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Commentaire.

Publié le 06/12/2021

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« Quant au bonheur établi, domestique ou non… non, je ne veux pas «, écrit Rimbaud. Les poètes souffrent-ils de leur différence ou la revendiquent-ils ? Vous vous appuierez sur les poèmes du corpus et de la séquence 19 (p.347) pour discuter ce propos.
 
            La poésie est un genre littéraire très ancien ; ses formes peuvent varier, puisqu’elle admet les vers tout comme la prose. Son étymologie remonte au mot grec « poiein « qui signifie « faire, créer « : le poète est donc, logiquement, un créateur, celui qui façonne et met en forme l’expressivité primordiale de ses œuvres. Le poète recherche la libération par le poids accordé aux mots, grâce à l’utilisation de figures de style par exemple. Le poète se montre généralement à l’écoute du monde, menant une réflexion sur la fonction du langage, ce dernier étant un matériau artistique à façonner sans cesse afin de parvenir à le faire exister, vivre au-delà de sa fonction initiale et utilitaire. Cependant, ces artistes semblent toujours porter en eux une part d’ombre, plus ou moins difficile à cerner, à travers les siècles ; ce sont des êtres marginalisés, intériorisés, mais de manière contradictoire toujours en quête d’exaltation et d’échappatoires. Alors, ces âmes sont-elles aussi torturées que l’on peut le penser ? Les poètes souffrent-ils réellement de leurs différences, ou bien les revendiquent-ils fièrement ? Nous allons étudier cette problématique, afin de tenter de trouver une réponse à cette interrogation, plus complexe qu’elle n’en a l’air au premier abord.
 
            Tout d’abord, les poètes paraissent bien souvent, et depuis la nuit des temps, être des personnages meurtris, torturés, blessés par leur destinée. Ils envisagent cela comme une fatalité, une malédiction qui les a choisis, qui les condamne inévitablement à la différence et la peine. Comment ne pas approuver, lorsque nous lisons des poèmes tels que ceux de Rimbaud, ouvertement expressifs d’un palpable mal-être ? Lui-même, à travers son écriture, montre aux lecteurs son malaise irrépressible ; son poème « Le mal « est une parfaite preuve de l’angoisse dont il se sentait pétri, de la souffrance éprouvée à l’instant de l’écriture, du besoin d’exorciser ses douleurs… tout ceci, finalement, pour hurler silencieusement entre ses lignes un désir de beauté, d’harmonie, de bohème et de liberté, d’un bonheur qui lui paraît interdit.  Rimbaud se trouve sans arrêt dans une course effrénée après l’élévation de lui-même, à travers une envie de sensations et de sensualité inaccessibles ; il ne désire que se surpasser, se trouver, tel un éternel adolescent assoiffé d’un paradis inatteignable, au cœur d’une nature tant convoitée, loin de tout, qu’il ne peut malheureusement pénétrer que dans les méandres de son imagination. Par la faute de cette destinée assassine, véritable malédiction, les poètes affichent souvent une image très négative d’eux-mêmes ; Corbière se voit comme une horreur, un être répugnant dans son poème « Le crapaud «, Edgar Allan Poe s’imagine comme un corbeau – une âme damnée, condamnée au malheur éternel à cause du manque d’amour – dans son œuvre « Le corbeau «, Baudelaire se perçoit tel un albatros exilé et solitaire perdu au gré des vents glaciaux – un animal hanté luttant contre la tempête pour ne pas stagner –, et Lautréamond se sent aussi violent qu’un requin – il déteste apparemment se montrer devant les autres hommes pour lesquels il ne ressent que le plus total désintérêt voire du mépris, il se trouve laid et méchant, haineux, ainsi que révolté et supérieur, vivant dans un besoin de destruction mais d’infini. Pour ces artistes, la mort est une victoire.
            Ensuite, un poète doit apparemment souffrir pour réussir à se sentir entier,  à rester toujours lui-même, à se cultiver à la manière qui est propre à tous ces artistes incompris : il faut rester enchaîné intérieurement afin de sentir l’inspiration  venir et de trouver une libération grâce à l’art. C’est ce qui forge l’essence des poètes : ils sont inévitablement meurtris. Et cette facette de leur personnalité leur apporte assez de sensibilité pour faire fructifier leur incroyable talent, comme le suggère avec justesse Théodore de Banville dans ses « Odelettes «.
Enfin, il semblerait que la différence d’état d’esprit dans laquelle vivent les poètes leur cause un questionnement incessant à propos d’eux-mêmes, de leur propre personnalité, mais aussi de la vie et de tout ce qui constitue cette dernière : l’environnement naturel, l’humanité , les présences célestes… Ceci entraîne une totale et récurrente remise en question de la société, de tout ce qui nous entoure, des plus infimes détails jusqu’aux secrets de la création de l’univers. Le poète s’oblige donc à entretenir une observation philosophique et démesurément précise de tout ce qui compose son monde, et grâce à l’avis de Théophile Gautier sur la question dans « Préface de Mademoiselle de Maupin «, nous savons comprendre qu’il s’agit bel et bien d’une souffrance psychologique de tous les instants. Selon Gautier, seul un art recherché pour lui-même permet d’atteindre l’ultime beauté ; pour cette raison, l’artiste guette l’expression pure de la beauté en chaque chose, et creuse au maximum l’idée qu’il se fait de son art. Malgré tout, il affirme que rien de ce qui est beau n’est indispensable à la vie : en totale rupture avec le romantisme, Gautier soutient que l’art n’a rien d’utile. Le poète contradictoire que nous retrouvons en Théophile Gautier possède à l’évidence une manière différente de voir ce qui l’entoure, un recul que la plupart des gens n’ont pas, et qui lui permet de tirer des conclusions inattendues ou d’obtenir des réponses inespérées à ses questions – celles-ci s’enchaînant encore et encore, sans jamais ralentir leur flux intense. La curiosité du poète est alors plus un mal qu’un bien ; c’est ce mal-être vis-à-vis du quotidien étrange que les poètes expriment dans leurs vers. Ainsi, un poète tel que Verlaine dans ses « Fêtes galantes « exprimera une intarissable mélancolie avec ses textes, sous un masque de légèreté à travers laquelle parviennent à percer le doute et le vague à l’âme. Il teste un langage nouveau pour effleurer l’inconnu, le suggérer, parvenir à traduire l’indicible et les nuances de ses sentiments, afin que celui-ci puisse devenir pleinement vivant dans le for intérieur du lecteur, à travers la puissance de l’écriture. Verlaine, pour rendre la forme de son poème adaptée à ses fortes sensations de l’instant, décide d’innover dans sa métrique… car, pour un cœur brisé, le rythme se doit d’être rompu. De plus, Mallarmé, lui, choisira d’exprimer son exil et de porter une réflexion tragique sur sa condition grâce à l’utilisation de symboles réguliers, tel que le cygne dans « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui «, et du lexique de la solitude et de la douleur, de manière à faire comprendre aux lecteurs sa peur des autres tout autant que de lui-même.
 
A travers tous ces points, nous avons pu constater que les poètes souffrent de leur statut de damnés, comme ils se nomment eux-mêmes. Ils s’envisagent comme des personnes à part et rejetées, que la société marginalise et ne comprend pas... Pourtant, derrière cette facette de malheur, une fierté – ou du moins une satisfaction – pourrait-elle se cacher ? L’acceptation de leur état pourrait-elle apaiser, contre toute attente, les âmes malmenées des poètes ?
 
Il semble que cela soit tout à fait probable, puisque Baudelaire, dans la plupart de ses œuvres, sinon toutes, malgré les songes mélancoliques véhiculés par son célèbre spleen, affirmait ne pas chercher comme les autres une beauté noble et harmonieuse ; lui s’inspirait de la plus totale réalité, sans chercher à se torturer de questions et d’hésitations. Il prenait du plaisir, et l’affirmait sans honte, à faire de sa vie un art. « Le Peintre de la vie moderne « dépeint justement ce côté positif des idées baudelairiennes : il faut se laisser aller au bonheur d’observer, de comprendre l’humanité tout en adoptant un point de vue divergent. Baudelaire paraît se sentir en recul par rapport à la foule, du moins sur le plan spirituel, tout en étant baigné dans le peuple – il ne fuit pas les regroupements humains, contrairement à beaucoup d’autres poètes cités précédemment. Baudelaire comprend que tout est fugitif, et que l’éternité ne trouve son apogée que dans l’éphémère. Ce poète possède une vision correcte de son existence en tant que tel, à l’égal d’Apollinaire et Cendrars, entre autres : ceux-ci se fascinent pour l’humain, la modernité de la ville, la population. Dans le cas de Baudelaire, ses admirations se porteront davantage vers l’innocence enfantine ; le poète apprécie ce qu’ont les enfants de naïf mais aussi d’intelligent, se montrant parfois plus pertinents que les adultes, et il envie ce qu’il nomme leur « amusement coupable «, c'est-à-dire leur capacité immense d’acceptation envers les autres : dans « Le joujou du pauvre «, tiré du « Spleen de Paris «, Baudelaire raconte comment deux enfants, l’un riche et l’autre pauvre, peuvent partager leurs jouets en paix et s’apprécier en se considérant de façon tout à fait égale, en ignorant les conventions, comme seuls les petits savent et peuvent le faire.
D’autre part, Rimbaud complexifie son image aux yeux du lecteur ; tout en se plaignant de son statut, comme précisé auparavant, il ose revendiquer sa nature de poète béni. Il se considère tel un voyant, à la recherche fougueuse mais tranquille d’une pureté, d’une explosion des cinq sens ; il affirme ne garder en lui que les quintessences de ce qu’il absorbe, des connaissances dont il s’imprègne. Oui, il est perçu à l’égal d’un fou, mais qu’importe, puisqu’il voue un amour infini à la quête qu’il mène – aussi infernale soit-elle. Il appelle ses confrères les « voleurs de feu « dans son texte « Deuxième lettre dite du voyant «. Grand malade, grand maudit, dit-il, mais… grand savant ! Rimbaud suggère avoir besoin de toute la force du monde, de toute une puissance surhumaine pour toucher l’inconnu, devenir riche de la culture de son âme. Il pense les artistes poétiques chargés de pouvoirs presque surnaturels, ils portent l’infini entre leurs bras, pouvant donner forme à l’informe, langue aux muets. Sont-ils donc des magiciens, pour savoir inspecter l’invisible et entendre l’inaudible ? Rimbaud voue, par ailleurs, un vrai culte à Baudelaire, qu’il considère comme un véritable Dieu. En outre, Théophile Gautier, lui, bien que pétri de souffrances, reconnaît de bon cœur dans son poème « Emaux et camées « que la poésie est un art éternel, dont le poète reste le créateur suprême, dans l’émerveillement de la richesse culturelle. Le poète devient ainsi le conquérant de l’inutile beauté dont Gautier fait sa philosophie, et que nous traitions précédemment.
Puis, avec étonnement, nous pouvons découvrir les idées de Queneau, qui offre dans ses poèmes un merveilleux élan de joie de vivre, ce que nous ne retrouvons nulle part ailleurs : il transmet le doux message de « cueillir les roses de la vie «, comme le dirait si bien Ronsard. Ce poète demeure joyeux d’être ce qu’il est, et le revendique avec passion et bonheur ; il faut s’accepter et être heureux, puisque nous ne sommes pas éternels et que le temps nous glisse entre les doigts. Le lien avec l’éphémérité est ici visible ; Queneau nous demande explicitement d’être joyeux, de profiter de chaque seconde, avant qu’il ne soit trop tard, dans son œuvre originale tant dans le fond que dans la forme, « L’Instant fatal «.
Pour terminer, Victor Hugo écrivait que le poète est un être rêvé, une créature utopique, capable de tout voir, de se situer à la fois ici et ailleurs, dans un lieu et dans un autre ; peut-être est-ce là l’image d’une relation entre le corps et l’esprit : le corps serait assis quelque part, tandis que l’esprit vagabonderait jusqu’au bout du monde. Alors, pour rejoindre l’avis de Rimbaud sur la question, le poète serait un prophète créé afin de faire flamboyer l’avenir de tous ceux qui l’écoutent.
 
En conséquence, le questionnement qui consiste à savoir si les poètes souffrent de leur différence ou la revendiquent peut difficilement trouver une réponse ; seulement, il semblerait juste de dire ceci : oui, les poètes éprouvent un mal-être profond à être différents, mais ils n’hésitent pas non plus à le revendiquer. Rimbaud ou Gautier avancent sur ces deux fronts, et sont le parfait exemple de cette contradiction. Les poètes ont besoin de leur souffrance pour s’inspirer, puiser leurs mots au cœur de leurs peines, et tout simplement rester ceux qu’ils sont ; car, romantique ou pas, maudit ou non, chaque poète porte en lui une sensibilité immense, une fragilité inavouée, une déchirure qui le pousse à écrire pour exorciser ses démons. Marginaux, possédant d’étonnantes personnalités aussi riches que les rimes de leurs poèmes, ces tisseurs de mots se sentent à part pour la bonne raison que leur intelligence les écarte de la masse, les force à observer, à analyser, à comprendre l’autre – ce que la plupart des gens ne jugent pas utile de faire. Les poètes, alors, deviennent la quintessence du genre humain, selon certains d’entre eux. Ou bien, peut-être sont-ils simplement des âmes esseulées et brisées, en quête de rédemption. Quoi qu’il en soit, ils demeurent les créateurs de nos rêves, les traducteurs de nos plus intimes sensations. Au fond, les poètes ne nous transmettent-ils pas la meilleure des représentations de la Vie elle-même ? Comme le disait le grand Victor Hugo : « Un poète est un monde enfermé dans un homme «. Malgré cela, il reste plaisant d’entendre Platon remettre toutes ces complexes considérations en sursis, puisque, selon lui : « Touché par l’amour, tout homme devient poète. «

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