AJAR (Émile)
Publié le 18/05/2020
Extrait du document
«
AJAR
(Émile), pseudonyme de Romain
Gary.
En 1975, le prix Goncourt couron
nait la Vie devant soi, second roman
d'un écrivain dont on ne savait pas
grand-chose, sinon qu'il avait publié
l'année précédente un autre livre déjà
re mar qué , Gros Câlin.
Le succès de la
Vie devant soi fut grand (confirmé par
l'adaptation du roman pour le cinéma), et
le public s'intéressa à cet écrivain
mystérieux, d'une discrétion qui frisait
l'absence, et qui avai t en outre refusé son
Goncourt.
Deux aut res livres suivirent,
Pseudo (1976), clin d'œil dont on ne
comprit le sens qu'un peu plus tard, et
l'Angoisse du roi Salomon (1979).
Tout
le monde croyait qu'Ajar était le pseud o
nyme d'un neveu de Romain Gary, Paul
Pavlowitch (c'était lui qui répond ait aux
interviews et traitait avec l'éditeur),
lorsqu'en juin 1981 éclata « l' aff aire
Ajar » : Pavlowitch révéla dans
l'Homme que l'on croyait, le seul livre
qui füt vraiment de lui, qu'Ajar c'é tai t
Romain Gary.
son oncl e, auquel il avait
accepté de servir d e prête-n o m .
P�1d.Q ..
.
Ajar était mort, quelques mois seulement
après le suicide, bien réel celui-là, de
Gary.
C ·est cette mort choisie qui donn e
son sens à ce qui, sans elle, n'eût été
q u 'un e nouvelle mystification littéraire.
C'est elle qui justifie que, dans un
dictionnaire, Ajar existe à côté de Gary :
si le propre de l'é cri tu re littéraire est de
construire un univers unique et qui
s'autosuffit, Ajar est un écrivain à par�
entière, un autre absolu, qui a permis à
Gary de vivre en effet deux foi s.
Cette
différe nce, ce ne sont pas les thèmes qui
la manifestent vraiment : il y avait pas
mal d'épaves dans les romans de Gary,
il y a beaucoup de laissés -pour -compte
dans les textes d'Ajar.
Ceux, d'abord, qui
sont toujours « sur les marges », les
chiens perdus institutionnels : im migré s,
prostituées, juifs -M',.
Dreyfus dans
Gros Câlin ( « une Noire de la Guyane
française, comme son nom l'indique,
Dreyfus, qui est là-bas très souvent
adopté par les gens du cru.
à cause de
la gloire locale et pour encourager le
tourisme»), Mm• Rosa.
Mohammed et
M.
Harnil dans la Vie devant soi, Yoko
l'Ivoirien, Tong le Cambodgien.
M.
Salo
mon, dans l'Angoisse du roi Salomon.
Ensuite, tous les autres.
c'est-à-dire
chacun d'entre nous les anonymes,
chez qui le téléphone sonne toujours par
erreur (Cousin, le petit employé de Gros
Câlin) ; les oubliés (M11• Cora, la vieille
chanteuse réaliste du Roi Salomon) : les
vieux surtout, que nous serons tous un
jour, ce qui fait des hommes une espèce.
»
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