Les pensées de PascalIntroduction :

Les pensées de Pascal

Introduction :

On peut s'étonner, et même aujourd'hui s'inquiéter à l'instar des partisans de la décroissance, de l'agitation qui règne dans le monde. L'humanité pourrait être facilement comparée à une gigantesque fourmilière ne connaissant jamais le repos. Si l'utilité de certaines entreprises semble évidente, reste que l'on pourrait interroger le sens de cette suractivité pour tenter d'en percer le motif profond.

Quelle mouche a donc piqué l'homme ? Telle est la question au fond que soulève Pascal dans ce passage des Pensées motivé par l'incompréhension de l'auteur devant la façon dont les hommes mènent leur existence : ne peuvent-ils pas rester tranquilles ? Il semblerait que non : alors même qu'ils pourraient mener leur vie tranquillement, ils se lancent dans des entreprises aventureuses et périlleuses sources de grands malheurs. Comment expliquer cela ? L'éclairage de Pascal est assez surprenant, paradoxal. On pourrait croire que l'être humain, être de désir qui n'en a jamais assez, est toujours lancé à la recherche d'un bien qu'il ne possède pas. Mais l'auteur montre que, plus que le désir , c'est bien plutôt l'angoisse de la mort qui constitue le moteur de notre existence. De sorte que celle-ci relève fondamentalement du divertissement (au sens étymologique de « se détourner de ») : nous agissons frénétiquement pour oublier la mort. Il convient ici de préciser que cette stratégie n'est pas bien raisonnable car à notre malheur naturel (la mort), nous ne faisons qu'ajouter par là bien des déboires ! Ainsi, l'agitation humaine en ce monde s'apparentait à une fuite un peu ridicule à laquelle, d'une manière ou d'une autre, il faudrait (si on lit bien Pascal) mettre un terme.

Nous commencerons donc par tenter de comprendre cette curieuse idée selon laquelle les hommes agissent et vivent pour oublier qu'ils vont mourir. Il s'agira ensuite de questionner la pertinence de l'analyse pascalienne : pouvons-nous réellement adhérer à cette logique du divertissement qui caractériserait notre existence ? Mais si Pascal voit juste, comment alors enrayer cette course insensée de notre existence et espérer être heureux ?

Explication de texte :



1. Présentation générale de l'argumentation : Pascal commence par faire le constat de l'agitation frénétique qui caractérise l'humanité. Il cherche tout d'abord à expliquer par l'insatisfaction qui caractérise l'homme, être de désir. Cependant l'auteur va mettre ensuite en évidence une cause plus profonde : les hommes s'agitent pour se divertir ( au sens de divertir : \"se détourner de\" ) c'est-à-dire se soustraire ou échapper à l'angoisse de la mort. Enfin, dans un dernier temps, l'auteur va tenter de nous convaincre du bien fonde de son analyse par ce qui est à la fois une illustration de sa thèse et un argument : même ceux qui n'ont rien à désirer (les puissants) recherchent l'agitation, ce qui montre que l'angoisse et non le désir est bien le moteur de son existence.



2. On analyse le constat de l'agitation qui caractérise l'humanité selon Pascal. On pourra ici insister que cette agitation est source de malheur : périls, aventures (au mauvais sens du terme), guerres: voilà ce qui résulte des entreprises humaines. On notera qu'avec Pascal (quiétisme et éloge de la vie contemplative) on ne se situe pas vraiment dans la valorisation du dynamisme existentiel ou plus particulièrement économique qui caractérise la sensibilité (idéologie ?) contemporaine.



3. On analyse ensuite la première explication fournie par l'auteur : l'homme est un être de désir qui ne peut jamais se satisfaire de ce qu'il possède. Le désir est cette force qui entraîne l'homme bien au-delà de la satisfaction de ses besoins et est en ce sens traditionnellement compris comme ubris, démesure et source de souffrance… Celui qui vit en ville (qui bénéficie de tous les services), possède sa maison etc. est tout de même enclin à l'aventure. A ce stade Pascal n'innove pas vraiment par rapport aux sagesses philosophiques traditionnelles.

4. Mais il fournit ensuite une explication plus profonde. Ce n'est pas tant poussés par le désire mais surtout parce qu'ils sont angoissés par la mort que les hommes recherchent l'agitation. C'est là le divertissement au sens propre : les hommes hyper-agissent pour tenter d'oublier la mort, de s'en détourner (\"divertire\"). Or comme on l'a vu, il s'agit là d'une démarche bien vaine : non seulement cette tentative est illusoire mais en plus elle cause bien du malheur a l'humanité. Pour prendre un exemple significatif de l'absurdité (irrationalité) de cette démarche, on relèvera ainsi que pour oublier la mort, les hommes partent faire la guerre. Telle est la logique du divertissement : insensée, vaine et en aucune manière susceptible d'apporter le bonheur au genre humain.

5. Enfin il s'agit d'analyser ce qui semble être à première vue une illustration : le roi. Pourquoi Pascal parle du roi ? Le roi est le puissant parmi les puissants, celui qui (théoriquement) n'a rien à désirer puisqu'il possède tout. Or, il est notable que le roi (par extension les puissants) à particulièrement besoin d'action, de divertissement (au sens ordinaire du terme). Le moteur de son action ne pouvant donc être le désir, il s'agit donc de l'angoisse de la mort dont le poids apparaît avec la plus grande évidence chez ceux dont la plupart des désirs sont satisfaits (il est plus difficile de montrer que celui qui ne possède rien ou pas grand-chose agit poussé par l'angoisse de la mort…).

6. On peut conclure cette partie explicative en insistant sur la logique du texte que l'on a su exposer mais peut-être surtout sur la dimension presque existentialiste du passage. En effet Pascal place l'angoisse de la mort au cœur de l'existence humaine et en fait même son moteur essentiel. C'est d'ailleurs cette vision négative de l'existence (on agit ou vit contre, en réaction à/ action positive : agir pour) qui pourra faire l'objet de la discussion qui va suivre.