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Patrick Grainville

Romancier né le 1er juin 1947 à Villers (Calvados). Professeur agrégé de lettres au lycée de Sartrouville. Son second roman La Lisière, est en 1973 passé à deux doigts du Concourt. L’Abîme, son troisième et excellent livre, est, du coup, boudé par la critique. Mais son dernier en date, Les Flamboyants est accueilli comme « un opéra sublime, baroque et bariolé » (Le Monde) et obtient le Prix Concourt 1976. Malgré et peut-être grâce à ses défauts, Grainville est l’un des écrivains les plus « doués » de la jeune génération.

Patrick Grainville a qualifié ses trois premiers romans d'«autobiographie mythique », affirmant ainsi son parti-pris anti-réaliste. L’écriture devient un lieu où se jour la vie tout entière, traversée de fantasme, de délires fous, d’échappées baroques. Seul ce parti-pris, et le rappel de prénoms obsédants (Laura) ou de scènes de chasse, constitue l’unité de la trilogie. Et sans doute aussi, une même réflexion sur le plaisir, la douleur et le désir, qui conduisent à la nécessité du monstrueux et de la mort. La Toison du premier roman, c’est d’abord la texture épaisse d’un récit dense et dru, où le narrateur se laisse, non sans complaisance, prendre au piège de la sensualité romanesque. Pelages, fourrures, poils annoncent les laines des moutons honnis de l'Abîme ou la forêt africaine des Flamboyants. L’œuvre de Grainville, aussi bien par sa thématique que sa démarche, tend vers la quête d’un royaume, d’un absolu, perdus au sein d’une matière romanesque difficilement pénétrable, assiégée qu’elle est par un foisonnement de métaphores, d’images, au centre desquelles se réfugie une vérité métaphysique. Dans La lisière, par exemple, la recherche d’un ordre du désir, d’un Eros libéré et véritable. De même, dans l’Abîme, où le narrateur se met dans la peau d’un vieillard professeur qui finit ses jours dans une maison de retraite, partagé entre ses pouvoirs « magiques » qui lui assurent autorité et prestige auprès de ses compagnes et son amour « fou » pour Laura, une jeune femme qui lui donnera force et virilité pour affronter le spectacle de son déclin. Comme toute littérature « initiatique », les romans de Grainville s’exaltent de leur propre rituel, sous le parrainage aristocratiquement revendiqué de Char, Proust, Céline et Saint-John Perse. «Moi y a que l'Absolu qui m’intéresse (...) La volupté, la mort, la magie, j’en suis là» Et tant pis si « l’emphase gêne les pisse-froid » ! Grainville interpelle une sensibilité contemporaine qui ne sait plus faire la part de la grandiloquence et du « style ». Car tel est son véritable propos, à l’instar des grands baroques, redonner à travers les plaisirs et les fuites du langage un « style », une forme de la vie. Cette forme, c’est aussi la quête du roi fou Tokor dans Les Flamboyants. Ce souverain d’opéra, qui n’est pas sans faire songer parfois à certain Amin Dada, tue, massacre et pille, mais quelle grandeur tragique ! Ambiguité des ambiguités, qui conduit l'alter ego de l’auteur, William Néant Blanc, convié par le roi à sa recherche mystique du pays des Diorles, à le renier pour épouser la cause plus juste, mais combien plus « froide » du socialisme. Tokor est un monstre, un « Caligula des tropiques », mais c’est lui qui découvre à William la «vraie vie». Plongeant délibérément dans un exotisme flamboyant, tissé d’adjectifs pittoresques et baroques, Grainville exhorte l’Occident de Socrate, du Christ et de Marx, le sommant de retrouver les forces vives d’un animisme primitif, d’un langage neuf et surréel qui parlerait à notre inconscient anarchique et barbare. ► Bibliographie

La Toison, 1972 ; La Lisière, 1973 ; L'Abîme, 1974, tous trois chez Gai lima rd ; Les flamboyants, 1976, Le Seuil.

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