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Commentaire composé : Le Mariage de Figaro, Beaumarchais (Acte I, Scène 1)

Publié le 19/03/2024

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« Commentaire composé : Acte I, Scène 1, Le Mariage de Figaro, Beaumarchais. À la fin du XVIIIe siècle, Pierre Augustin Caron de Beaumarchais renouvelle la comédie classique, à travers sa pièce de théâtre intitulée Le Mariage de Figaro ou La Folle journée, écrite en 1778, mais qui n’a pu être représentée pour la première fois que six ans plus tard, en 1784, du fait du poids de la censure de l’époque.

Dramaturge engagé et éclectique, il est considéré comme un des annonciateurs et fers de lance de la Révolution française qui s’achemine ainsi que comme l’une des figures emblématiques des Lumières.

En effet, les valeurs de ce mouvement philosophicolittéraire ont une place de choix dans ses œuvres, telles que la défense de la méritocratie, la liberté de pensée ou encore d’une société plus égalitaire. Le Mariage de Figaro constitue le deuxième tome d’une trilogie théâtrale, s’inscrivant dans la suite de Le Barbier de Séville, paru quelques années auparavant, en 1775.

En cinq actes et quatre-vingtdouze scènes au total et dans un décor andalou, l’écrivain y relate les péripéties du valet Figaro, qui comme le titre de la pièce l’indique, doit se marier à sa promise, nommée Suzanne.

Néanmoins, cette union est menacée par les intentions malsaines du maître des lieux, le Comte Almaviva, symbole d’une aristocratie désuète.

Malgré cet écueil, le protagoniste, doté de ruse, n’a pas l’intention de se laisser faire : il compte bien déjouer les plans de son seigneur et défier l’autorité en place.

L’extrait soumis à notre étude correspond à la scène 1 de l’acte 1 de cette même pièce.

Le dramaturge met en place le cadre de la trame, autrement dit la situation d’énonciation : on décèle ainsi le contexte spatio-temporel dans lequel l’auteur nous plonge, c’est-à-dire une chambre du château « d’Aguas Frescas » en pleine matinée, quelques heures avant les noces entre les deux principaux personnages, Figaro et Suzanne, qui dialoguent tout au long de cette scène. Dès lors, nous pouvons mettre en avant le « projet de lecture » suivant : dans quelle mesure cette scène d’exposition comique fixe le nœud de l’intrigue et esquisse également le portrait audacieux d’un valet critique ? D’une part, nous mettrons en exergue la façon dont l’écrivain dénonce certaines coutumes et mœurs sociales liées à l’Ancien Régime, à travers notamment le lieu dans lequel la scène est narrée.

D’autre part, nous nous focaliserons sur les ressorts relatifs à la tonalité comique employés par Beaumarchais. Dès la première didascalie « Le théâtre représente une chambre à demi démeublée », nous comprenons l’importance cruciale qu’a voulu donner le dramaturge à l’espace scénique ainsi que la charge symbolique qu’il a immiscée dans cette première scène : en effet, il s’agit de la chambre -1- nuptiale des futurs époux, Figaro et Suzanne, étant donné que le champ lexical du mariage abonde dans ces premières lignes : « chapeau de la mariée » ; « joli bouquet virginal » ; « matin des noces » ; « l’oeil amoureux d’un époux »… Cependant, l’endroit est pauvre et humble, comme le reflète l’adjectif « démeublée », dont le préfixe « dé- », est l’illustration d’un lieu quasiment vide. Par conséquent, cette pièce constitue une allégorie de leur condition sociale : ce sont de simples valets, appartenant au Tiers-État face à « Madame » et à « Monseigneur », en référence au Comte Almaviva ainsi qu’à la Comtesse Rosine, nobles privilégiés dont les chambres respectives entourent celle de Figaro et Suzanne (« qui tient le milieu des deux appartements »), témoignant ainsi d’une certaine possession des domestiques par les deux aristocrates.

En outre, la réplique du futur marié « Je regarde […] si ce lit que monseigneur nous donne aura bonne grâce ici » ainsi que les mesures qu’il prend « Dix-neuf pieds sur vingt-six » nous indiquent l’absence d’alcôve, ce qui est encore plus énigmatique : nous décelons donc que cette chambre sera le centre, le nœud de l’intrigue et que la non-présence du lit en est la pure métaphore.

La répartie anaphorique de Suzanne « Je n’en veux point » manifeste son opposition catégorique à y résider. Nous devinons donc, grâce à cette prolepse anticipative, qu’elle laisse entendre que le Comte a choisi ce lieu stratégiquement pour se servir d’elle, ce qui est mis en avant quelques répliques plus tard, d’un côté par les onomatopées « zeste », « crac », et de l’autre, par certaines expressions et phrases tintées d’ironie telles que « en trois sauts » ou encore « il espère que ce logement ne nuira pas ».

Ainsi, il s’agit là d’allusions grivoises, qui permettent de comprendre les véritables intentions d’Almaviva : en réalité, ce qui semble être en apparence un acte de générosité, c’est-à-dire l’octroi de cette chambre par le noble aux deux valets, est dans les faits un abus de pouvoir.

La révélation explicite faite par Suzanne dans sa réplique « Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs […] Almaviva veut rentrer au château, non pas chez sa femme : c’est sur la tienne, entends-tu ? » face à un Figaro incrédule est le reflet d’une machination orchestrée par le Comte pour courtiser secrètement et assouvir ses désirs avec Suzanne tandis que son futur mari sera loin, afin d’effectuer « quelque bonne et longue commission » mandatée par l’aristocrate. Beaumarchais dresse dans ce cas une critique des abus exercés par la noblesse qui est à la fois hypocrite et sans scrupules, vu qu’Almaviva souhaite rétablir « un ancien droit du seigneur » qu’il a lui même « aboli » et « détruit » auparavant, faisant référence au droit de cuissage, autrement dit, le droit d’un noble à passer le nuit de noces avec l’épouse de son valet, avant le mari légitime. L’auteur érige dès lors deux modèles antagonistes et antithétiques : d’une part, un comte libertin, -2- dévergondé et jouisseur et de l’autre, le couple solide et moderne formé par Figaro et sa concubine, qui est le fruit d’un amour passionné et non pas d’une union arrangée. Par ailleurs, à travers le personnage qu’incarne Suzanne, Beaumarchais inscrit cette œuvre dans une certaine modernité face au conservatisme de son époque qui restreint l’émancipation des femmes et les relègue à un rôle secondaire.

En effet, la future mariée maîtrise l’art oratoire et la conversation, parle avec beaucoup plus de perspicacité et c’est elle qui fait comprendre le nœud de l’intrigue au lecteur.

En donnant une place prépondérante à Suzanne, le dramaturge innove en défendant la condition féminine et brosse un portrait d’elle qui est en opposition à celui de Figaro, qui fait preuve quant à lui d’ingénuité et de naïveté, comme le démontrent les multiples questions qu’il pose : « Pourquoi ? » ; « Mais encore ? », « Qu’entendez-vous par ces paroles ? » ; « qu’est-ce qu’il y a bon dieu ?.... »

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