ARLAND, Marcel
Publié le 16/05/2020
Extrait du document
«
MARCEL ARLAND
né en 1899
IL y a deux Arland.
Non pas certes deux hommes, mais deux œuvres imbriquées l'une dans
l'autre et qui, souvent, s'opposent entre elles ...
Voici
d'abord la part la mieux connue, la plus ouverte au public- et qui lui a apporté le
succès : elle
se confond avec une enquête fiévreuse des chances départies à l'homme dans le monde
un peu sot de l'autre après-guerre.
Voici donc des exaltés, des indignés.
Certains échappent hors
d'Europe, d'autres restent pour démontrer à la vieille culture son absurdité.
D'autres enfin
végètent, s'exilent dans une province qui, souvent, les dépayse plus encore que l'étranger.
Et qui
les enterre.
Le héros que construit Arland est dominé par les instances nietzschéennes.
Avec sa généra
tion, le romancier vit sous le regard d'un Dieu jaloux auquel il ne croit pas, mais qui n'admet
aucun compromis, aucune médiocrité.
Telle est, au fond, l'histoire de Gilbert Villars, le héros de l'Ordre.
Fils spirituel de Julien
Sorel, il se lance dans l'action politique, peut-être parce que sa vie n'a pas trouvé son accomplis
sement dans la femme qu'il aime, Renée.
Du moins, entreprend-il de saper l'ordre qui est.
On
pourrait croire que la victoire le libère ...
Mais Gilbert ne cherche pas à s'assouvir : à peine Renée
devient-elle sa maîtresse, qu'il travaille à la détruire et à se détruire avec elle.
Un homme comme
lui ne saurait se contenter d'un bonheur ou d'une condition modestes.
Il porte avec soi trop de
passion; surtout, une force le pousse qui corrompt tout ce qu'il touche et l'anéantit lui-même
en fin de compte, comme le cancer qui le ronge et le ramène vaincu à sa « terre natale ».
Arland a pu se délivrer d'une obsession en inventant Gilbert, il ne l'a pas détruite.
Dans
un article célèbre de 1924, Sur un nouveau mal du Siècle, publié dans la N.R.F., il s'interroge : que
valent les spécialistes de la révolte- surréalistes ou révolutionnaires? Pour les uns, il s'agit d'une
parade et d'une pose (qui n'est pas sans rapporter quelque bénéfice); pour les autres, d'une
doctrine qui remplace les religions mortes.
Alors, vers quelles valeurs faut-il se tourner?
Seule, la littérature peut fournir une éthique, car elle est un mode d'existence, une ascèse
de la solitude.
Cela explique l'ardeur avec laquelle Arland se détourne du succès social et recherche
l'isolement libérateur.
Qui n'a pas tenté ainsi de se détacher un jour de la « République des
lettres
» n'a pas d'âme et n'a rien à dire ...
Après
l'Ordre vient donc la Vigie, cette expérience de la solitude, solitude de l'amour, solitude
de la pensée.
Sans doute l'instinct destructeur qui façonnait le caractère de Gilbert affecte-t-il
encore le héros du roman et met-il en péril Geneviève avec qui il tente de « vivre au désert »,
comme on disait au siècle d'Alceste.
Pourtant, le souci de composer une figure imaginaire qui
explique à elle-même l'existence individuelle l'emporte sur l'esprit de négation.
Et cela marque
un pas en avant..
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