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Charles Baudelaire - ENIVREZ-VOUS !

Publié le 09/12/2021

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Charles Baudelaire - ENIVREZ-VOUS ! Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. (In Les petits poèmes en prose) Introduction. Dans ce poème en prose, la pensée de Baudelaire rejoint l'inspiration fondamentale des Fleurs du mal. Il s'agit, pour la créature, d'échapper, coûte que coûte, à sa misère : l'ivresse est un des moyen de cette évasion. Le texte. Enivrez-vous : la brutalité de l'objurgation attire le lecteur en le provoquant. Les premiers mots du poème appellent une remarque semblable : il faut être toujours ivre. Le dogmatisme de la proposition contraste avec la nature du conseil; c'est le ton du moraliste : ne s'agit-il pas de morale, après tout, ou, du moins, d'art de vivre ? Puis trois monosyllabes, Tout est là, renforcent le caractère impérieux de la règle ainsi posée; et la même idée est reprise aussitôt, sous une forme un peu différente : c'est l'unique question. Y a-t-il ici une tautologie? Sans doute, mais tel est le procédé ordinaire de l'homme qui cherche à entraîner une adhésion : il répète son invitation comme il enfoncerait un clou.

« Charles Baudelaire - ENIVREZ-VOUS ! Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question.

Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules etvous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée oudisparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, àtout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est.

Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, ilest l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie,de vertu, à votre guise.

(In Les petits poèmes en prose) Introduction. Dans ce poème en prose, la pensée de Baudelaire rejoint l'inspiration fondamentale des Fleurs du mal.

Il s'agit, pour la créature, d'échapper, coûte que coûte, à sa misère : l'ivresse est un des moyen de cette évasion. Le texte. Enivrez-vous : la brutalité de l'objurgation attire le lecteur en le provoquant.

Les premiers mots du poème appellent une remarque semblable : il faut être toujours ivre.

Le dogmatisme de la proposition contraste avec la nature du conseil; c'est le ton du moraliste : ne s'agit-il pas de morale, après tout, ou, du moins, d'art de vivre ? Puis trois monosyllabes, Tout est là, renforcent le caractère impérieux de la règle ainsi posée; et la même idée est reprise aussitôt, sous une forme un peu différente : c'est l'unique question.

Y a-t-il ici une tautologie? Sans doute, mais tel est le procédé ordinaire de l'homme qui cherche à entraîner une adhésion : il répète son invitation comme il enfoncerait un clou. Pourtant, à l'encontre du moraliste, qui induit une règle de conduite à partir d'observations particulières, l'auteur de ce poème,ménageant ses effets, a énoncé son principe brusquement, comme a priori.

Le lecteur attend une justification, avec une curiositévaguement inquiète.

Cette justification, la voici : Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps...

Le Temps (avec une majuscule), c'est, nous le savons, l'Ennemi, qui mord sans cesse sur nos projets et ruine peu à peu notre force créatrice.

Il pèse sur l'hommecomme un fardeau; l'image est banale, mais sauvée aussitôt par l'énergie des verbes qui suivent : le Temps brise vos épaules; le Temps vous penche vers la terre.

Cette dernière indication est à double sens; elle prolonge l'image impliquée dans le mot fardeau, et elle éveille une suggestion symbolique : à toute minute, l'homme se rapproche de la terre, à laquelle il retournera au terme de sa vie.Et c'est la reprise du refrain : il faut vous enivrer sans trêve; mais, cette fois, le recours à la seconde personne donne au conseil un caractère plus pathétique; le procédé qui consiste à apostropher le lecteur est d'ailleurs habituel, chez Baudelaire. Ici intervient une brisure, un temps d'arrêt : Mais de quoi? Le poète suggère la question d'un interlocuteur étonné; du coup, la pièce prend une forme dramatique; l'exposé dogmatique semble se transformer en dialogue.

Aussitôt, la réponse jaillit, admirablementdense.

De vin : ce sont les mots que nous pouvions attendre; le vin est la cause la plus commune de l'ivresse; et nous savons que Baudelaire croyait à ses vertus toniques.

De poésie : voilà qui étonne davantage; la pensée s'élargit brusquement; et nous comprenons mieux dès lors ce que le poète entend par « ivresse »; il désigne ainsi l'état de l'homme mis hors de lui-même et qui,momentanément, a oublié sa condition.

Ou de vertu : cette fois, la surprise est plus grande encore, car les notions d'ivresse et de vertu se concilient mal; mais Baudelaire songe à une exaltation morale, à un vertige d'héroïsme comme il en a quelquefois connu : « Devenir un héros et un saint pour moi-même », a-t-il noté dans l'un de ses Journaux intimes.

Le refrain, enfin, revient, une fois de plus, sous une forme ramassée, qui rappelle le titre : Nais enivrez-vous. Le début du paragraphe suivant nous déroute : Et si quelquefois, sur les marches d'un palais...

Pourquoi Baudelaire évoque-t-il la condition royale? afin de prouver que le malheur des hommes ne tient pas à leur position sociale : « Un roi sans divertissement est unhomme plein de misère », lit-on dans les Pensées; et c'est bien de divertissement, au sens pascalien du terme, qu'il s'agit dans ce poème.

Inattendus aussi, chez le citadin qu'est Baudelaire, les mots : sur l'herbe verte d'un fossé.

En revanche, peut-être songe-t-il à lui-même, quand il évoque la solitude morne d'une chambre : dans Rêve parisien, dans le poème en prose intitulé La Chambre double, il a dit l'horreur ou la misère de son taudis; il a connu aussi lui-même ces réveils d'ivresse où une réalité implacable reprend ses droits. Le mouvement ternaire, sur les marches d'un palais, / sur l'herbe verte d'un fossé, / dans la solitude morne de votre chambre, / donne à la première partie de cette longue phrase un caractère oratoire; la suite est également très rythmée : demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau...

Ainsi la création tout entière est interrogée; il y a, dans l'accumulation des termes, un accent passionné, fiévreux, que souligne une allitération (vent, vague).

L'énumération se poursuit.: à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle...; encore cinq termes, qui, approximativement, correspondent aux précédents, car on peut dire du vent qu'il gémit, de la vague qu'elle roule, de l'oiseau qu'il fuit ou qu'il chante.

Mais le mot horloge appelle un commentaire spécial : c'est avec intention que Baudelaire mentionne, parmi les êtres ou les objets interrogés, l'instrument destiné, précisément, àmesurer l'heure.

L'horloge, nous le savons, est pour lui une obsession perpétuelle; chaque seconde chuchote : « Souviens-toi.

» Ici, au contraire, chaque seconde chuchote : « Oublie! »; c'est parce que l'horloge est le témoin le plus cruel de la misère humaine qu'on doiten attendre le conseil le plus insistant. Ce conseil, le voici, énoncé simultanément par le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge : « Il est l'heure de s'enivrer! » Ainsi réapparaît le refrain; ainsi se répète inlassablement le poète, pour rendre plus sensible et plus impérieuse l'idée d'une évasionnécessaire : « Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.

» Conclusion Baudelaire dénonce dans ce poème la cause principale de son spleen et définit sous sa forme la plus générale le remède auquel il a leplus volontiers songé pour y échapper : s'arracher à soi, voilà le grand problème; l'essentiel est de ne pas voir la vie telle qu'elle, est.Pour traduire sa pensée, il recourt à des effets savamment calculés, tout en conservant à ce morceau en prose l'apparente libertéd'allure qui est la loi même du genre.. »

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