BURITI
Publié le 18/05/2020
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«
BURITI [Corpo de Baile].
Sous ce titre a été
publié en francais le premier volet de la trilogie
Corps de ballet [Corpo de Baile, 1956] de l'écrivain
brésilien Joâo Guimarâes Rosa (né en 1908) et
'
comprenant trois romans Diio-Lalaliio, le Message
du morne, la Fête à Manuelziio.
Rien que l'érosion
et l'homme né nommé d'hommes nés.
L'Arbre est
blanc, et toute la terre est une plaine morte dont
le vide se prolonge au loin jusqu'à la mer d'arbres,
jusqu'à l'immense plage de dalles noires.
Ailleurs,
falaises, forêts, rivières, cathédrales flottantes de
lianes, vagu~s de pierre, surgissent, spectrales,
comme des formes gravées (l~ signes et inventées
par le vent et la pluie.
Un soir, l'homme suit une
rivière s'enfoncant dans l'obscurité.
Il disparaît
avec elle dans les cryptes du temps, dans le froid
et le silence noir des pierres, en rejaillit, traverse
toute la :Plaine, s'engouffre à nouveau, passe intact
au-dessus des gouffres et sous les sommets.
Il
semble de toute éternité n'avoir connu la mort.
ni
le nom, et remontant sa propre fable, cherche son
origine, cherche à s'appeler, à se fixer, à ordonner
le temps, à nommer et à énumérer les choses.
Le
monde de Guimaraes Rosa ~st le.
monde des che
vaux, des bœufs, des chiens de fermes, des vachers
des Minas Geraes, des muletiers, des - qonvoyeurs
de bestiaux, des sertanejos qui passent leur vie à
voyager, des bois et des steppes de la haute plaine
centrale du Brésil, le Sertao, immense terre vierge
et dévorée, offerte et interdite, où l'homme-le-ser
tanejo représente un type infra-humain, mi-végétal,
mi-animal, où le buriti, palmier géant aux branches
tutélaires, joue le rôle de patriarche et finit par
avoir une dignité de totem.
Le thème essentiel de
ces trois romans est celui du voyage.
Toute l'année,
les habitants vont , par chemins, sentiers.
pistes;
armés jusqu'aux dents, ils escortent les troupeaux.
· Les voyageurs sont hantés par le terme du voyage.
Pour les célibataires, la ville avec ses maisons
closes.
pour les autres la maison conjugale.
Pendant
que dure sa chevauchée, l'homme ne connaît
d'obsessions qu'érotiques.
Et c'est par la femme
que l'écrivain nous introduit dans le monde d'avant
la chute.
L'originalité profonde de Guimaraes Rosa
est d'intérioriser le thème du voyage.
Les voyages
que tous les personnages entreprennent ne sont pas
prétexte à décrire ce pays de la Genèse.
Soropita,
le héros de Dâo-Lalaliio entreprend une anabase,
à la fois vers l'intérieur du Sertao et le fond de sa
conscience.
Naguère, d'une maison close, il a tiré
Doralda, sa femme admirable.
> Cependant, au contraire d'elle, il n'est pas
si libre qu'il n'éprouve de honte à penser que quel
qu'un pourrait reconnaître dans l'épouse d'aujour
d'hui la femme d'hier.
Soropita va comme dans
un rêve.
Sa main tient les rênes comme si elle appar
tenait à un autre.
Le monde du dehors ne lui par
vient qu'à travers un voile, faible.
Seules les mani
festations de la nature, ses bruits et ses odeurs
viennent à se mêler à ses souvenirs qui sont comme
des eaux vagabondes.
Et pendant qu'il est à che
vaucher, seu l, il médite et les paysages font
alliance avec ses pensées pour, petit à petit, lui
donner cette sagesse qui évitera à Doralda, à
d'autres aussi, une fin tragique.
Dans le Message du morne, Pedro Orosio, qui
vient d'échapper à un guet-apens, se décide pour
le long voyage qui doit le ramener dans sa terre
natale : transcription d'une autre anabase.
>
Pour le laboureur Pedro, se fixer sera se changer,
briser avec une adolescence · légère.
La Fête à Manuelziio précise la signification du
voyage.
Le ·v i eux Manuelzao a bâti une chapelle
en pleine solitude.
Le jour qui précède la consécra
tion et les suivants seront jours de fête.
Du haut
de son cheval , Manuelzâo contemple le spectacle et
médite jusqu'aux blancheurs du matin, jusqu'au
soleil : il marche, marche avec le troupeau, en tête,
hanté par ses pressentiments.
Il goûte l'amertume
de la fin.
Le fiel de la mort.
Il éprouve, durant
toute la fête un sentiment de pui s sance.
Il n'a
pourtant plus l'âge de convoyer les troupeaux et,
de plus, il est malade.
Il projette pourtant de
prendre la piste, la fête terminée.
Manuelzao écoute
les voix intérieures qui lui disent que la fête est
vraie vie, cette vie dont les voyages figurent l'ab
sence.
Il est tenté de ne pas partir.
Mais pénétré du
sentiment absurde et fort que la mort seule a le
droit d'interrompre la vie qui est voyage, il part
au milieu d'un immense troupeau de bœufs au poil
plus blanc que farine de maïs, au poil à la blan-
cheur de lait.
·
Les problèmes linguistiques sont essentiels chez
Guimaraes Rosa pour qui le langag e est l'expres
sion d'une contemplation intérieure ,.
»
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