Boris Pasternak

« Boris Pasternak Le plus grand poète lyrique de la Russie contemporaine est né au coeur du vieux Moscou.

Fils aîné d'un portraitiste célèbre, Léonide Pasternak et d'uneexcellente pianiste, Rosa Kaufmann, l'enfant grandit dans un milieu où la vie est consacrée à l'art.

L'atmosphère familiale n'a rien de bohème pour autant.Boris Léonidovitch apprend dès l'enfance que la Vérité doit être seule servie. Le jeune Boris fait de solides études classiques et apprend tout petit à parler et à écrire couramment le français et l'allemand.

Il apprendra l'anglais pendantla guerre de 14.

Témoin actif de la Révolution de 1905 il reçoit un coup de fouet de cosaque au cours d'une émeute.L'événement le marquera profondément et trouvera un écho dans ses poèmes épiques : l'an 1905 et le Lieutenant Schmidt (1925-1927) et dans le DocteurJivago. Le dénouement malheureux d'un premier amour bouleverse la vie intérieure du jeune homme.

Il comprend qu'il est trop émotif pour faire un vrai philosophe etse met à écrire des vers pour de bon et non plus seulement pour passer le temps.

Pasternak à cette époque lit la Bible et fait intérieurement le tour dumonde.

Le poète s'inspirera toute sa vie de cette vision intérieure qui ne cessera de s'expliciter à travers son oeuvre jusqu'aux vers du Docteur Jivago.

Carle sort en est jeté : Pasternak sera poète.

Il termine avec succès ses études de philosophie à l'université de Moscou et prend pour vivre un emploi deprécepteur.

Cette période de sa vie fournira le sujet de Récit.

Pasternak se mêle avec toute la fougue de son tempérament à la vie intellectuelle moscoviteet se lie d'amitié avec Maïakovski.

C'est l'époque futuriste de Pasternak.

En 1914 paraît un premier recueil de vers : Un jumeau dans les nuages.

Lesgrands aînés Blok et Bely exercent une influence certaine sur le jeune poète. La guerre surprend Pasternak chez le poète Baltrouchaïtis, sur les bords de l'Oka.

Une jambe restée légèrement plus courte à la suite d'un accident decheval le dispense de toute obligation militaire.

Pasternak ne fera jamais l'expérience personnelle de la vie au front. En 1915 Pasternak écrit un premier essai en prose : Il tratto di A pelle.

Dans cet essai comme dans le suivant : les Lettres de Toula (1918), l'auteur sedemande dans un contexte presque surréaliste où interviennent déjà le chaos et les gares, le hasard et la croisée des chemins, à quoi reconnaît-on unvéritable artiste ? A la pureté naturellement impeccable de la facture, à une certaine qualité d'enfance garante de l'authenticité et de l'intégrité intérieure, àune certaine faculté inaliénable d'être transfiguré par l'inspiration poétique, répond-il. En 1917 Pasternak publie un second recueil de vers : Par-dessus les obstacles.

Au centre de sa méditation se trouve Pierre le Grand et son obstinationgéniale. L'été 1917 marque une date importante dans l'évolution créatrice de Pasternak.

Une s'opère sur le plan intuitif.

Pasternak pressent les bouleversementsque la révolution d'Octobre va apporter dans la vie russe et le renouveau qui en surgira.

Ce renouveau s'identifie dans sa vision poétique au renouveaumultiforme et impétueux de la vie dans la nature, auquel vient se mêler intimement, par le truchement de l'expérience amoureuse, le jaillissement de la viepersonnelle du poète.

Tel est le grand thème de Ma soeur, la vie, recueil de poèmes écrits en 1917 et publié en 1922 et de Thèmes et variations publié en1923.

Des vers de ce dernier recueil, toutefois, sont écrits pendant les années terribles du communisme de guerre et à l'époque d'une rupture douloureusedans la vie du poète.

Aussi leur ton est-il dans l'ensemble plus grave, mélancolique parfois.

Pasternak a su se libérer de l'emprise de Maïakovski et résisteraux séductions de l'imaginisme.

Il a trouvé sa voie propre.

Le public le sent et l'aime.

A 32 ans, Pasternak est un poète célèbre.

Sa poésie n'a pourtant riende facile : son sens profond ne se livre presque jamais à la première lecture. En 1903, Pasternak épouse une artiste-peintre, Eugénie Lourié.

De cette union naîtra bientôt un fils, Eugène.

La vie est difficile et Pasternak trouve, grâce àGorki, un emploi temporaire à la bibliothèque du Commissariat à l'Instruction publique.

La Haute maladie (1904), c'est-à-dire la poésie, ne cesse pourtantpas d'étreindre le coeur du poète. En 1905, Pasternak publie deux nouvelles : l'enfance de Luverse et les Foies aériennes.

L'Enfance de Luverse, datée de 1918, est le début retravaillé d'unroman perdu.

La langue des nouvelles annonce celle du Docteur Jivago.

Luverse et Polivanov personnage des voies aériennes font songer à Lara et àAntipov. En 1930, Pasternak divorce et épousera bientôt Zinaide Nieghaus.

Il publie à cette époque quatre textes très importants : Spektorski (1931), un longpoème riche de renseignements biographiques dont nous retrouvons le héros Serge dans Récit (1933).

Dans cette nouvelle, Pasternak répond sous formede parabole à l'une des questions qu'il se pose dans sa première autobiographie, Sauf-Conduit (1931) : comment jaillit l'oeuvre d'art ? En 1930 paraît l'undes plus beaux recueils de vers du poète : Seconde naissance.

Pasternak séjourne au Caucase chez ses amis les poètes Iachvili et Tabidzé.

Sousl'influence de son amour pour Zinaide Nikolaevna, Pasternak redécouvre la beauté du monde et son harmonie.

La langue se discipline.

Le quatrain destructure classique est désormais caractéristique de la forme poétique de Pasternak.

La simplicité lui apparaît comme le trait fondamental de toute grandepoésie. En 1935, Pasternak fait une apparition forcée au congrès des écrivains antifascistes à Paris.

En 1936 naît un second fils, Léonide.

Le poète échappemiraculeusement aux "purges" et mène une existence cachée et difficile.

En 1940, il peut publier un recueil de traductions de poètes anglais, allemands etde Verlaine.

A partir de 1941, il va s'imposer en Russie comme le grand traducteur contemporain de Shakespeare auquel parfois il fait dire il faut bien lereconnaître ce que lui-même n'a pas le droit de dire.

Après la guerre, il traduira Faust avec autant de maîtrise. Après treize ans de silence sur le plan poétique, Pasternak peut publier en 1943 une plaquette de vers : Dans les trains du petit jour.

Les deux premierscycles écrits en 1936 sont consacrés à l'Artiste et aux problèmes qui se posent à lui dans le monde où il vit.

Les deux derniers, écrits en 1941, évoquent lanature autour de Peredelkino, le début de la guerre et son cortège de souffrances.

En 1945, Pasternak publie sous le titre l'Espace terrestre une dizaine depoèmes écrits en 1943-1944.

Il y chante l'héroïsme du soldat russe et sa foi en la délivrance imminente. Après la guerre, le poète consacre ses forces vives à la rédaction du Docteur Jivago, "l'oeuvre de sa vie".

C'est le roman d'un poète qui ne se veut pas plushistorien que philosophe, mais qui cherche à exprimer au moyen de la prose une vision poétique élargie de ce dont il a été témoin : l'épopée douloureuse deson peuple lancé par la Révolution dans la grande aventure de la construction d'un monde meilleur mais qui refuse pour autant de perdre son âme.

Lié auxdestinées de son peuple, Iouri Jivago paye lui-même ce refus d'un prix très lourd : il accepte de sacrifier son amour et de perdre son visage humain : iltombe dans une déchéance scandaleuse avant de mourir.

Ses derniers vers affirment pourtant sa foi en la résurrection. Le roman est publié pour la première fois en italien en 1957.

Il est publié en France en 1958 en même temps que la seconde autobiographie du poète :l'essai d'autobiographie.

Un dernier recueil de vers, Quand il fera beau, paraît également à l'étranger en 1959.

Lauréat du Prix Nobel de littérature en 1958,Pasternak se voit obligé de refuser le prix pour des raisons politiques.

Le poète s'éteindra peu après dans la solitude de Peredelkino, laissant une dernièreoeuvre inachevée, un drame : la Beauté aveugle.. »