauréat (MAURICE BARRÈS, Les Déracinés,  1897, page 37 ). Le style le plus décharné est parfois vivant; une goutte d'eau ressuscite le rotifère desséché; une lueur d'imagination restitue aux mots glacés leur valeur émotionnelle (RÉMY DE GOURMONT, Esthétique de la langue française,  1899, page 304) : 

Ø 3. Quand on veut unifier le monde entier au nom d'une théorie, il n'est pas d'autres voies que de rendre ce monde aussi décharné, aveugle et sourd que la théorie elle-même. Il n'est pas d'autres voies que de couper les racines mêmes qui attachent l'homme à la vie et à la nature.

ALBERT CAMUS, Actuelles I,  1944-48, page 260. 

Remarque : On rencontre dans la documentation, avec le même sens, la variante décharnalisé, ée.  Les abstractions inhumaines, les systématisations entièrement décharnalisées le désarçonnent (ALEXANDRE ARNOUX, Algorithme, 1948, page 193). 

2. [Par référence à la chair en tant qu'objet de valorisation morale, religieuse]  Qui n'a pas/plus trait aux sens, à l'amour physique. (Quasi-)synonymes : platonique, pur : 

Ø 4. Si l'amour physique n'était qu'un jeu innocent, il n'avait aucune raison de s'y refuser; (...) j'admirais la hauteur et la pureté de nos rapports : ils étaient en vérité incomplets, fades, décharnés, et le respect que Jacques me témoignait relevait de la morale la plus conventionnelle...

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 290. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 354. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 523, b) 627; XXe.  siècle : a) 523, b) 408. 

 

Forme dérivée du verbe \"décharner\"

 décharner

DÉCHARNER, verbe transitif.  

A.—  [Par référence à la chair dans son aspect essentiellement physique, en tant que composante prédominante du corps humain ou animal] 

1. [Le complément désigne une personne, un animal ou une partie de leur corps] 

a) Vieux.  Dépouiller les os de la chair qui les entoure. Décharner un cadavre. Des nuées de corbeaux (...) décharnèrent le corps couché dans cette bière, ne lui laissant que les os (PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 2, 1824, page 329 ). Boeufs, taureaux, vaches, moutons sont abattus par centaines, écorchés et décharnés (JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 193 ). L'instrument qui avait servi à décharner, puis à racler les os (RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible,  1955, page 110 ). 

Remarque : On rencontre dans la documentation le substantif féminin décarnisation. Action, coutume de décharner un squelette, d'ôter les chairs, les parties les plus molles; résultat de cette action. Fin du deuil et deuxième enterrement correspondaient à la décarnisation du squelette (Cuisinier, Danse sacrée, 1951, page 82). 

b) Par exagération.  [Par référence à la chair considérée dans son aspect extérieur] 

—  Généralement à la forme pronominale avec sens passif.  Rendre, devenir extrêmement maigre; faire perdre aux chairs leur aspect florissant Le temps aux ongles durs décharne la beauté (HENRI DE RÉGNIER, Les Jeux rustiques et divins,  1897, page 131 ). Perdre le boire et le manger! (...) te décharner jusqu'aux os! (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 690 ).  Confer aussi amaigrir, exemple 7. 

—   Faire paraître extrêmement maigre. Des corps blafards de suppliciés, que le dessin grossier décharnait affreusement (ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret,  1875, page 1471 ). Avec les yeux d'une tête de mort Que la lune encore décharne (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 1, Jadis et naguère, 1884, page 367 ). La barbe du proscrit, à demi repoussée, le décharnait (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, L'Homme aux gants de toile,  1943, page 232 ). 

2. Par analogie.  [Le complément désigne un élément de la nature]  Dépouiller de la chair (confer chair I A 1 par analogie), de ce qui recouvre. (Quasi-)synonyme : dénuder. On regarde ces entassements de rocs gris (...) et l'on pense aux furieux courants, à la bataille des eaux qui ont raviné, décharné, disloqué les crêtes (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris,  1867, page 251 ). L'hiver décharne toutes choses, et les petits plants sont dévêtus (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous,  1921, page 107 ). La chenille du pin avait mangé les aiguilles de toutes les pinèdes; elle avait même décharné les thuyas et les cyprès (JEAN GIONO, Le Hussard sur le toit,  1951, page 22 ). 

3. Au figuré.  [Le complément désigne le langage, les choses littéraires]  Dépouiller d'ornements, d'éléments superflus; ne pas donner d'ampleur; rendre pauvre, sec. Décharner une langue, un style. (Quasi-)synonymes : affaiblir, amoindrir. Tirer d'une donnée théâtrale un peu plus qu'elle n'est capable de rendre, non pas en l'enflant d'éloquence romantique, mais en la décharnant (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Jumelle noire, 1938, page 114 ). 

B.—  [Par référence à la chair en tant qu'objet de consommation]  Spécialement.  FAUCONNERIE.  Décharner un leurre. Ôter le morceau de viande dont il est garni. 

Remarque : Attesté dans le Dictionnaire de l'Académie Française 1798, Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)-Grand Larousse de la langue française en six volumes, Dictionnaire de la langue française (Émile Littré), Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter), Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin) 1892 et dans Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (Jacques-Joseph Baudrillart) 1834. 

C.—  [Par référence à la chair dans ses interférences avec l'ordre spirituel et/ou moral; le complément désigne une personne, un trait humain]  Littéraire, péjoratif.  Détacher de la chair, du monde physique, de la nature humaine; faire perdre la sensibilité. Mon enfance l'a-t-elle avarement flétrie [ma nature] ? Ou bien originellement aride et pulvérulente, sans moelleux, a-t-elle (...) happé toute occasion de se décharner et de s'aigrir? (ALEXANDRE ARNOUX, Les Crimes innocents.  1952, page 109 ). Le sang, les haines décharnent le coeur lui-même; la longue revendication de la justice épuise l'amour qui pourtant lui a donné naissance (ALBERT CAMUS, L'Été,  1954, page 157) : 

Ø Sans les cieux maintenant qu'est-ce donc que la terre?

La terre! Ce n'est plus qu'un triste et mauvais lieu,

(...)

Où, mourant d'une faim qui n'est point assouvie,

L'homme a jauni sa face et décharné sa vie,

Où, vidant là son coeur, liberté, ciel, amour,

L'infâme a tout joué, tout perdu sans retour

AUGUSTE BARBIER, Ïambes et poèmes, Désolation, 1840, page 99. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 10. 


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